Il ne leur manquait qu’une voix ou deux pour accéder à la plus haute marche du classement. De Murat à Patti Smith, de The Married Monk à Dr Octagon, passage en revue de quarante postulants admirables.
Aphex Twin Richard D James lp (Warp/Pias)
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Ce fut la grande année de l’instrumental formidable, une année privée de parole surtout à Toulon. Labradford, Tortoise, Aphex Twin : tous à leur façon ont porté la bonne parole de Brian Eno. Soit : se taire et laisser à la musique seule le privilège de la communication. Parle à mon QI, ma tête est malade, aurait-on dû dire à l’admirable Aphex Twin, dont ce nouvel album installe définitivement le ton et les ambiances : une langue farouchement personnelle, admirablement culottée, et pourtant compréhensible sans dictionnaire.
Fiona Apple Tidal (Work/Sony)
Six mois après la sortie de l’album Tidal, le chant triste de Fiona Apple continue de résonner comme la plus belle révélation vocale de l’année : des mots chargés d’amertume, d’innocence perdue, mais aussi de ce désir violent de se remettre en selle et en scène. Dans les chansons de cette fille de 18 ans, on ne pleure jamais complètement : sous les larmes, point toujours ce petit sourire fragile qui illumine Shadowboxer et Slow like honey, miracles d’écriture qui éclipsent aisément les semi-ratages de Tidal, disque américain aux tics parfois très américains.
Joseph Arthur Big city secrets (Realworld/Virgin)
Sur son premier et remarquable album, Joseph Arthur déballe d’un coup vingt-cinq années de frustration accumulées dans une petite ville de l’Ohio, Akron. Soit largement de quoi en faire une des révélations de l’année, signatures de chansons balancées d’une voix chaleureuse qui fait pourtant régulièrement froid dans le dos on recommandera l’écoute urgente de Daddy’s on Prozac. L’Amérique a encore enfanté un grand songwriter, qu’on suivra à la trace aussi longtemps qu’il continuera à nous bercer au bord de ses précipices intimes.
Baby Bird Ugly beautiful (Echo/Labels)
On craignait beaucoup le passage à l’âge mûr de cet oisillon : combien de frêles songwriters grandioses avait-on vus mourir en tombant de leur nid douillet dans les gros doigts du rock adulte ? Sauf qu’ici Baby Bird est arrivé chez les hommes à un âge avancé et les idées bien en place. Après quatre albums de bricolage magistral, ce premier disque tout public confirme la singularité de cette écriture : lo-fi ou high-tech, ses chansons conservent le même grain de folie douce, la même charmante claudication.
Ben Folds Five Ben Folds Five (Caroline/Labels)
Un groupe malin et trompeur, composé de trois membres, et qui affiche la particularité de ne compter aucun guitariste. Au-delà de l’astuce, le pianiste Ben Folds et son orchestre minimal jouent les maximalistes : mélodies furieusement attachantes, chœurs en cascade et bonne humeur communicative au programme d’un premier album en roue libre. Une réponse américaine et underground à la tornade Supergrass.
Billy Bragg William Bloke (Cooking Vinyl/Datcha)
Il aura donc fallu cinq ans à Billy Bragg pour faire son deuil de Maggie Thatcher, sa muse-ennemie favorite, et pour se remettre de nouveau à écrire. Mais la hargne, heureusement, est demeurée intacte, prête comme au premier jour à empaler l’Angleterre de sa bâillonnette en fer rouge. Même si William Bloke débute sur un From red to blue désabusé, les dix salves serrées et sèches qui lui succèdent sont là pour rassurer : Billy est en forme, teigneux comme jamais.
Cat Power What would the community think (Matador/Pias)
Si on nous donnait le choix, on n’échangerait pour rien au monde notre vie pour celle de Chan Marshall. Pourtant, on aimerait bien adopter, quelques heures par jour, sa plume spectaculaire, capable de l’humour le plus tordu dans ce fond de sac où toutes ses collègues hurleraient (Liz Phair) ou minauderaient (Lisa Germano). Une autre façon, brutale et crue, de faire du folk : on pourrait appeler ça le folk off.
Nick Cave & The Bad Seeds Murder ballads (Mute/Labels)
Nick Cave aimerait croire que sa discographie n’est qu’une suite de parenthèses, de hasards. Mais rien n’y fait : à chaque étape, il crée l’événement et pose une nouvelle pierre sur une uvre monumentale. A l’occasion de ses Murder ballads, avec PJ Harvey et Kylie Minogue dans le rôle des (a)mantes religieuses, il en a dévoilé les extrémités lugubres et poétiques, belles et anthracite. On sait déjà que son prochain album, promis pour le début de l’année, figurera au même palmarès dans douze mois.
