Currents, nouvel album des Australiens, a réconcilié audace d’écriture et succès populaire. Kevin Parker, chef d’orchestre de cette usine à rêves, digère ses lauriers.
Je ne me souviens jamais de ce que j’ai fait à tel moment, à tel endroit… Mais je me souviens des faits. Au début de l’année, je sais que j’étais encore en train d’enregistrer Currents. J’ai dû terminer vers février… Je pense que c’est ce moment, celui où j’ai vraiment terminé l’album, qui restera le pic de cette année. Ça a été un tel soulagement… Paradoxalement, je pense que c’est aussi le moment le plus sombre de l’année pour moi.
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Accoucher d’un disque est un mélange d’euphorie et de sentiment dépressif, un peu comme avec un bébé. J’ai mis beaucoup d’énergie dans cet album, c’est douloureux de le voir exister par lui-même. Mais au fond, il n’y a rien de meilleur au monde. Je l’ai réécouté il y a quelques jours – pour la première fois depuis cet été, d’ailleurs. Eh bien, je dois avouer que je l’aime beaucoup ! C’est peut-être bizarre à dire, mais je ne l’aime vraiment que depuis ces derniers jours.
Très fier de cet album
Il y a certaines chansons sur lesquelles je me suis tellement pris la tête que, pendant un moment, je n’arrivais plus à les écouter, je ne pensais qu’à toutes ces heures passées dessus. Aujourd’hui, je comprends pourquoi les gens ont aimé ce disque. J’en suis très fier. Mes deux premiers albums, Innerspeaker et Lonerism, étaient des sortes d’amas d’accidents heureux. Avec Currents, tout était intentionnel et réfléchi. J’y ai mis tout mon cœur et toute mon âme.
Quand tu parles aux journalistes, c’est pour parler de toi-même… Ça peut être fatigant. A force, j’ai parfois le sentiment de me répéter, de n’avoir plus rien d’intéressant à dire. D’autant que j’ai fait cet album tout seul, donc pendant longtemps je n’en ai parlé avec personne. C’est avec les interviews que j’ai vraiment commencé à en discuter, et donc à prendre conscience de certaines choses.
“A quoi bon écrire et faire de la musique si ce n’est pas de la façon la plus personnelle possible ?”
C’était bizarre d’entendre des mots sortir de ma propre bouche à propos de cet album. Je crois qu’il contient surtout un message pour moi-même. Je me suis rendu compte qu’il était impossible de se battre contre ses propres pulsions. Qu’elles soient bonnes ou mauvaises, elles finissent toujours par l’emporter. Ces chansons parlent simplement de la musique que j’aime vraiment, et que j’assume enfin d’aimer, sans intellectualiser les raisons de cet amour.
Home, sweet home
Je ne me sens plus coupable de rien. Il y a quelques années, je n’aurais pas aussi bien vécu de m’adresser à un large public avec un propos si personnel. Aujourd’hui, me dévoiler me paraît justement le meilleur moyen de justifier l’écriture d’une chanson. A quoi bon écrire et faire de la musique si ce n’est pas de la façon la plus personnelle possible ?
En ce moment, je me cache un peu chez moi. Mais je suis toujours plus ou moins occupé. Je me sens bizarre et je culpabilise si je passe une journée à ne rien faire. Je pense que ça vient du contraste avec certaines périodes très intenses, quand, par exemple, je suis en tournée. A part les concerts, je suis en train de rénover ma maison et mon studio. Il y a des bâches partout, c’est excitant et effrayant. Pour le reste, on verra bien.
propos recueillis par Maxime de Abreu
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