Que celui ou celle qui n’a jamais aimé une chanson pourrie lève la main !
Tired of Being Sorry (Laisse le destin l’emporter) – Enrique Iglesias feat. Nâdiya
Je ne fais pas de hiérarchie de noblesse entre mes plaisirs, aucun n’est coupable. Quand j’écoute Kim Petras, je l’aime avec la même adhésion que Caroline Polachek. Je n’ai jamais détesté ce titre d’Enrique Iglesias en duo avec Nâdiya, sorti en 2008, quelques mois avant ma majorité, mais je n’aurais jamais pensé l’aimer. À cette époque, j’écoutais plutôt Sébastien Tellier, Daft Punk et MGMT. J’avais peu le goût du R&B français ou de la variété espagnole. Mais les deux ensemble, sur ce titre, me frappèrent. À l’étrangeté du métissage de l’anglais et du français s’ajoute celle des premières notes de guitare espagnole avec les lourds accords des synthés commerciaux. Mais ce qui me touchait le plus est au fond, je pense, la masculinité dissidente d’Enrique. La perdition romantique de sa voix plaintive m’émeut encore aujourd’hui. BD
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Immortal – Thy Slaughter feat. Caroline Polachek
Les paysages digitaux de l’hyperpop m’ont toujours paru inconfortables, mais demeurent des territoires fascinants à explorer, sans doute à cause de la nature même des textures de ses reliefs (qui sont en réalité des composites de sons cyborg). Si je les arpente rarement, préférant la science-fiction vintage à la réalité froide du numérique, il m’arrive de prendre un plaisir extraterrestre à l’écoute de certains morceaux. Dernier exemple en date : Immortal, extrait de l’album Soft Rock (2023), de Thy Slaughter – duo formé par A. G. Cook (fondateur du label PC Music) et EASYFUN, ici accompagné de Caroline Polachek. Une chanson qui sonne comme si Britney Spears avait joué du heavy metal dans une scène de Cloud Atlas (2013) des frangines Wachowski. FM
On ne change pas – Céline Dion
Qui aurait pu prévoir qu’un jour, je me laisserais émouvoir aux larmes par Céline Dion ? Et tout ça à cause de la magie du cinéma (mais pas de Titanic). En 1998, On ne change pas était une rengaine insupportable, qui me poussait à tourner la molette du poste FM pour changer de fréquence. Le genre de truc qui, en plus du fait qu’on ne l’aimait pas, vous collait au cerveau de longues heures. Et puis, il y a eu Mommy, de Xavier Dolan, en 2014, film étouffant tout en tensions et confrontations parfois violentes entre une mère, un fils et une voisine, dont On ne change pas est une parenthèse en chanté bouleversante, moment d’apaisement partagé, entre deux conflits, par les trois protagonistes. Un moment suspendu aussi fugace que les amours passagères de Jack et Rose dans Titanic, et que le fut le mien pour Céline Dion, le temps d’une séquence. LM
Sleepwalker – Ava Max
Mon algorithme Deezer a trouvé pour moi cette petite pépite d’ignominie. Ava Max, une sous-Lady Gaga du Wisconsin, a tout pour déplaire : elle copie sans panache son aînée new-yorkaise jusque dans ses tics d’interprétation (son tube de 2018, Sweet but Psycho, en est la parfaite illustration), sa direction artistique est cataclysmique, ses mélodies sont des resucées de resucées. Et pourtant, elles me font frémir autant de joie que de honte. Comment des émotions aussi contradictoires peuvent-elles se nicher dans trois minutes de musique industrielle débitée au kilomètre ? C’est ce que j’appelle la magie de la pop et, pour un peu de cette sensation-là, je suis prête à tout pardonner. FK
Glamorous – Fergie feat. Ludacris
Si mes dizaines de milliers d’heures passées sur Grand Theft Auto V – j’abuse à peine – m’ont forcé, fut un temps, à fuir toute interaction sociale, je peux au moins dire que ce jeu m’a fait aimer Glamorous, tube des années 2000 de Fergie, ancienne des Black Eyed Peas. Le titre passait en boucle sur la radio fictive Non Stop Pop FM, et à longueur de courses en voiture décapotable, j’ai fini par aimer ses paroles purement ego trip et sa boîte à rythmes, amenée par le producteur Polow da Don. Finalement, tout ce temps perdu aura eu du bon… TL