Richard Davies There’s never been a crowd like this (Flydaddy/Pias)
Tatillon et opiniâtre, Richard Davies a pris l’heureuse habitude de parfaire ses compositions dans des alambics hors d’âge, ornés des armes de Brian Wilson et Arthur Lee (Love). Même privées de la luxuriance symphonique de ses expériences au sein de Cardinal, ses chansons se parent de couleurs rares et chaudes que l’on ne pourra admirer que d’en bas : Richard Davies ne regagne jamais le sol.
Donovan Sutras (American/BMG)
La plus belle résurrection de l’année, celle d’un vieux troubadour affable et sous-estimé dont on n’attendait plus grand-chose. Produit par Rick Rubin mais étonnamment sobre, Sutras ne ressemble en rien à ces cataplasmes dont s’affublent les stars déchues en quête d’une splendeur de rattrapage. Donovan y apparaît au contraire en homme neuf, drapé d’un voile acoustique qui n’a rien d’un linceul, et armé de ses meilleures chansons depuis des siècles.
Dr Octagon The Ecologyst (Mo’Wax/Source)
Leader des mythiques Ultra Magnetic MC’s, le pionnier Kool Keith a lancé avec son projet Dr Octagon un impressionnant défi à l’immobilisme du rap contemporain. Audace et anticonformisme figurent donc au brillant générique de The Ecologyst une ligne de conduite déclinée ici à tous les étages : phrasés, textes, samples, scratches, arrangements. Avec Dr Octagon dans la place, le rap de pacotille rase les murs.
Mark Eitzel 60 watt silver lining (Virgin/Labels)
Au sein d’American Music Club, il n’était déjà pas à proprement parler champion de la fanfaronnade. Aujourd’hui seul, Mark Eitzel accède pourtant à une sérénité lucide et souvent lumineuse, où les désillusions n’engendrent jamais l’aigreur. Soutenu par une production remarquable, il parvient même sur 60 watt silver lining à accepter ses propres limites pour ensuite en jouer ouvertement, réussissant du même coup un disque d’une excellence constante.
Everything But The Girl Walking wounded (Virgin)
Last night a DJ saved my life ou l’histoire saugrenue d’Everything But The Girl, groupe tendre des années pull de laine, remis sur pied par le traitement miraculeux de quelques marabouts drum’n’bass. Finie donc la mélancolie susurrée sur fond de bossa pas très nova, Everything But The Girl ne sortira désormais plus sans son beat asthmatique. Confirmation d’une voie risquée empruntée sur le beau Missing après un flirt libérateur avec Massive Attack, cet album de la dernière chance a été celui du réveil d’un duo un rien englué dans ses habitudes de vieux couple. Qui invente là la techno acoustique, le drum’n’bass unplugged.
Fun Lovin’ Criminals Come find yourself (Chrysalis)
Succès logique et implacable de l’année. Pas étonnant en effet que le rock (?) affranchi de ces Pieds Nickelés de Brooklyn ait séduit la France : un chanteur à tête de De Niro jouvenceau et à voix de Keitel défoncé, des chansons crâneuses, rigolardes, bourrées de références cinématographiques, et une paire de complices surexcités, trop heureux de mêler leur enthousiasme communicatif à ce Come find yourself roulé comme un gros pétard collectif. Du tout cuit, on vous dit.
Lisa Germano Excerpts from a love circus (4AD/Labels)
Le changement dans la continuité : si Lisa Germano poursuit ses impressionnants combats intimes, elle sait désormais dépasser ses névroses, voire les tenir en respect le temps d’un tour de piste aux allures de numéro de dressage. La voix, plus proche et ardente que jamais, conte des histoires glaçantes, mais l’imagination facétieuse qui bouscule l’instrumentation entraîne Excerpts from a love circus dans des envolées inédites. En 96, Lisa Germano parvient enfin à badiner (un peu) avec l’amour.
Grant Lee Buffalo Copperopolis (Slash/Barclay)
On ne donnait pas cher de la peau de ce trio californien déboulé il y a quelques années simplement armé d’un Fuzzy taillé dans un folk sans âge. C’est qu’on avait sous-estimé le talent d’écriture de Grant Lee Philipps, antivedette capable de reproduire (à l’infini ?) la formule gagnante de son coup d’essai. Plus fort encore : sur Copperopolis, une production toujours plus ample offre à ses chansons de cowboy increvable une profondeur de champ insoupçonnée et une sophistication qui tranche avantageusement avec la rusticité de l’écriture. Au bout de la piste : un rock séculaire et poussiéreux, magnifiquement différent.
