Son troisième album « My Love Divine Degree » vient tout juste de sortir. Rencontre.
Après quatre ans d’absence, le phénomène Cody Chesnutt est de retour avec My Love Divine Degree, un album engagé dans son époque et répondant à ses nombreux maux par un message d’amour divin. Si ce génie de la soul se fait rare – 10 années s’écoulent entre son premier disque The Headphone Masterpiece (2003) et le second Landing On a Hundred (2012) – il sait soigner ses apparitions sur scène, comme en témoigne un de ses concerts mémorables à la Cigale en 2013.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Avec deux nominations aux MTV Awards notamment grâce au succès de The Seeds (repris peu après par The Roots) et à 48 ans, Cody a désormais troqué son célèbre casque bleu pour un chapeau Panama, mais reste bien notre « guerrier de l’amour ». Il nous reçoit dans un hôtel feutré du IXe arrondissement de Paris pour évoquer ce troisième opus, sage compromis entre la mouvance lo-fi de The Headphone Masterpiece et l’orchestration (trop) bien léchée de Landing on a Hundred. Entre soul bricolée et soul classique, son cœur balance, mais le nôtre lui reste fidèle. Interview.
Vous avez publié 3 albums en 15 ans. Chacun semble correspondre à une étape déterminante de votre vie ?
Cody Chesnutt – En tant qu’artiste, j’ai besoin de vivre ma vie, de me faire mes propres expériences pour que ça nourrisse mon processus de création. Je veux ressentir, sentir, écouter, à un niveau supérieur. Pour que ma musique résonne d’autant plus. Donc je prends mon temps et je m’assure que c’est vraiment cela que je veux partager. C’est très important que l’esprit y soit. Pas de précipitation. Que ça soit 3 ans ou 15 ans, si tu le vis profondément, ça aura sa propre valeur.
« Love a mother and her child and you make a better man
Taste the honey… count the cows – you in a better land »
MAKE A BETTER MAN
Avec les années, je deviens plus mature et un bien meilleur communicateur, une personne bien plus à l’écoute, ce qui me permet de transmettre de façon plus claire et évidente mes idées et de mon expérience de la vie. Dans tout mon travail, j’évoque cette condition humaine. Je parle de mon point de vue mais maintenant je crois savoir que nous vivons la même chose et que ça nous permet de nous connecter…
Ce disque évoque un « amour divin ». Est ce que les précédents étaient d’avantage passionnés ?
Je pense que chacun de mes albums est passionné mais qu’il s’agit d’une évolution. Si vous écoutez les trois disques, on y voit une ligne conductrice, une présence spirituelle, et tout mon travail progresse… en étapes. On y retrouve les différentes âges de l’homme. Et ce troisième disque va plus loin encore, avec une signification plus profonde.
My Love Divine Degree semble revenir aux expérimentations lo-fi de votre premier disque (enregistré sur un quatre pistes) ?
En effet, avec cet album, on a cherché une combinaison saine entre les deux précédents, The Headphone Masterpiece [enregistré sur un quatre pistes] et Landing on a hundred [réalisé par l’artiste Patrice dans le très célèbre Royal Studios de Memphis] . En ce moment, il y a ce grand retour vers une musique plus “organique”. Pas seulement ce mouvement au niveau de notre alimentation [organic signifiant « bio » en anglais], mais aussi de nos choix de vie. C’est à dire revenir aux basics, à la source. Et l’album va dans ce sens là, cette esthétique plus terrestre. Je voulais être imprévisible.
La majorité du disque a été écrite et enregistrée chez vous en Floride ?
Oui, la grande partie s’est faite à la maison. Mon studio est installé dans une grange, pas trop loin de notre maison dans la campagne en Floride. J’aime la tranquillité et le côté paisible de la campagne. Notre maison et le studio sont bien séparés. J’ai mon espace personnel. J’ai de l’espace, je peux créer quand je veux. J’y vais tous les matins en marchant. Ma fille vient souvent me rendre visite, elle adore y jouer de la batterie.
