Novembre 2013. Thomas Mars aphone, la tournée française de Phoenix est perturbée par deux annulations de concerts. On en profite pour rencontrer le guitariste Christian Mazzalai à Paris et retracer avec lui l’année du plus grand groupe versaillais du monde. Interview intégrale.
Vous avez profité de la tournée 2013 pour découvrir des lieux où vous n’étiez jamais allés ?
Il y a toujours des villes à découvrir aux Etats-Unis. Entre deux concerts on s’est retrouvé dans l’Arkansas dans une ville très bizarre qui n’a pas bougé depuis les années trente et l’époque de la prohibition. Il n’y a que de vieux bâtiments dont un vieil hôtel où Al Capone avait ses habitudes. Aujourd’hui c’est devenu un hôpital psychiatrique. La ville a un karma très étrange. Je crois me souvenir qu’elle s’appelle Springtown. Il n’y a que l’Amérique pour réserver des endroits pareils et c’est une chance de pouvoir le découvrir à chaque fois. Pour nous, le simple fait de jouer dans la plus petite des salles de l’autre côté de l’Atlantique c’est quelque chose de surréaliste.
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Cette année on a aussi beaucoup parlé de vous grâce à votre vidéo filmée par un drone dans les jardins du château de Versailles. Comment le projet s’est-il monté ?
On avait déjà tourné une vidéo avec La Blogothèque sur la place du Trocadéro il y a quelques années. Depuis ils nous ont souvent relancé pour en faire une deuxième mais nous on avait besoin d’une idée forte pour faire quelque chose de plus fou. Mon frère avait vu une vidéo d’une manif filmée par un drone sur Youtube. Le plan et les images étaient incroyables donc on leur a demandé si c’était jouable. Ensuite il fallait juste trouver un lieu et on s’est dit : « Pourquoi pas le faire à Versailles, à la maison !». On a eu une autorisation pour filmer tôt le matin avant l’ouverture des portes. On est arrivé à 4H30, on a fait deux, trois prises et c’était fait.
L’album de Daft Punk est sorti moins d’un mois après le vôtre. C’est la première fois que vous sortiez deux disques aussi rapprochés dans le temps.
Ouais c’était marrant de sortir deux album quasiment en simultané. On se connaît depuis que l’on est adolescents… avec le recul c’est complètement fou ce qui nous arrive. On se fait toujours écouter nos albums respectifs avant qu’ils sortent. Au début de l’année on s’envoyait plein de messages et on se disait que c’était dingue d’avoir déjà publié neuf albums en comptant les deux groupes. Leur album est très libre, sans compromis. Ils resteront toujours des guides pour nous car même si on a grandi ensemble, ils ont sortir leur premier album en premier. Ils ont réussi à se protéger dès le début et on a beaucoup appris d’eux sur ce point.
A part Random Access Memories, quels sont les gros albums qui t’ont suivi cette année ? Tu as écouté ceux de Kanye West, Bowie ?
J’adore le Kanye West. Je l’écoute beaucoup en ce moment. Au début je ne le comprenais pas trop et là je commence tout doucement à saisir où il veut en venir. Encore un album sans compromis et d’une folle liberté. Il y a un côté presque suicidaire chez Kanye West qui est assez fascinant. Même dans ses « lives » il fait n’importe quoi.
David Bowie c’est la référence de notre dernier album. On adore. Comme Bob Dylan ou Gainsbourg…
Les chansons de l’album ont inspiré pas mal de remixes. Vous écoutez ces reprises avec une attention particulière ?
Dinosaur Jr a fait une reprise officielle de Entertainment qui figure sur la réédition de l’album mais ça s’est fait très naturellement. Il y a aussi eu plein de remixes spontanés, c’est quelque chose d’assez agréable. Ca flatte l’ego mais au final la chanson ne sous appartient plus du tout. Depuis deux albums, on donne toutes nos pistes sur Internet et chacun fait ce qu’il veut avec. C’est aussi une manière de nous débarrasser d’un gros poids en libérant la musique qui trotte dans nos têtes. On peut alors parcourir des terrains vierges et composer à nouveau.
La mort de Lou Reed c’est un événement qui vous a affectés ?
S’il n’y avait qu’un seul groupe, je crois que ce serait le Velvet Underground. Adolescents, Lou Reed était notre dieu. Il reste toujours notre dieu aujourd’hui d’ailleurs. J’ai appris la guitare en écoutant les disques du Velvet : un groupe bien plus complexe qu’il n’y paraît. Tout le monde pense au premier album, ou au deuxième, mais sur le troisième il n’y a presque que des ballades. Le Velvet Underground ce n’est pas que de la révolte, c’est ultra poétique, il y a une grande maîtrise. Ils ont inventé l’indie. Et Lou Reed, pour moi, était peut-être le meilleur guitariste au monde. Il cachait sa virtuosité.
Cette année beaucoup d’albums ont partagé les avis des fans de musique. MGMT, Arcade Fire, The Strokes, Stromae…
C’est bon signe ça ! Les Strokes c’est un groupe que je suivrais n’importe où. Ils ont tellement apporté à la musique que je ne suis peut-être pas objectif mais certaines chansons du dernier album sont fantastiques. Ils ont pris des risques et ça c’est l’avenir.
Pour 2014, peut-on vous imaginer travailler sur les albums d’autres artistes en tant que Phoenix ?
Je dirais non à la base car on a tellement grandi tous les quatre dans notre coin que pour travailler avec d’autres gens c’est très compliqué. On a déjà essayé et on n’y arrive pas. D’un autre côté, tout s’est tellement bien passé avec Dinosaur Jr et R. Kelly que ça donne un espoir. Mais pour nous le plus important reste de continuer tous les quatre. Je ne ferai jamais d’album solo. Thomas ne fera jamais d’album solo. C’est la règle d’or. On est potes avant tout. Même quand on part en vacances on reste ensemble. Cette année on est allé en Italie et notre rêve c’est d’enregistrer un album là-bas.
Propos recueillis par Azzedine Fall
Entretien extrait de notre numéro hors-série Les 100 Meilleurs Albums de l’année, disponible en kiosques et sur notre boutique en ligne.
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