Jeru The Damaja Wrath of the math (Payday/Ffrr/Barclay)
Le nouveau philosophe autoproclamé du hip-hop n’y va pas par quatre chemins pour réveiller le rap de sa torpeur : son album est une thérapie de choc épinglant une à une toutes les tares d’une culture en état de décomposition. Intelligentes et courageuses Jeru n’hésite pas à donner des noms , ses rimes mises en musique par le maestro DJ Premier sonnent comme l’appel de la dernière chance avant l’apocalypse annoncée du hip-hop. Urgent et nécessaire.
Katerine Mes mauvaises fréquentations (Rosebud/Barclay)
A force de « mauvaises fréquentations », Katerine a profité de l’année 96 pour s’affranchir de son rôle étroit de champion de la chansonnette miniature francophone. Désormais, ses textes et ses musiques ne baissent plus les yeux et affichent sans honte leurs contours affirmés on pense beaucoup à Michel Legrand et Pierre Barouh où la grâce amusée n’est plus uniquement teintée de naïveté. Maintenant, allez savoir ce que ce faux sage nous réserve pour l’avenir…
Labradford Labradford (Mute/Labels)
C’est joli, un paysage lunaire. Mais franchement, il faisait toujours un peu froid sur les disques de Labradford, alors on les regardait de loin, à travers le hublot. Comme cette fois-ci l’atmosphère se réchauffe, on ne quitte plus ces plaines désolées, ces natures mortes et enivrantes, ces squelettes de chansons. Depuis qu’on a marché sur la Lune, bras dessus bras dessous avec Labradford et Tortoise, on vit très mal le retour aux musiques terriennes.
The Lemonheads Car button cloth (East West)
Après avoir occupé pendant deux longues années les rubriques chiens écrasés des journaux spécialisés Evan et Courtney, Evan et Kate, Evan et Noel Gallagher , le beau Dando a enfin trouvé le temps de revenir à des occupations plus saines, réintégrant finalement le monde des terriens grâce à un Car button cloth travaillé à l’ancienne, aux mélodies nues et sobres, humbles et délicates. Un rock artisanal et riche, plaisir simple que l’on n’osait plus attendre de ce surfer mondain.
Luscious Jackson Fever in fever out (Chrysalis)
Les suffragettes de Luscious Jackson ont aussi bien digéré l’avant-garde punk new-yorkaise et la soul de Philadelphie que le hip-hop dépenaillé de leurs potes des Beastie Boys. Leur troisième album labyrinthe est ainsi venu combler un peu plus le fossé entre les genres, jouant gagnant sur cent facettes à la fois, toujours avec un goût précis pour les collages et la mise en scène. Et tout ça en cultivant un sens hypertrophié de l’écriture et du verbe.
Maria McKee Life is sweet (Geffen/BMG)
Cette année, sur ce que l’on peut considérer comme son premier véritable effort solo, Maria McKee aura définitivement pris son envol en quittant la cage dorée Lone Justice et son rôle étriqué de blanche colombe du country-rock. En croisant le fantôme de Mick Ronson et en se lovant dans des orchestrations dignes des grandes heures de Scott Walker, elle aura finalement trouvé du côté de l’Angleterre l’écrin idéal à sa voix de rossignol.
The Married Monk The Jim side (Rosebud/Barclay)
En 96, loin des projecteurs, la belle équipe rennaise Married Monk a transformé son premier essai avec un deuxième album sur lequel elle a confié la clé des sons au producteur américain Jim Waters, sans pour autant effectuer de révolution au sein de son (fragile) palais. Sur The Jim side, on se laissera donc porter au fil de plages musicales à la fois denses et subtiles, visitant les recoins savamment agencés de cette pop feutrée qui mérite mieux que le respect poli dont elle est actuellement l’objet. Dans le cas (unique) de Married Monk, confidentialité rimera avec « magnifique surprise de l’année ».
Mazzy Star Among my swan (Capitol/Chrysalis)
Poursuivant sur ce troisième opus leur quête du son qui fait sens, la belle et le clochard de San Francisco avancent au gré de leurs propres vagues, au mépris des courants musicaux en vogue. Et si ce n’est pas Among my swan qui permettra de dissiper le brouillard qui entoure l’impénétrable duo, reste le charme de la voix de Hope Sandoval, qui suggère plus qu’elle ne dévoile et continue de mener son monde en bateau sur des chansons à la pureté inégalée.
