Les chanteurs de country aiment se présenter en martyrs, souffrir pour laver leur public de ses péchés. A ce petit jeu masochiste, Merle Haggard est imbattable. Alcool, divorce, boulots bouffeurs d’âme, il en emplit ses disques, longues litanies de malheur affligeant le petit peuple des routiers éreintés (Truck driver’s blues, Too many highways), des salariés […]
Les chanteurs de country aiment se présenter en martyrs, souffrir pour laver leur public de ses péchés. A ce petit jeu masochiste, Merle Haggard est imbattable. Alcool, divorce, boulots bouffeurs d’âme, il en emplit ses disques, longues litanies de malheur affligeant le petit peuple des routiers éreintés (Truck driver’s blues, Too many highways), des salariés lessivés (Five days a week). Sur 1996, les mélodies ont la gueule de bois, les refrains ont les tempes grisonnantes et la voix, toujours envoûtante, arbore une barbe de trois jours. Le chant paradoxal de Merle Haggard, bientôt sexagénaire, combine une majestueuse impassibilité de patriarche et une émotivité d’adolescent aux nerfs à fleur de peau : étrangement absent à lui-même, il erre au long de grand-routes brumeuses, ballotté par les soubresauts d’un pays que le fier patriote d’Okie from Muskogee ne reconnaît plus (Winds of change). Mauvaise nouvelle pour les candidats aux présidentielles américaines, qui s’affublent de chemises en flanelle pour mieux signifier leur attachement aux valeurs blue collar : sous le ciel bas de 1996, le chanteur prolétaire prend une nouvelle fois le pouls de son pays et le déclare en état de coma dépassé.
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