Not Strong Enough – Apocalyptica feat. Brent Smith
Au premier abord, rien ne va. Un quatuor de metal symphonique finlandais (Apocalyptica) qui invite le leader d’un groupe d’alt-metal (Brent Smith, de Shinedown) à chanter. Des guitares qui rappellent les heures sombres du rock à papa. Des paroles fadasses au possible : “And it’s killing me when you’re away / And I wanna leave, and I wanna stay.” Le tout servi à grand renfort d’esthétique terrifiante de mauvais goût, pochette et clip à l’appui. Mais on est peu de chose face aux cordes frottées qui émaillent le morceau et à la voix de ce type qui s’époumone avec ardeur… Alors, on prend une grande inspiration. Et on assume d’écouter Apocalyptica en boucle comme si l’on avait 15 ans. LL
As It Was – Harry Styles
La première fois que j’ai entendu cette chanson, c’était sur Instagram. Depuis un bus, une personne filmait un homme dansant en pleine rue (à New York ?). Des pas chassés, de grands battements, un saut de basque. Cette parenthèse était à la foi libératrice et poétique, c’était léger et doux, et la musique entraînante, rythmée. Bref, je me suis rapidement enquise du titre et de l’auteur de cette chanson utilisée en bande-son : en découvrant l’audio, j’ai recraché mon Perrier (j’étais déjà adulte quand One Direction a sorti son premier album), mais finalement le sort était jeté. À force de l’écouter, en boucle, j’ai décidé de mater le clip, et là, j’ai observé une nouvelle raison d’aimer As It Was, de Harry Styles, la chorégraphie de la vidéo étant réalisée par le merveilleux Yoann Bourgeois. Puisque même Yoann y avait mis son grain de sel, pourquoi résister ? EP
Mise au point – Jakie Quartz
Un film d’auteur français ; des quarantenaires parisien·nes sortent de leur train-train habituel et voyagent en Italie. Le couple ravive-t-il la flamme ? Pas tellement au regard du film ; assurément lorsque, dans la voiture, Sophie Letourneur et Philippe Katerine écoutent Juste une mise au point, de Jakie Quartz. Si j’avais découvert ce tube des années 1980 par l’intermédiaire de mes parents, j’aurais détesté. Mais là, c’est une illumination. Le cinéma aide à voir le monde, mais aussi à mieux l’écouter. NM
Call Me Maybe – Carly Rae Jepsen
Dans le genre de la pop commerciale, le premier single de la chanteuse Carly Rae Jepsen fait office de classique instantané. Comment ne pas fondre devant ces lyrics adolescentes, ce fantasme du garage band pavillonnaire, et ce clip tout ce qu’il y a de plus iconique (l’hideux filtre retrica emblématique de mes années collège, le tatouage “The sky is the limit” du comédien, le plot twist de son homosexualité…) ? Une capsule temporelle régressive à laquelle s’ajoute une donnée d’autant plus savoureuse : le réécouter aujourd’hui, c’est se rendre compte que rien ne préfigurait la carrière brillante, mais plus confidentielle, qui attendait la Canadienne pour ses albums suivants. JM
True Babe – Gwen Stefani
Quand j’ai entendu cette chanson pour la première fois, j’ai cru à une mauvaise reprise de Where Is My Mind par Olivia Ruiz, ou quelque chose dans ce goût-là. Gwen Stefani a pompé éhontément les accords des Pixies pour son intro, au point que je me demande encore comment elle a pu échapper à un procès. On pourrait aussi facilement traîner True Babe devant la justice de la pop pour la niaiserie infernale de ses paroles ou pour son clip d’une absolue fainéantise. Toutes les raisons de haïr ce morceau sont réunies, et pourtant il appuie exactement là où, chez moi, ça vibre. FK
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