Murat Dolorès (Virgin)
Murat a longtemps tâtonné pour aboutir à Dolorès. On croit même deviner derrière l’apaisement passager de sa musique des failles intimes encore plus prononcées que sur Vénus. De cette géographie de la douleur, cet alphabet au goût de rupture et de cendres froides, il subsiste paradoxalement une euphorie planante, comme la paix chèrement payée qui succède aux grandes turbulences. Dans la galerie des doux-amers, Murat est désormais maître absolu.
Nearly God Nearly God (Durban Poison/Island)
Avant ce disque, le deuxième album d’un Tricky qui cherchait déjà à se planquer derrière un nouveau pseudo, cette question obsédante : pourquoi remettre en jeu les gains générés par le fabuleux Maxinquaye en s’inventant un futur certes plus collectif Björk, Terry Hall, Neneh Cherry, sans oublier la troublante Martina mais aussi nettement plus austère ? L’album Nearly God aura répondu sèchement et brutalement. Ses armes : des voix envoûtantes à force d’absence, des instruments condamnés au surplace, parfois même au silence, et une écriture si désincarnée qu’elle en devient quasiment inébranlable. On le sait depuis Nearly God : Tricky ne fait plus partie de ce monde.
Peter Perrett Woke up sticky (Demon/Musidisc)
Depuis le Hurt me grave et malade de son ami Johnny Thunders, on n’avait guère été aussi secoué par le retour d’un mort-vivant. Déserteur des années 80 où sa ténébreuse parole avait pourtant fait un effet sensass sur la new-wave méchamment romantique d’House Of Love ou des Go-Betweens , Peter Perrett est miraculeusement réapparu avec un album à la décadence digne, au raffinement déchiré.
Jonny Polonsky Hi my name is Jonny (American/Geffen)
Protégé de Frank Black, Jonny Polonsky doit à l’opiniâtreté de celui-ci d’avoir fait voyager à travers le monde ses chansons concoctées dans son petit intérieur américain. Hi my name is Jonny, album-carte de visite simple et vernal, redonne des couleurs à une power-pop affadie par trop d’exposition (Green Day), mais qui s’appuie ici sur la propension du bonhomme à se tailler une tenue de star dans des vêtements trop grands pour lui. L’un des plaisirs bêtes et jouissifs de l’année.
The Olivia Tremor Control Dusk at cubist castle (Flydaddy/Pias)
Leur psychédélisme est ancien, barbu. Mais les jeunes vauriens de The Olivia Tremor Control y mettent tellement de fougue, d’imagination et de goût pour la mélodie barbe à papa que le vieux cadavre se lève comme un seul homme et danse, héberlué. Apprentis sorciers enfermés dans la fumée douteuse de leur studio d’Athens, ils y forment une des sectes américaines les plus inventives et instruites de l’époque. Leurs réunions générales et anarchiques doivent être épiques.
Beth Orton Trailer park (Heavenly/BMG)
C’est une fille étrange, longue et seule, dont le chant sublime s’est imposé comme la plus touchante des plaintes de l’année. Sur Trailer park, Beth Orton, cousine lointaine de Nick Drake et fille naturelle de Joni Mitchell, prend en otage la grande fratrie du folk avec des armes inédites. On parlera de trip-folk pour faire court, même si la comparaison obligée avec la Beth de Portishead s’évente au fil des écoutes. Révélation féminine, haut la main.
Out Of My Hair Drop the roof (RCA/BMG)
La plus belle vraie-fausse perruque de l’année 96 rien à envier à celle de Marc Bolan circa 72 est fièrement portée par Comfort, l’unique élément, timide et pourtant franchement glam-rock, d’Out Of My Hair. Ce jeune homme doué et autodidacte a ingéré avec aisance ses influences late sixties Barrett, Wilson, Bowie et Beatles pour aligner sur Drop the roof une brochette de tubes potentiels aux mélodies lumineuses et subtilement psychédéliques. La gloire en 97 ?
Radar Bros Radar Bros (Restless/Pias)
Grâce à Jim Puttman, on a passé une très bonne année : triste et asociale. Merci, les Radar Bros, de nous avoir coupés du reste du monde, d’avoir tyranniquement monopolisé le mange-disques avec deux albums sottement intitulés Radar Bros le premier, Radar Bros le second. Deux disques à la mélancolie crampon avec laquelle il a fallu, d’abord, cohabiter contre son gré tout cela faisait un peu sous-sol de Palace. On est pourtant aujourd’hui comblés de s’être soumis à sa tendre et lumineuse emprise la bande-son de l’automne était signée Radar Bros.
