Les coups de têtes victorieux de Zidane, la mort de Di Caprio dans Titanic, les années Jospin, la toute première émission du Bigdil : 1998 a modifié à jamais notre sens du frisson et des réalités. Et la musique produite cette année-là était au moins aussi mémorable qu’une victoire par trois buts d’écart. Du premier et unique album solo de Lauryn Hill aux délires contemplatifs de Boards Of Canada, de la confirmation Polly Jean Harvey à la peine capitale léguée par Big Pun : voici 20 classiques sortis il y a tout juste 20 ans.
LAURYN HILL – THE MISEDUCATION OF LAURYN HILL
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Sûrement l’un des disques plus impressionnants de toute l’année 1998. Au mois d’août, Lauryn Hill (à peine 23 ans) débarque sans les Fugees pour écrire, produire et chanter cet authentique classique qui reste encore son seul et unique album solo. Lost Ones, Ex-Factor, To Zion, Everything is Everything, I Used To Love Him… Si l’énumération de la tracklist donne aujourd’hui le vertige, sa réécoute intégrale suffit à saisir l’ampleur, la justesse et les références d’une proposition qui continue d’influencer la nouvelle garde du R’n’B moderne. Même les skits et autres discussions de studio qui viennent ponctuer les morceaux méritent une écoute attentive. Et dire que tout avait commencé devant le piano émo de Sister Act 2.
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MASSIVE ATTACK – MEZZANINE
20 années se sont écoulées depuis la sortie de Mezzanine. Constat implacable : en 2018, les intros de Teardrop ou Angel imprègnent autant la mémoire collective des fans de trip-hop que l’ambiance des pires reportages diffusés sur M6. Vénérée par certains, la musique de Massive Attack reste pour d’autres cet objet sonore familier qui colle si bien au ton de Bernard de La Villardière (et à celui de tous ses sosies vocaux qui sévissent sur la TNT). Un phénomène qui dépasse largement les frontières du groupe, puisque des artistes comme Tricky ou Portishead connaissent également le même (funeste) destin. Bristol, vie. On se console avec la voix de Liz Fraser des Cocteau Twins qui accompagne les meilleurs tracks de ce troisième album de Massive Attack.
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BIG PUN – CAPITAL PUNISHMENT
Décédé au tout début de l’an 2000, Christopher Lee Rios n’est pas souvent retenu parmi les rappeurs les plus regrettés. On lui doit pourtant l’overdose de rimes multi-syllabiques qui infuse le rap moderne ainsi qu’une large proportion de l’imagerie touchante du rappeur latino prêt à niquer des gueules en toute décontraction. Calibré, chemise hawaïenne : Big Pun a profité de sa bromance avec Fat Joe pour s’inventer une carrière à New York au milieu des années 90. Sur Capital Punishment, son premier album, il réussit à coordonner toute la variété des rappeurs actuels avec des titres aussi sombres que fascinants et d’autres beaucoup plus ouverts vers le chant et la pop. Le Bronx ne s’est toujours pas remis de sa carrière fulgurante. Et encore moins de sa mort survenue à l’âge de 28 ans des suites d’une crise cardiaque causée par une obésité morbide. A la fin de sa vie, la balance affichait 317 kilos.
>> A lire aussi : Top 10 des rappeurs américains morts trop jeunes
https://www.youtube.com/watch?v=MAuzToHlxBQ
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AIR – MOON SAFARI
Deux ans avant le succès international de la B.O de Virgin Sucides, le duo versaillais est déjà mûr. Godin et Dunckel approchent la trentaine quand ils sortent ce premier album qui sonne encore comme un coup de maître. Les chansons aquarelles de Moon Safari réunissent le jazz, l’électro, l’ambient et la pop en même temps qu’elles citent l’essentiel de leurs idoles, des Beatles à de Roubaix. En plus des tubes Sexy Boy, All I Need et La femme d’argent, on trouve ainsi l’hurluberlu Jean-Jacques Perrey en featuring sur le morceau Remember. Il s’agissait évidemment d’un pari : plus personne n’utilise le mot hurluberlu en 2018.
https://www.youtube.com/watch?v=99myH1orbs4
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PLACEBO – WITHOUT YOU I’M NOTHING
C’est la B.O du film le plus chelou de l’année suivante qui a conduit les ados de 1998 vers Placebo et les teintures corbeau de Brian Molko. Délocaliser Les Liaisons Dangereuses dans la bourgeoisie new-yorkaise avec Buffy dans le rôle de la marquise de Merteuil : il faut bien avouer que le pitch de Cruel Intentions était assez déconneur. En tout cas, suffisamment évocateur pour exciter l’attention de tous les kids nostalgiques de Roméo+Juliette. Sur la B.O, il y avait Every Me And Every You. Un morceau qui collait au cerveau et donnait l’impression de découvrir une nouvelle idée du rock à chaque regard incandescent largué par Ryan Phillippe. Finalement, l’album Without You I’m Nothing a mieux vieilli que la carrière de l’acteur. Même David Bowie a fini par craquer pour ce plaisir coupable.
