Rencontre avec le rappeur marseillais qui voulait être plus célèbre que Michael Jackson.
Méconnu il y a encore trois mois, 100 Blaze a fait forte impression lors de son passage dans le premier épisode de la deuxième saison de Rentre dans le cercle, toujours présentée par Sofiane. Entre Keblack, 47Ter, Sifax, Jewel ou encore D.I.V, le rappeur marseillais a soudainement pris feu pour embraser le cercle et s’imposer parmi la nouvelle garde du rap francophone. Quelques morceaux qui traînent sur YouTube à son actif, 100 Blaze devrait vite enchaîner avec une signature en maison de disque et un premier projet à paraître. Après un BET cypher dans le sous-sol d’une boutique Asics au cœur du 10e arrondissement, rencontre avec un artiste ambitieux et éveillé, qui sait déjà où il veut aller.
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Comment s’est fait le contact avec Rentre dans le Cercle ?
100 Blaze : Je ne me souviens plus de la date exacte mais c’était deux-trois mois avant le tournage. Fianso m’invite en m’envoyant un message sur Instagram. C’est une émission que je suis depuis le début et je rêvais d’y participer, et désormais j’y suis passé (Rires).
Comment tu as préparé le freestyle ?
J’ai présenté un premier freestyle à mon producteur et ce n’était pas assez fort. On savait qu’on pouvait faire mieux et on ne voulait pas se contenter d’un simple texte. À la base, il n’y avait pas d’anglais, c’était court et intense au niveau du débit. Il n’y avait pas assez de technique et des références, comme on peut le retrouver dans le freestyle qui est sorti. On l’a donc retravaillé et ça s’est fait sur deux-trois jours. Finalement c’était plus la chorégraphie avec les backeurs et la prestance scénique qui ont été plus difficiles à mettre en place.
Dans le freestyle tu évoques Molière et Luc Besson, ce sont des références culturelles pour toi ?
Ce sont deux personnages qui m’intéressent vraiment. Molière j’ai étudié plusieurs de ses textes au lycée, également avec mes cours de théâtre, et Luc Besson arrive à faire venir des acteurs américains et les faire tourner en France, et je trouve ça fort. Pour revenir à ce passage, juste avant je dis “Rideau, lumière, position zéro” et j’enchaîne “Là je suis Molière ou bien Luc Besson” pour faire une référence double : ma performance est théâtrale mais on peut aussi jouer avec les effets spéciaux ou l’imagination, comme au cinéma, que ce soit dans ce couplet, dans ma musique ou dans mes clips. Je présente ma musique à travers deux personnes.
Faire du théâtre t’a aidé pour la pratique du rap ?
J’ai dû arrêter le théâtre pour le rap, mais oui ça m’a aidé à avoir plus confiance en moi, notamment devant la caméra, et de ne pas avoir honte de ce que fais. Je suis rappeur, je vais en studio, j’écris, je pose… Le théâtre m’a poussé à m’affirmer artistiquement.
Concernant le freestyle, tu appréhendais ton passage ?
C’était plutôt durant l’émission, quelques minutes avant qu’on me présente et que je rappe juste après. Mon cœur s’est mis à battre bien plus vite et je me suis dit “je vais me louper et ils vont se foutre de ma gueule”. Mais quand l’instru est partie et que je me suis retrouvé au milieu du cercle, j’ai pensé à toute la route qu’on avait fait pour arriver là, à tout le travail qu’on avait accompli pour persister dans la musique, et j’ai envoyé tout ce que j’avais.
Avant de passer, tu pensais qu’on parlerait autant de toi après ?
Honnêtement on savait que ça allait faire un peu de bruit mais pas à ce point. Évidemment, on en est qu’au début mais on commence à s’installer grâce à ce freestyle. Mais on travaillé pour, donc on est très satisfait de tous ces retours.
En tant que rappeur, tu trouvais qu’il manquait une émission comme Rentre dans le cercle dans le rap français ?
Aux États-Unis, ils ont cette culture là, les Freshman Cypher ou autres, mais en France il manquait de ce genre d’initiatives. Il en faut plus même, parce qu’il y a trop de rappeurs qui manquent d’exposition et qui mériteraient, tu vois. Le concept permet de faire éclore des artistes moins connus, voire pas connus. De notre côté, on voulait marquer le coup en participant à l’émission, on voulait tout brûler.
Tu sembles vraiment très proche de la culture américaine, tu rappes même en anglais. Comment s’est créé ce lien ?
Au collège, quand j’avais 13-14 ans, je me suis rendu compte qu’on nous apprenait un anglais trop basique, trop scolaire. Quand j’ai commencé à faire mes recherches pour approfondir mes connaissances, j’ai compris que ce n’était pas du tout cet anglais que je voulais apprendre. En parallèle j’ai découvert la musique américaine, la trap, la drill, le rock… Je me suis dit qu’il fallait que je parle comme eux, puis avec eux et que je rappe en anglais aussi. Au début c’était compliqué parce que je me tuais à faire des Karaoké grâce à rap genius et je lisais les paroles de Jay-Z, Kendrick Lamar, etc. Je savais que j’avais la bonne prononciation, mais peut-être que j’étais dans le faux, et ce sont mes profs d’anglais qui m’ont dit que j’étais bilingue. Je faisais la même chose en français pour travailler ma diction, mon articulation et élargir mon vocabulaire, parce que j’aime aborder différentes écritures ou cultures, qui me dépassent. Et en découvrant la musique américaine, je me suis naturellement plongé dedans.
