La mixtape « Triple S », qui vient de sortir, impose le groupe de Sevran parmi les noms qui comptent. Rencontre.
Petit verre, petit joint. Les mecs de 13 Block attendent de monter sur la scène de la Station, aux portes de Paris, pour la première soirée d’ARTE Concert dédiée au rap français. Les balances sont faites, le soleil se couche, c’est l’heure de se mettre tranquillement dans l’ambiance. « On se calcine pas le crâne non plus, hein, tempère OldPee en souriant, mais on boit et on fume toujours un peu avant les concerts. » Avec Zed, Zefor et Desté, il traine en loge tandis que les derniers préparatifs se font à l’étage en dessous. Le public commence à remplir cette ancienne gare à charbon. Dans quelques minutes, il chantera en chœur la poignée de morceaux interprétés par le groupe, dont Vide, single issu de leur nouvelle mixtape.
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Le projet de la maturité
Lancé en préambule de ce nouveau projet, titré Triple S (pour « Sueur, soif, sous »), le morceau a dépassé les trois millions de clics sur YouTube. Le style est cru et le refrain entêtant – un bon résumé de ce qu’est 13 Block aujourd’hui. Desté explique : « Moi, je m’habille à l’ancienne, je mange à l’ancienne, je rappe à l’ancienne. Mais on a chacun notre identité. On se complète. Comme les boules de cristal ! » Les styles dévient effectivement du côté de Zefor et OldPee, dont les dreadlocks, chaines et lunettes à l’ancienne les rapprochent inévitablement de rappeurs comme Migos, le groupe star de la trap d’Atlanta.
On les compare souvent à eux. Ils sont habitués. « On accepte tous les commentaires, dit Zed. Mais en vrai, on n’a rien à voir avec Migos. » Zefor renchérit : « Les dreads, ça nous catalogue direct. Alors qu’on a un temps d’avance, en fait. Il y a des sons qu’on a enregistré il y a deux ans mais qui sonnent comme certains sons ricains d’aujourd’hui. » 13 Block est un condensé de tout ce qu’a produit le rap ces dernières années, d’un côté de l’Atlantique comme de l’autre. De Biggie au cloud rap, ils ont tout assimilé en s’adaptant à l’époque et aux instrus des producteurs autour d’eux.
Pour Triple S, ils ont fait appel à Ikaz Boi pour l’ensemble des morceaux, avec seulement un peu de renfort de Myth Syzer (sur Don Pablo), Sam Tiba (A1 A3), Ponko (Triple S) et Binks Beatz (Twerk, Point d’interrogation). Des productions qui marquent une maturité nouvelle dans le son du groupe, pourtant pas né de la dernière pluie.
« Au départ, le rap n’était qu’un loisir »
OldPee, Zed, Zefor et Desté ont tous autour de 25 ans. Dont 10 de rap. Ils ont commencé comme tout le monde ou presque : à l’adolescence, pour faire comme les grands de leur quartier, à Sevran. « Au départ, le rap n’était qu’un loisir, se souvient OldPee. Tu ne te mets pas à rapper en te disant que tu vas percer. » Les quatre garçons se connaissent depuis l’école mais à l’époque, chacun rappe dans son coin. Ils se retrouvent parfois chez Dabs, rappeur sevranais également, qui a du matos chez lui et sert d’ingé son à tous les aspirants musiciens du coin. 13 Block finit par se constituer en référence aux numéros des tours du quartier. Ils sont alors six ou sept à graviter autour du projet. Ils partagent le même block.
A force, le groupe se resserre. Ils ne sont bientôt plus que quatre. Comme un groupe de rock. C’est là que les premiers succès arrivent sur YouTube. Et puis en 2015, ils signent un feat avec Kaaris, qui a contribué à mettre la lumière sur Sevran avec d’autres rappeurs comme Dabs, Ixo ou Kalash Criminel. Mais la logique géographique n’implique pas une logique de clan. « Kaaris, c’est la génération au-dessus, explique Zed. On se connaît, on a travaillé ensemble, mais on ne se fréquente pas. » Il poursuit : « Sevran a mauvaise réputation dans les médias. Mais il y a beaucoup de talents dans cette ville. On le montre chaque jour avec le sport, la musique, la danse, le skate… On est dans le positif. »
En 2016, le positif n’est pas vraiment une évidence avec la mixtape titrée Violence urbaine émeute. Mais 13 Block est comme ça. Le groupe évolue dans un imaginaire ancré dans la rue, les trafics, l’ego trip, ce genre de choses vues et revues dans le rap mais qui ne sont pas moins décrochées du réel que les histoires d’amour à répétition chez les chanteurs et chanteuses de variet’. Rien n’est d’ailleurs figé pour 13 Block. La preuve avec Triple S, collection de onze morceaux où la tradition du rap de rue se frotte aux rondeurs de la trap et aux refrains ouvertement chantés. « Il faut toujours innover », estime Desté juste avant de passer en direct sur ARTE.
Mixtape Triple S (Elektra/Warner) disponible
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