Comme une envie de lâcher prise ? Voici le premier album d’une bande de fous furieux adepte de “bulupunk”.
La claque date précisément du 23 mars 2017, lors de la troisième soirée mensuelle organisée par Les Inrocks aux Bains, à Paris. Vers 22 heures, dans un club surchauffé et surblindé, toute l’attention s’était soudainement portée vers la scène que l’on entrapercevait entre deux épaules. Là-bas, explosait une musique de fusion, pensée comme un cri de défoulement, et se jouait un appel à la transe, un truc aussi savoureux que le mariage du fruit de la passion et de la glace vanille, inattendu, délirant. C’était 10LEC6, un groupe hybride dont l’identité est contenue dans son nom : “dyslexique”, comme si trouble et trébuchement accouchaient d’un nouveau langage de cut-up, de lâcher prise et de liberté.
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Il y a pourtant des formes identifiables, des repères qui clignotent chez 10LEC6 : le postpunk d’ESG, Gang Of Four ou Bad Brains, la disco, la house, la dance, des rythmes et des percus africaines. On pourrait qualifier leur musique d’afropunk, pour la ranger dans une case, ce qui serait bien dommage tant le dédale de déstructurations créé par 10LEC6 offre un terrain de jeu passionnant.
A la genèse de cet animal rare : Jess et Simon (l’un à la batterie, l’autre à la basse), entourés de Gaëlle, Erwan (aux percus) et de la charismatique Nicole qui chante, crie, scande en bulu, une langue parlée dans le sud du Cameroun d’où elle est originaire. Sans sa voix puissante, sans sa présence scénique, pas de 10LEC6. Nicole est la perle de l’huître. Mais attention : derrière se cache une connaissance pointue des musiques avec un grand pluriel, celle de Jess notamment, moitié de Jess & Crabbe, duo de DJ venus d’horizons différents, qu’un même amour de la house réunit dans les années 1990, en plein cœur de la French Touch. En 2011, ces deux passionnés lancent le label Bazzerk, consacré à la “dance music extra-orientale” comme précisé sur sa page Facebook, tout un programme que l’on vous recommande fortement.
Mais revenons-en à 10LEC6 qui eut une vie antérieure : un morceau dans la BO de la série Skins ; une tournée avec Gossip qui les écoutaient dans leur camion ; et d’autres chanteuses, avant l’arrivée de Nicole rencontrée via une petite annonce déposée dans un studio à Château d’Eau. On irait presque jusqu’à citer Montaigne : “Rien de noble ne se fait sans hasard.”
Pedro Winter les signe sur son label Ed Banger
Bien vite, Pedro Winter embrasse leur audace, les signe sur le label Ed Banger et sort leur premier album : le furieux et foisonnant Bone Bame qui s’autorise beaucoup de choses… et c’est tant mieux. S’il fallait recommander un point d’entrée dans 10LEC6, il n’y aurait pas mieux que le clip de Bedjem Mebok, grand sabbat cathartique qui donne envie d’imiter ses danseuses et de danser nu(e) dans les bois. Et bien plus encore.
L’album de 10LEC6 – Bone Bame (Ed Banger Records)
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