Le disquaire indépendant fêtera ses 20 ans en grande pompe du 5 au 7 septembre avec une série de concerts immanquables. Au programme, Oh Sees, Entracte Twist ou encore Frustration. L’occasion d’aller toucher deux mots à Mark Adolf, fondateur et patron de la boutique culte de Bastille.
Pour commencer, tu peux me raconter la genèse du disquaire ?
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Avec un associé, Ivan, on a ouvert en 1999. Il avait déjà bossé au Silence de la Rue, un disquaire branché punk, hardcore etc. qui se trouvait à Lamarck-Caulaincourt. A un moment, je suis parti en Angleterre parce que ça bougeait un peu plus qu’à Paris ; et à mon retour on était tous les deux au chômage, sans trop savoir que faire de notre vie. Du coup, on s’est simplement dit qu’on allait tenter notre chance.
C’était déjà à Bastille, du coup ?
Oui, on cherchait rue des Ecoles ou rue Keller, parce que l’endroit nous plaisait. Et la boutique a déménagé à la place de la boutique de fringues il y a maintenant six ans, rue Saint-Sabin.
On parle pas mal de la gentrification du quartier. Tu as senti des changements ?
Ouais, complètement. Dans les années 60-70 c’était un peu le repaire des loulous, des bikers, il y a toujours eu un phénomène de bandes. Quand on s’est installés, il y avait des boutiques de mangas, le disquaire Rough Trade, des primeurs chinois… La plupart de ces choses ne sont plus là. Après, les boutiques qui tiennent 10 ans à Paris sont très rares, mais en tous les cas oui, on sent vraiment le phénomène de la gentrification avec les bars à vin, à bières, les restos qui ouvrent.
C’est un peu difficile de faire la distinction avec le label vu que vous portez le même nom. Quels sont vos liens ?
C’est tout simplement un lien de personnes. JB, le patron du label, était quelqu’un de très proche au moment où on a ouvert la boutique. On traînait beaucoup ensemble, il sortait d’une expérience chez EMI et voulait créer son label indépendant. Comme la boutique avait déjà une aura internationale, qu’elle marchait pas mal, il nous a demandé d’utiliser le nom. On a dit oui et c’était assez intelligent de sa part : ça l’a pas mal aidé niveau promo et ça lui a directement fait un endroit où déposer ses disques. Certaines personnes connaissent l’histoire de la boutique mais les gens confondent pas mal, pensent que c’est la même chose. Pourtant, on a deux comptes séparés ; donc si l’un de nous se casse la gueule, il n’entraînera pas l’autre (rires).
Est-ce que de votre côté, vous avez ressenti le passage du physique au streaming ?
Pas vraiment. Je vois beaucoup de personnes qui prennent des abonnements autour de moi mais ça ne nous touche pas vraiment parce qu’on a une clientèle de passionnés, on est un peu dans une niche. Nos clients sont des gens qui ont besoin de la pochette, de l’objet physique. Il va y avoir un impact, ou il y en a déjà un sur d’autres disquaires plus généralistes, et ça nous arrivera aussi sûrement ; mais pour l’instant on s’en sort pas mal.
Vous avez aussi pas mal de raretés qui ne se trouvent pas sur les plateformes…
Oui il y en a ! Je ne bosse pas trop avec des majors, j’ai quelques classiques rock pour les gens de passage, ça met du beurre dans les épinards (rires). Mais la boutique tourne surtout grâce aux productions indépendantes, à des petits tirages. Tu vois, par exemple ce truc-là (il prend un vinyle sur les étalages et lance la platine). Ça s’appelle Nov3l, c’est le side-project des gars de Crack Cloud, et le disque est franchement super.
Outre les vinyles, vous vendez aussi des cassettes et des CDs. Ça marche bien ?
