Numéro un en Angleterre, la londonienne ADELE, du haut de ses 19 ans, soigne ses maux d’amour et dit du bien de la soul américaine.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Sur le papier, tout décrivait Adele comme une nouvelle cousine germaine de Lily Allen, une petite sœur de Kate Nash, une amie – plus enrobée – d’Amy Winehouse. Très jeune (19 ans, d’où le titre de son album, 19), la demoiselle vit encore chez sa mère à Brixton, s’exprime avec un accent cockney à faire passer Mike Skinner pour un péquenaud américain et affiche un physique british en diable. Adele, sur ses photos de presse, ressemble à une héroïne d’Eastenders, ce sinistre soap opera qui scotche le Royaume au petit écran cinq soirs par semaine depuis vingt-trois ans : on l’imagine sans peine accoudée au comptoir d’un pub de la grande banlieue de Londres, raconter des histoires de coups d’un soir ratés entre deux pintes et discuter sportswear anglais avec une armée de copines boulottes. Or, la vérité, c’est qu’en dehors de sa date et de son lieu de naissance, Adele ne partage rien avec les chanteuses susmentionnées, qu’elle doit tout aux grandes dames de la soul américaine et peu aux midinettes de la pop anglaise. “Bien sûr, comme tout le monde, j’ai écouté de la variété. Les Spice Girls ont compté pour moi lorsque j’étais enfant. Mais très vite, j’ai développé une fascination pour les chanteuses de soul, les artistes américaines. Lauryn Hill, Jill Scott, Erykah Badu. Je m’efforçais d’économiser mon argent de poche et j’allais le dépenser intégralement au rayon soul du HMV. J’étais très impressionnée par ces femmes qui pouvaient à la fois écrire des paroles fantastiques et les chanter avec une classe folle.”
Adele a grandi seule avec sa mère. Guère intéressée par l’école, la demoiselle – et ça ressemble à nouveau à une série télévisée – préférait chanter dans sa chambre. “J’ai essayé de chanter dans des groupes, mais sans succès. Je trouve ça absolument terrible de devoir compter sur d’autres gens pour créer une œuvre personnelle. Artistiquement, je ne suis pas faite pour les communautés.”
La carrière solo a donc commencé bien tôt : un jour, sur le pont du Nord, un bal était donné, et Adele a demandé à sa mère si elle pouvait y aller. Le bal, en l’occurrence, était organisé, fête de fin d’année oblige, par son école. Plus investie qu’en classe, Adele a ému tout son quartier en livrant une version bouleversante du tube de l’époque de Gabrielle, Rise, et a ainsi compris qu’elle voulait devenir chanteuse. Avant, la miss avait pensé être journaliste dans la mode ou chirurgienne. “Mon grand-père est mort d’un infarctus lorsque j’avais 10 ans. J’ai été traumatisée par cet événement. Après ça, j’ai décidé que je voulais réparer les cœurs des gens.” Et c’est d’ailleurs le sien qu’elle a tenté de raccommoder sur son premier album, publié après plusieurs mois de buzz sur le net : 19 est un disque d’amour brisé, de divorce, au moins deux fois plus âgé, plus mûr, que son auteur. “Lorsque j’ai signé un contrat avec une maison de disques, j’ai paniqué. Je n’arrivais pas à écrire des chansons sur commande. Je n’avais plus d’inspiration, je suis restée bloquée pendant un moment. Et puis j’ai rencontré celui qui allait plus tard devenir mon ex-petit ami. Il a fait exactement ce qu’il fallait pour m’inspirer : il m’a trompée. Le bâtard.”
On sourit gentiment en apprenant que la relation avait duré “quand même cinq mois” : ce court semestre n’aura pas empêché Adele d’agencer quelques compositions au spleen élégant et lui aura surtout permis d’inscrire aujourd’hui son prénom dans la pure tradition folk anglaise, celle de Fairport Convention et de Bert Jansch. Outre-Atlantique, c’est à la divine famille de Linda Perhacs ou Karen Dalton qu’on pensera, pour cette manière de chanter l’amour sans pathos (Crazy for You, Melt My Heart to Stone).
Si Adele ne chante pas comme une fille de son âge, elle ne chante pas non plus comme une fille de sa couleur (Best for Last semble interprété par une chanteuse noire) et encore moins comme une fille de son temps : il y a chez elle un côté brut, vintage, rustique, que la production lisse de l’album – et c’est le principal reproche qu’on lui fera – a un tantinet trop astiqué.
Aussi, loin des radios et des charts, c’est sur scène, qu’on préférera aller écouter Adele : on la verra, seule sur un tabouret avec sa voix de grande dame, impressionner des assemblées de grosses brutes moulées dans des polos Sergio Tacchini, imposer le silence à des salles pleines à craquer de kids indociles. “Au départ, j’étais obligée de me soûler pour monter sur scène. J’avais une trouille terrible avant chaque concert. Un soir, j’étais tellement ivre que je suis tombée de ma chaise. Depuis, j’ai pris confiance en moi. Cet album m’a aussi aidée à me remettre de mon histoire amoureuse.” Comme dans la fameuse chanson de Gabrielle, Adele est donc prête à ressusciter – la renaissance promet d’être publique.
{"type":"Banniere-Basse"}