Avec un très beau premier album solo réalisé avec Étienne Daho, Lou Doillon a surpris tout le monde. La présidentielle, Proust, les JO, ses premiers concerts : retour sur une année folle.
2012, c’était l’année des chiffres ronds : j’ai eu 30 ans, mon fils 10. Cette année a été folle à tous points de vue. D’ailleurs, je n’ai pas encore tout à fait réalisé ce qui m’est arrivé. Auparavant, j’avais tendance à me projeter : je me disais que j’allais faire tel film car ça allait m’ouvrir telles portes. Cette fois, j’ai fait les choses, et notamment cet album solo, sans penser aux enjeux, sans chercher quoi que ce soit.
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Et ce qui est formidable, c’est que c’est là que ça a enfin marché. C’est comme la morale à la con que te sortent tes copines à 2 heures du matin : quand tu ne cherches pas l’amour, il arrive. Je ne m’attendais pas du tout au succès critique de l’album. Jusque-là, ce que j’avais fait n’avait pas marché. Pendant l’enregistrement du disque, je voyais Étienne ou ma maman me faire des clins d’oeil, me lancer des regards complices, persuadés que ça allait fonctionner. J’avais envie de les calmer, de leur rappeler que je suis la lose, que je porte la poisse ! Tout le monde me dit que ça va marcher, depuis quinze ans, mais à chaque fois qu’on fait un projet avec moi, on sombre ! Avant ce disque, je disais souvent que je venais d’une famille de Porsche ou de Formule 1 et que moi j’étais en 2 CV, je roulais à deux à l’heure sur le côté.
2012 est aussi l’année où j’ai enfin lu Proust. On m’a bassinée trente ans avec ça, j’ai commencé sur le tournage du film de mon père. Ça m’a pris neuf mois : lire Proust, c’est comme une grossesse. Quel cerveau, quelle structure ! Ça a été un des grands plaisirs de cette année.
Un autre, ça a forcément été les élections. J’aime voter plus que tout, j’aime les manifs, j’aime la Révolution française. Je vis d’ailleurs dans le quartier des manifs, vers le faubourg Saint-Antoine. Il y a quelque chose de magnifique dans ces mouvements-là, la victoire d’Hollande c’était important, défiler avec les enfants sur les épaules. Le lendemain, tu ne regardais pas les flics de la même manière, c’était absurde !
Quand Hollande est arrivé au pouvoir, les cyniques ont dit que malheureusement ça n’allait rien changer, que ce sont tous des marionnettes aujourd’hui. C’est sûrement un peu vrai, mais je trouve ça très important d’être élevé moralement, même si ça change peu de choses économiquement ou techniquement. Qu’on élève un peu le débat avec Hollande, je trouve ça très bien.
Toujours sur la beauté des mouvements populaires, j’ai adoré les Jeux olympiques. J’ai été surprise par la beauté des athlètes. Les filles au saut à la perche, aux courses de 200 m… Toutes hyper belles, hyper féminines. Et puis j’ai adoré l’humour anglais, la cérémonie avec les nonnes sur les patins à roulettes… Voir la fausse reine mère sauter en parachute – tout comme entendre Madness chanter Our House sur Buckingham Palace pour le Jubilé –, c’était formidable. C’est d’une humilité pas possible les JO : ce sont des gens qui ont d’autres métiers, qui travaillent pendant quatre ans pour un truc qui va se jouer en deux secondes.
De 2012, enfin, je me souviendrai surtout de cette adolescente qui s’est pris une balle dans la tête car elle réclamait le droit d’aller à l’école. Cette année, le rapport à la religion m’a fait peur. Je suis devenue obsédée par Christopher Hitchens, un intellectuel anglais mort il y a deux ans. Ami de Salman Rushdie, il est devenu orateur athée et s’est plafonné tous les religieux du monde. Il est parti du principe que dans un monde d’intolérance totale de la part des religieux, le fait que l’athée continue à fermer sa gueule est assez inouï. Ça commence à me gonfler tout ça : il n’y a pas de débat à avoir sur les caricatures de Mahomet, on est en France, ça existe et c’est comme ça. Avec le nombre de gens qui sont morts pour qu’on obtienne cette liberté, on ne va pas revenir en arrière.
Album : Places (Barclay/Universal)
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