On a vraiment un tout petit stock de cassettes parce que je ne suis pas très fan de ce format, à vrai dire. Je sais que quelques personnes aiment bien ça, trouvent ça mignon et rétro, et que c’est attirant parce que c’est peu cher mais honnêtement, ce n’est pas ma tasse de thé. Concernant les CDs, c’est assez difficile. Je me demande parfois si je ne vais pas arrêter parce que plus grand monde s’y intéresse, mais certaines personnes continuent à en acheter, donc…
Vous êtes évidemment très axés rock, mais vous vendez aussi d’autres choses. Tu peux m’en parler ?
Oui, alors je sais qu’on parle beaucoup du hip-hop en ce moment mais je t’avoue ne pas trop suivre ce qu’il se passe. On est pas mal dans notre bulle et je ne lis pas trop les médias, donc je suis un peu resté à Run DMC, NTM, ce genre de choses. Du coté de l’électro, je suis pas mal sorti avec mes potes quand j’étais plus jeune et on s’y était un peu ouverts dans les années 2000, avec The Hacker, Vitalic etc. Notre but reste quand même de faire vivre une autre scène qui est très active. Il y a énormément de groupes qu’on appelle « garage » et qui mixent tout : du post-punk, du hardcore, de la techno, plein de choses… Je pense par exemple à certains disques qui sortent chez de super labels, comme le Turc Mécanique ou Teenage Menopause. Avant, il y avait un phénomène de caste, tout le monde restait cantonné dans un seul style et ce truc-là est terminé. C’est le miracle d’internet.
Je vois que vous avez aussi ouvert un rayon sur les musiques africaines ?
Oui, c’est un peu l’influence du label Born Bad, pour le coup. Ça a fait suite à la réédition de Francis Bebey, on est entrés là-dedans de plain-pied et ça fait parfois du bien d’écouter de nouvelles sonorités. C’est un bac qui tourne très bien depuis qu’il a ouvert !
Tu me conseillerais quoi, par exemple, dans ce style ?
Il y a un truc qui est mortel et qui s’appelle Ngozi Family. C’est un groupe des années 70 qui vient de Zambie et qui faisait du rock un peu barré à la Jimi Hendrix. Et puis le Mazouni. Comme ça vient d’Afrique du Nord, c’est évidemment des sonorités différentes, mais c’est un super disque.
Puisque c’est quand même un peu l’évènement du mois, tu peux me parler de la programmation de votre anniversaire ?
Bien sûr. Il y aura évidemment les Oh Sees jeudi soir, au Bataclan. Et puis, on jouera avec Frustration vendredi, parce que c’est un peu le fer de lance du label et de la boutique. Après j’ai essayé de faire jouer des groupes qui ne passent pas trop à Paris. Il y aura donc Arndales, un groupe de post-punk un peu froid qui comporte un membre d’Art Brut et qui n’a jamais joué hors d’Angleterre, Ero Guro, des Belges qui m’ont récemment mis une grosse claque, Maria Violenza, une Sicilienne qui a sorti un superbe album, et Bracco, qui fait une sorte de Suicide survitaminé.
Le concert de Bracco à la Vilette Sonique était vraiment cool, d’ailleurs.
Oui, je me suis pris une claque ! Et leur album est top. Ils dégagent une super énergie sur scène et ils sont résidents à la Station donc c’était quasi évident. Pour cette soirée, il y aura aussi Succhiamo, le projet parallèle de Paula, de JC Satan. Et on enchaînera le lendemain avec Entracte Twist, un groupe génial qui est sorti chez Requiem Pour Un Twister – un autre label qu’on aime beaucoup. Ils joueront avec Exek, qui fait une sorte de mélange entre dub et post-punk, et le Prince Harry, des gens que j’ai pas mal croisé en tournée et qui font aussi de super trucs. Voilà pour la prog, en gros. Aussi, histoire de rassurer les gens, sachez qu’on mettra en vente des préventes sur place, donc tout n’est pas perdu si vous voulez venir (sourire).
Toutes les infos relatives à Born Bad et aux évènements qui arrivent sont à retrouver sur la page Facebook du disquaire, à cette adresse.
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