Dans le rap français, qui sont tes exemples ?
Le premier album de rap que j’ai écouté c’était Carte Blanche de Puissance Nord. Après il y a eu Youssoupha, grâce à mon grand frère, que j’écoute depuis mes 10 ans, avec l’album Noir Désir. Au fil des écoutes je me suis rendu compte que je voulais toucher à l’écriture, des artistes comme Youssoupha, Disiz, Kery James, Médine ou Psy4DeLaRime m’ont impressionné parce qu’ils écrivaient bien et en plus ils rappaient leurs écrits.
De Noir Désir, Youssoupha a fait un remix du morceau Apprentissage avec Tunisiano, Médine, Ol’Kainry et Sinik. Tu peux penser que chacun essaie de faire le meilleur couplet mais au final ils s’unissent tous derrière un message commun. Comme Ma destinée, Contre Nous, Blokkk Identitaire ou Un Mal Pour Un Bien. Ces morceaux m’ont marqué autant dans la forme que dans le fond. Il y a un vrai exercice de style et d’écriture. Ils m’ont fait comprendre que le rap n’était pas seulement “On a des armes et on parle mal.” Certains sont juste rappeurs, moi j’essaie de trouver ma voie en tant qu’artiste.
Tu aimerais dépasser le statut de rappeur ?
Je ne pourrai pas m’arrêter qu’au rap, par exemple quand j’écoute une instrumentale, j’entends tellement de mélodies, de flows différents. Je ne peux pas faire 15 versions d’un morceau donc il faut le rendre unique, et parfois le rap ne suffit pour atteindre cette singularité. Je suis obligé d’aller chercher ailleurs. Quand je vois Maître Gims qui collabore avec Vianney, je me dis que le futur de la musique est là.
Si tu devais résumer la scène marseillaise, que dirais-tu ?
Tout d’abord, on a le meilleur public (rires). À Marseille, le rap est très divers, très varié, je retiens surtout des artistes tels que SCH ou Alonzo, mais il y a également des artistes que je ne peux pas sentir, parce que leur musique est vraiment mauvaise.
Tu peux revenir sur ta jeunesse ?
J’ai grandi dans la cité Félix Pyat, située dans le 3e arrondissement de Marseille. J’y vivais avec la famille, mon père, ma mère et mes frères et sœurs. Le quartier était un peu chaud mais ma mère nous a toujours protégé de la vie de rue, et aujourd’hui je la remercie, je suis très reconnaissant. Depuis 2011, nous vivons aux Lilas, un quartier bien plus tranquille et c’est en arrivant là-bas que j’ai pris conscience de la tension qu’il y avait à Félix Pyat. On a déménagé parce qu’on manquait de place, on était huit dans un petit appartement, c’était difficile à vivre.
Comment tu as commencé à rapper ?
J’avais huit ans quand une amie m’a offert mon premier cahier de texte, que j’ai toujours, mais j’ai commencé à écrire à partir de 10 ans. Ce cahier contient des textes de 2012, écrits à l’effaceur. Il y avait un centre culturel qui s’appelait “La Solitude” à coté de chez moi et qui proposait un atelier hip hop. Je croyais qu’on allait danser mais en fait c’était un atelier d’écriture et de rap, supervisé par un rappeur marseillais. Alors que la plupart avaient du mal, rapidement j’ai réussi à poser dans les temps, et il m’a poussé à écrire. Puis je me lançais, dès que j’avais un peu de temps, j’écrivais sans arrêt.
Que ce soit dans la chorégraphie ou dans certains flows, on ressent l’influence de la culture africaine, c’est important pour toi de mettre en avant cet héritage ?
Je suis originaire des Comores et la musique de Djobane Djo m’a marqué. Alors que la culture est assez stricte là-bas, il a apporté le côté sulfureux du hip hop, avec des grosses voitures ou des filles dénudées. Aujourd’hui, c’est une putain de star et je suis admiratif de ses chorégraphies, sa gestuelle, sa prestance, son attitude.
Typiquement, comment tu travailles un morceau ?
Soit j’arrive en studio avec mes morceaux déjà prêts, 90% du temps ça se passe de cette manière, ou sinon je débarque sans rien, et je prépare le son avec un compositeur, mais cette façon de faire est plus récente. Cette technique me correspond bien mais je ne me vois pas l’utiliser constamment, je sais que parfois j’arriverai avec beaucoup de textes et que je trierai pour choisir les meilleurs. Pour l’enregistrement, ça va très vite, souvent c’est en one shot, comme le freestyle que j’ai interprété pour Rentre dans le cercle, qui s’appelle Sec en réalité. Je suis très fier du morceau Manchester également, qu’on a enregistré et envoyé sur un coup de tête.
Tu t’es fixé des objectifs pour l’avenir ?
Je veux produire d’autres artistes, produire et réaliser des films, écrire des pièces de théâtre, des livres… Mais dans le rap, je voudrais posséder une fanbase que personne n’a jamais eu, énorme et éclectique. J’aimerais atteindre une popularité digne de Michael Jackson grâce à ma musique, c’est là où je veux arriver. Pour le moment se démarquer n’est pas si simple puisque je fais de la trap à Marseille, mais au fur et à mesure, avec mon équipe, on va innover et apporter des choses inédites dans le rap français.
Propos recueillis par Osain Vichi
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