Vingt ans jour pour jour après sa disparation, Tupac continue d’inspirer de nombreux rappeurs et à susciter tous les fantasmes grâce à une discographie aussi foisonnante et politique que psychotiquement attachée à la rue. Mais qu’en est-il de sa carrière sur grand écran ?
La centaine de titres enregistrés dans la dernière année de sa vie, son engagement politique directement hérité des Black Panthers, l’importance d’All Eyez On Me dans l’histoire du hip-hop, la légende qui voudrait qu’il ait mis en scène sa mort afin d’être libéré de ses ennemis et des multiples scandales qui ont jalonné son parcours… Il y en aurait des choses à dire sur 2Pac, vingt ans après sa mort, survenue un vendredi 13. C’était en septembre 1996. Mais il y a un aspect dont les médias se font généralement peu écho : sa carrière cinématographique.
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Des débuts prometteurs
Loin d’être aussi marquante que son œuvre musicale, celle-ci, resserrée autour de six films, dont trois sortis de façon posthume, a pourtant des arguments à faire valoir, et vient confirmer que Tupac, formé à la Baltimore School for the Arts de Baltimore et bercé aux récits de Shakespeare, fait partie de cette lignée d’acteurs qui n’ont besoin de presque rien pour captiver le regard. Il suffit en effet de jeter un œil à Nothing But Trouble de Dan Aykroyd ou au clip Same Song du Digital Underground, au sein desquels il fait de brèves apparitions en 1991, pour comprendre que ce qui frappe chez Tupac, c’est l’évidence de son jeu, l’immédiateté de sa présence.
https://www.youtube.com/watch?v=3cyfV7mllWo
Son aventure sur grand écran commence pourtant par un accident. En 1991, alors qu’il accompagne Treach, un des MC’s de Naughty By Nature, aux auditions de Juice, le premier film d’Ernest Dickerson, ancien directeur de la photographie de Spike Lee, Tupac se voit solliciter pour un rôle. Manifestement intéressé, il improvise, cite un poème de Robert Frost, épate l’équipe technique et obtient le rôle de Bishop, un jeune chien fou des quartiers défavorisés rattrapé par ses mauvais instincts.
« Peut-être qu’il connaissait quelqu’un qui lui ressemblait, qui l’avait inspiré pour le film, mais ce qui est certain, c’est qu’il a donné un côté très intense à son personnage », détaille rétrospectivement Ernest Dickerson. « À l’inverse de DMX, avec qui j’ai travaillé plus tard, sur Never Die Alone, on sentait que Tupac pouvait jouer différents personnages, et pas seulement celui qu’il était au quotidien. Il avait une vraie palette d’acteurs. »
« Je suis le meilleur choix pour ce rôle »
Cette capacité à varier les profils psychologiques, c’est précisément ce qui permet à Tupac d’enchainer rapidement les long-métrages. Et les rôles : dans Poetic Justice (1993), il joue avec brio de sa gueule d’ange, celle dont les traits réunissent ce qu’il faut de bonté, de sincérité et de candeur pour porter le scénario d’un film à la réalisation bancale. Dans Above The Rim (1994), cette néo-blaxpoitation, centrée sur un basketteur en passe de devenir professionnel à Brooklyn, Jeff Polack a fait appel à Tupac pour interpréter le rôle de Birdie, un trafiquant de drogue ayant adopté un style de vie où la tragédie semble être la seule issue possible.
Dans Bullet (1996), de Julien Temple (réalisateur de différents clips et de documentaires sur le punk), il forme un duo destroy avec Mickey Rourke et tente tant bien que mal de donner un peu d’épaisseur à son rôle de grand méchant au sein de ce gangster movie de seconde zone.
https://www.youtube.com/watch?v=vmB7D1yisFk
Dans Gridlock’d (1997), alors qu’il s’évertue à draguer Lucy Liu durant le tournage, il cesse d’être un acteur hip-hop, met de côté les flingues et s’acharne à combattre le désespoir, à prôner l’amour autour de lui et à prendre soin des autres ; dans Gang Related (1997), enfin, il est un flic corrompu, un de ces ripoux qu’il peut se permettre de jouer parce que, comme il le revendique en interview, il connaît ce genre d’individus par cœur.
« J’ai vu leur côté sombre, quand ils croient que personne ne les regarde. J’ai vu la compassion, j’ai vu la colère, j’ai vu la jalousie, j’ai vu la peur, j’ai vu le respect et j’ai vu la haine des flics plus que n’importe qui d’autre (…) Donc, pour cette raison, je suis le meilleur choix pour ce rôle. »
Ecran total
Le meilleur choix, Tupac ne l’a pas toujours été. À cause de ses démêlés judiciaires ou de sa mort prématurée, l’auteur de Me Against The World, est notamment passé à côté de Rasta Rocket, Forrest Gump, How To Be A Player ou encore Star Wars, dans lequel il était censé interpréter le Maître Jedi Mace Windu. Le meilleur choix, Tupac ne l’a également pas toujours fait. Si la pauvreté, esthétique et scénaristique, de Bullet ou de Gang Related peut en témoigner, il y a aussi cette fameuse dispute avec les frères Hughes, sur le tournage de leur premier film Menace II Society en 1993.
Peu ravi du rôle qu’on lui propose, d’autant que le projet a en partie été monté sur son nom, Tupac finit par voir rouge et veut régler ce litige à la force des poings. Mauvaise idée : le rappeur est arrêté pour coups et blessures, condamné par le tribunal de Los Angeles à quinze jours de prison et une amende de trois mille dollars, et se voit un temps blacklisté par tout ce qu’Hollywood compte de réalisateurs.
https://www.youtube.com/watch?v=padvnsLUhUM
En dépit d’un indéniable talent d’acteur, Tupac est sans doute passé à côté d’une belle carrière cinématographique. Et une preuve que le rappeur a peut-être trop souvent confondu fiction et réalité. Comme le relatait le producteur André Harrell suite à l’agression de Tupac au Quad Recording Studios à Manhattan le 30 novembre 1994 :
« Quand Tupac sortit de l’ascenseur en sang, refusant de s’asseoir et demandant l’air hagard qu’on lui roule un joint, j’ai réalisé qu’il était devenu Bishop, le personnage qu’il jouait dans le film Juice. »
Le 21 octobre prochain, Maxime Delcourt publiera 2Pac, Me Against The World, aux éditions le Mot et le Reste.
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