The Rentals The Return of The Rentals (Maverick/WEA)
Derrière leur tronche de premiers de la classe, les Rentals font figure d’élèves passablement dissipés, lanceurs de boulettes et apprentis chimistes bidouilleurs de Moog. Avec l’aide des chœurs niaisous des copines de la clique That Dog, ils revendiquent fièrement une gaminerie postadolescente et une exubérance douce-amère tranchant efficacement avec le rock lacrymal de certains de leurs compatriotes. Grâce aux Rentals, l’année 96 n’aura pas été seulement cérébrale.
Scud Mountain Boys Massachusetts (Sub Pop, en import)
On gardait jalousement à l’attention des amis sûrs leur premier album, Dance the night away, mais on n’est pas mécontents non plus que le second ait traversé les mers. Les Scud Mountain Boys, comme Sparklehorse l’an dernier, auront mûri patiemment, à l’abri de leur allure de ploucs des alpages et de leurs guitares en satin, cachés derrière des harmonies folk et des mélodies paradisiaques. Révélation pour certains, élévation pour tous.
Silver Jews The Natural bridge (Domino/Pias)
Depuis que ses copains de Pavement l’ont quitté c’était après l’album Starlite walker , Dave Berman, le maigre leader des Silver Jews, a plongé la tête la première dans des climats désabusés et ombragés, voisins de ceux que chantent Vic Chesnutt ou Lambchop. Comme Hank Williams ou Leonard Cohen, Dave Berman n’a écrit qu’une chanson dans sa vie. Ça tombe bien, c’est précisément celle qu’on rêvait d’entendre : sobre, sombre, inusable.
Patti Smith Gone again (Arista/BMG)
Elle a traversé l’année comme une comète inespérée, miraculeuse. Il y a cinq ans, qui aurait cru Patti Smith capable de redonner vie à la rage insoumise de ses premiers textes, à la voix bouillante de ses premiers enregistrements, à la grâce ardente de ses apparitions publiques ? Et pourtant, elle l’a fait. Avec un disque, d’abord : ce Gone again au fort parfum d’after-shock intime. Avec des concerts, ensuite, où on l’a vue arpenter la scène aussi mordante et habitée qu’à 20 ans, soutenue par le fidèle Lenny Kaye. Patti Smith se sera aussi montrée à la télévision, à des lectures de poésie, ou encore en studio avec REM. A croire qu’elle n’avait jamais disparu.
Sparklehorse Vivadixiesubmarinetransmissionplot (Capitol/EMI)
Disponible uniquement en import l’an dernier, l’album de Sparklehorse a traversé l’Atlantique à temps pour récolter les suffrages émus d’admirateurs européens de plus en plus nombreux. On viendra longtemps s’abreuver à cette source à la profondeur abyssale d’où Mark Linkous remonte des carcasses de chansons qu’il assemble ensuite à la manière d’un antiquaire obsessif. A l’enseigne Sparklehorse, on lustre bien les chevaux.
Suede Coming up (Nude/Sony)
Après avoir joliment intégré ses deux dernières recrues suite à un sévère casting à l’entrée : blouson de cuir, mèche rebelle, moue poseuse et nez pointu inscrits au règlement intérieur , Suede aura élégamment transcendé l’héritage du père Bowie au cours d’une année qui l’aura surtout vu retrouver le chemin des hit-parades anglais. Flamboyance et arrogance sont donc à nouveau de mise sur ce Coming up lyrique et sexy, emmené par un Brett Anderson de plus en plus chien fou, toujours partant pour mordre à vif dans les mollets des petits cousins brit-pop.
Underworld Second toughest in the infants (Junior Boys Own/BMG)
Cette année, pas moyen d’échapper au grandiose Born slippy, meilleur acteur du film Trainspotting et hymne malgré lui de tous les soiffards anglais, qui chantèrent jusqu’à la déraison ce refrain « Lager, lager, lager » sans même se rendre compte de ce qu’il avait de condescendant envers les buveurs de bière. Une machine infernale qui éclipsa totalement l’album dense, pervers et illuminé qui lui avait d’abord servi de maison mère. Album qui mérite largement mieux que l’infamant autocollant « Contient Born slippy ».
Suzanne Vega Nine objects of desire (A&M/Polydor)
On pourrait regretter que Suzanne Vega ait délaissé les ambiances anguleuses et les sons crus de 99.9 F°, mais ce serait négliger cette force de caractère qui la conduit à toujours remettre le bon sens de son exemplaire carrière en question. En 96, sur Nine objects of desire, Vega est apparue sereine, bourgeoise et sensuelle tout au long d’un album aux lignes douces. Et l’on attend déjà avec hâte ses prochaines mutations.
Dossier réalisé par JD Beauvallet, C. Conte, F. Denizet, J.-L. Manet, L. Narlian, A.-C. Norot, O. Nuc, E. Tellier et F. Valion.
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