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JAY-Z – VOL 2… HARD KNOCK LIFE
Assurément dans le top 5 des meilleurs disques de Jay-Z. Mais sans doute le plus important dans sa capacité à éclater le plafond de verre pour enfin séduire un public beaucoup plus large. A ce propos, le single phare qui donne son titre à l’album est un immense braquage affectif. Ou comment ravir le cœur de l’Amérique en empruntant l’un de ses motifs les plus WASP : la B.O « plus Broadway tu meurs » de la pièce de théâtre Annie. Il y en a encore qui doutent de la théorie du grand remplacement après ça ? En 1998, il fallait bien un album aussi riche et malin pour empêcher Big Pun d’empocher le grammy du meilleur disque de rap.
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PJ HARVEY – IS THIS DESIRE?
L’un des albums les moins appréciés dans la discographie de Polly Jean Harvey. Pourtant, chaque morceau de Is This Desire? mord l’âme dès les premières mesures en esquivant sciemment les facilités du tube imparable. Dans cette boxe délicate, l’Anglaise place quelques coups de maîtres comme l’immense The Garden porté par une mécanique fascinante et une puissance narrative rarement égalée. Une dizaine d’années après l’enregistrement, PJ Harvey confiera au Sun Telegraph qu’elle considère ce quatrième album comme son meilleur disque et le highlight de sa carrière. « J’y ai mis 100% de moi-même et j’ai sans doute laissé une bonne partie de ma santé sur ces chansons ».
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MANU CHAO – CLANDESTINO
Vos bonnets péruviens en tremblent encore bande de zadistes !
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ELLIOTT SMITH – XO
Les premiers enregistrements d’Elliot Smith sur une major. Après le succès du film et de la B.O de Will Hunting de Gus Van Sant, le songwriter américain prend enfin son envol pendant que l’essentiel de la planète folk plonge dans son répertoire à retardement. XO est en réalité son quatrième disque et l’avant dernier publié de son vivant. On y croise les singles Baby Britain et Waltz #2 (XO) dont la production moins dépouillée tranche avec l’éternel Between The Bars, mondialisé un an plus tôt sur Either/Or. Smith décèdera en 2003, après avoir reçu deux coups de couteau en pleine poitrine dans son appartement d’Echo Park, laissant ses fans pétrifiés par une interrogation toujours irrésolue entre un éventuel meurtre et le probable suicide qu’il annonçait à longueurs d’interviews. En mai 1998, Les Inrocks avaient eu la chance de passer un coup de fil au garçon timide retranché derrière l’artiste. « Je suis sidéré lorsque quelqu’un me dit qu’une de mes chansons l’a touché. Je trouve ça miraculeux » expliquait-il modestement.
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KOJI KONDO – THE LEGEND OF ZELDA OCARINA OF TIME SOUNDTRACK
Koji Kondo est un héros. On lui doit notamment la musique de Super Mario Bros. et de la plupart de ses dérivés qui ont animé vos insomnies sur les consoles Nintendo entre 1985 et 2017. L’un de ses plus beaux bijoux s’écoutait sur N-64, avec cet incroyable habillage sonore de The Legend of Zelda. Sa maîtrise des différentes ambiances incarne parfaitement les grandes thématiques de la saga entre donjons, fantaisie et déclaration d’amour à la nature.
LES SAGES POÈTES DE LA RUE – JUSQU’À L’AMOUR
1998 restera comme l’une des années fastes du rap français. Pour se pencher sur tous les classiques de l’époque, il faudrait se faire mal au dos (et au cerveau) en empilant les souvenirs de Fabe et de son Détournement de son et de tous les classiques sortis par la FF, Gynéco, Arsenik, Idéal J, Express Di, Oxmo, les X Men, Driver ou encore Busta Flex. Sans oublier toutes les considérations métaphysiques que peine à contenir le premier Shurik’n. Les Sages Po faisaient partie de cette escouade décomplexée, avec un Dany Dan au sommet et une ambiance freestyle qui transpire de chaque morceau. Jusqu’à l’amour n’est peut-être pas le disque de rap français le plus marquant de 1998, mais il s’agit sans doute du plus attachant. Sinon, la même année, Manau sortait Panique Celtique pour venir gratter le titre du « meilleur album rap » aux Victoires de la Musique dans le plus grand des calmes. Encore un complot signé Hakim le fils du forgeron.