Vous avez quasiment joué tous les instrument sur cet album ?
J’aime expérimenter dans mon home studio, avec cette approche très organique, sans respecter une formule précise mais en s’amusant. D’ailleurs c’était la première fois que je me retrouvais seul avec tous les instruments autour de moi depuis le premier album. Le second album avait lui été enregistré avec un groupe complet. Pour ce troisième disque, j’avais envie de mélanger live et musique programmée. Je ne savais pas si tout allait bien se mélanger mais je voulais incorporer tous ces sons différents.
C’est dans une seconde phase de l’enregistrement, au studio de Raphael Saaadiq à L.A., que vous avez ajouté cette « musique programmée » ?
En effet, on a gardé les voix originales, les guitares et prise batteries enregistrées chez moi, et le producteur Anthony Khan y a superposé d’autres éléments, notamment les parties programmées, certains synthés et machines à rythmes.
Vous vous connaissiez depuis longtemps avec Raphael Saadiq ?
On se voyait de temps en temps et on avait un respect pour nos travaux respectifs. C’est un hôte génial. Il nous laissait accès à tout le matériel qu’on voulait et il se rendait disponible aussi. Il venait de temps en temps prêter une oreille, donner son avis, ou partager une idée ou une opinion. Et quand j’ai eu besoin d’un bassiste sur deux chansons, il l’a fait sans hésitation [Bullets in the Street And Blood et Have You Heard Anything From The Lord Today] !
Vous qui avez cette casquette néo-soul, pourquoi avoir choisi le producteur et DJ Anthony Khan (dit « The Twilite Tone ») – qui a notamment co-écrit des chansons pour Kanye West ?
C’est un producteur et DJ très talentueux. Quand on s’est rencontré, le courant est toute suite passé. Il a apporté beaucoup de groove à l’album. En tant que DJ, il sait exactement ce qui fait bouger et danser les gens.
“It’s so sad to see a lost generation dying to its own rhythm”
SO SAD TO SEE
Dans cet album, vous évoquez tour à tour : le rôle du continent africain sur Africa the Future, la paix (Peace, side by side), la famille (Make a better man), mais aussi l’écologie (This green leaf), la violence urbaine (Bullet in the streets and blood)… et enfin le pouvoir de la musique (So sad to see et Shine on the mic ). Quel est le rôle de cette dernière selon toi ?
Aujourd’hui, la musique est très puissante. Ça peut changer toute une vie. Quand je dis “Lost” (perdu) c’est dans un sens artistique et créatif. Pour moi cette génération sort du chemin car elle en a perdu le but et l’essence même. Au lieu d’utiliser la musique de façon positive et productive, elle pénètre dans une sphère plus destructive et négative.
« Anything can happen, when the music is good… “
[intro de l’album]« Shine on the mic… hey give a lotta love »
SHINE ON THE MIC
Et il est temps maintenant pour tout ceux qui font de la musique, de l’utiliser pour le bien commun. Par ce que c’est un outil de communication tellement fort, et qui rassemble. Ça éduque et informe les gens. Beaucoup plus que certaines institutions éducatives. J’aimerais que ma génération et les suivantes comprennent le vrai pouvoir de la musique et ce qu’il est possible d’en faire.
Est-ce que vous vous verriez écrire pour d’autres ou produire des artistes ?
Pour ce qui est de l’écriture, je suis ouvert pour le faire mais c’est un peu compliqué car j’aime encourager les artistes à trouver leur propre voix, à exprimer ce qu’ils sont vraiment et qu’ils trouvent leur raison d’être. En ce qui concerne la production et les arrangements, j’aimerais définitivement le faire plus souvent.
L’album My Love Devine Degree est sorti chez One Little Indian / Differ-Ant. Lien de commande sur Apple Music.
{"type":"Banniere-Basse"}