Stars autrichiennes du trip hop dans les années 1990, Kruder & Dorfmeister font le coup de l’album perdu et retrouvé vingt-cinq ans après. Et ça marche.
Kruder & Dorfmeister ? Mythique pour les fans d’electro âgé·es de plus de 40 ans et sans doute inconnue pour les autres, cette association dégage un parfum à la fois chaleureux et suranné. Elle renvoie à une époque – le milieu des années 1990 – où la carte européenne de la hype connaissait d’inattendus soubresauts. Juste après Bristol, quasi au même moment que Paris en pleine folie French Touch, Vienne s’était réinventée en ville groovy, loin de son image de capitale de la “grande musique” des XVIIe-XVIIIe siècles.
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Peter Kruder et Richard Dorfmeister étaient les rois de cette nouvelle scène autrichienne, où l’on retrouvait aussi Patrick Pulsinger, Waldeck et d’autres. Ce duo de remixeurs stars réservait à Depeche Mode ou à Madonna le même traitement enfumé, réalisant un joint à la main des relectures en profondeur comme si le morceau de départ ne constituait qu’une matière première pour concrétiser leur vision sonore electro-dub.
https://www.youtube.com/watch?v=sRkBeNpTUNk
Un sens du sampling chirurgical
Après un maxi, une compilation (The K&D Sessions) et des mixes inspirés (notamment leurs DJ Kicks), on n’attendait plus, avant la consécration publique, qu’un véritable album constitué d’originaux. Celui-ci est vite devenu une arlésienne, d’autant plus que le tandem s’est séparé pour lancer des projets divergents (Peace Orchestra pour Kruder, Tosca pour Dorfmeister). Surprise : plus de deux décennies en retard est exhumé 1995, qui réunit des compositions prétendument oubliées pendant toutes ces années dans une boîte.
On peut se laisser bercer par ce storytelling tant les quinze morceaux retrouvés possèdent la patine des anciens High Noon ou Black Baby. Maîtres en matière de sampling chirurgical, Kruder & Dorfmeister n’avaient pas leur pareil pour piocher dans leur discothèque élargie – de la bossa nova au hip hop – afin de bâtir des collages à la fois gentiment remuants et hypnotiques.
Pour Morning, les deux petits malins vampirisent ainsi le Summertime d’Ella Fitzgerald et Louis Armstrong, Stop Screaming pique quelques mesures au Top Billin’ des rappeurs old school Audio Two, quand Johnson, le titre d’ouverture, malaxe la voix du bluesman éponyme – Robert de son prénom. Même si la nostalgie peut jouer son rôle, on accueillera 1995 comme un baume au cœur.
1995 (G-Stone Recordings)
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