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BOARDS OF CANADA – MUSIC HAS THE RIGHT TO CHILDREN
Toujours numéro 1 au classement des gens qui essaient de communiquer avec les extraterrestres.
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MERCURY REV – DESERTER’S SONGS
Tout simplement l’album de l’année des Inrocks en 1998. Voici ce que le « nous » d’il y a 20 ans écrivait à l’époque :
« On avait connu le rock de Mercury Rev tellement psychédélique qu’il frôlait la psychiatrie. Débarrassés d’un mur du son opaque, les Américains reviennent avec Deserter’s songs, désertant le rock et la pesanteur pour inventer la post-pop ».
Merci d’avoir si gentiment ouvert la voie à Drake et JUL les mecs <3
https://www.youtube.com/watch?v=zJykn-nitEI
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SWANS – SWANS ARE DEAD
Ce devait être la dernière tournée de Swans, alors les New-Yorkais ont décidé d’en faire un double album live. Bon, depuis ils ont décidé de se reformer pour écumer tous les festivals gentrifiés comme la plupart des groupes appâtés par « les paradoxes de la nouvelle économie de la musique ». Au fait, la prog de Primavera est tombée ?
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OUTKAST – AQUEMINI
On retrouve des génies comme George Clinton, Henry Mancini, Erykah Badu, Giorgo Moroder ou Sly Stone sur cet album ultra-dense qui s’amuse à exalter les différences assumées par Big Boi et André 3000. OutKast profite ici du succès de ses deux premières collections pour soigner une production qui renvoie largement à l’histoire de la musique noire américaine du 20ème siècle. Une sorte de préquelle du non moins classique Good Kid, M.A.A.D City publié par Kendrick Lamar une quinzaine d’années plus tard. Moins cool : Rosa Parks intentera un procès au duo pour utilisation frauduleuse de son nom sur le troisième morceau. Après des années de procédure, l’histoire se réglera finalement en 2005 grâce à un gros chèque signé par le groupe d’Atlanta.
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ALAIN BASHUNG – FANTAISIE MILITAIRE
C’était le 6 janvier 1998. Il y a un peu plus de 20 ans, Alain Bashung publiait Fantaisie Militaire quelques mois après la mort d’une princesse à Paris. On ne sait pas si Lady Di se réveillera en 2043 comme dans la chanson du même nom, mais on vous raconte tout sur la conception et le destin de l’un des plus grands disques français de tous les temps dans le long format disponible de ce côté du site.
>> A lire aussi : l’histoire de Fantaisie militaire par ceux qui l’ont vécue
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EELS – ELECTRO-SHOCK BLUES
En 1998, le beautiful freak Mark Oliver Everett signait un retour torturé avec son album le plus personnel, enregistré après le suicide de sa sœur et le cancer de sa mère. Mais plutôt que de répondre à l’invitation de Mireille Dumas, Everett révèle cet Electro-shock blues et son territoire rassurant où sa voix survit brillamment à la solitude et au désœuvrement. Si vous êtes sur le point de faire une connerie, n’écoutez pas ce disque pour autant et passez directement au tout dernier album proposé en fin de playlist.
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CAT POWER – MOON PIX
Cat Power face à ses cauchemars. Enregistré à Melbourne avec l’aide du groupe Dirty Three, le quatrième album de l’Américaine fait la part belle aux mauvais rêves qui la hantaient lorsqu’elle a composé les onze chansons de ce disque fragile. Power a enregistré les démos de ce qui deviendra l’album le plus abouti de sa carrière après une crise d’hallucinations nocturnes alors qu’elle se trouvait seule dans une maison de campagne isolée. Aucun single ne sera mis en avant pour assurer la promotion de Moon Pix, même si un clip en rollers viendra illustrer le blues indé de Cross Bone Styles.
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PULP – THIS IS HARDCORE
Jarvis Cocker sonne la fin de la récréation pour célébrer la mort des années britpop sur un ton grave et cérémonieux. Rien à voir avec l’excitation et les badineries de Different Class, mais un passage conscient et intelligent à l’âge adulte magnifié par une puissance mélodique qui impressionne dès l’ouverture du disque sur The Fear :
« Oh, baby
Here comes the fear again, oh-oh
The end is near again, oh-oh
A monkey’s built a house on your back
You can’t get anyone to come in the sack
And here comes another panic attack, oh
Here we go again »
C’est sans doute à ce moment précis que sa transformation en prof d’histoire-géo cynique et délicieux s’est réellement enclenchée.
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VENGABOYS – THE PARTY ALBUM
Un peu mieux produit que Ray Of Light de Madonna sorti la même année. Mais l’intention était clairement la même non !?
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