Du Mali à la Roumanie en passant par le Brésil, 10 albums pour entendre la vitalité intacte des musiques du tout-monde.
Boubacar Traoré, Mbalimaou
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Aussi rare qu’indispensable, Boubacar Traoré est une légende de la musique malienne. Sacré héros du rock aux premières heures de l’Indépendance, il est passé par bien des épreuves (mise à l’écart, oubli du public, deuils, exil) avant de ressusciter artistiquement au début des années 90. Marqué par ses souffrances, son blues acoustique vibrant d’humanité a évolué ces dernières années vers davantage de sérénité. Comme baigné dans une lumière profonde de fin d’été, Mbalimaou, qui sort le 26 janvier, distille un apaisement fragile, couvé par la kora délicate de Ballaké Sissoko, l’harmonica déchirant de Vincent Bucher et le sokou ensorcelant de Soumaïla Diabaté. Tournée française à partir du 3 février.
Criolo, Convoque Seu Buda
Star du hip hop brésilien, mais aussi musicien profondément investi, Criolo a le souci d’offrir à ses scansions le soutien d’instrumentaux hauts en couleur. L’impressionnant canevas de samples funk et d’orchestrations latin jazz, afrobeat, dub et psychédéliques que le duo de producteurs Daniel Ganjaman et Marcelo Cabral a confectionné pour Convoque Seu Buda permet au « Créole », rappeur mais aussi chanteur, de décrire le quotidien difficile de la vie dans la rue sans quitter les moiteurs tropicalistes, où il évolue avec l’aisance d’un poisson nageant dans les eaux tumultueuses du fleuve Amazone. Le 29 janvier à Paris (L’Alhambra) pour le festival Au Fil des Voix (www.aufildesvoix.com).
Faada Freddy, Gospel Journey
Faada Freddy est un homme de parole : en novembre dernier, au Trianon, il assurait à un public renversé par son incroyable prestation que la fête allait se poursuivre dans le métro, puis honorait cette promesse avec l’élégance qu’il met en toute chose. Son premier album solo a connu une longue gestation, sans doute parce que le chanteur n’a rien voulu sacrifier à sa quête d’authenticité. Charismatique et habité, il y affirme sa foi en une musique profondément humaine, une soul généreuse, produite uniquement par la voix et les frappes corporelles.
António Zambujo, Rua da Emenda
Un air de valse populaire, une samba de Jorge Drexler, une reprise réussie de Gainsbourg (La Chanson de Prévert) et beaucoup d’amours dérisoires, le dernier album du fadiste aux douceurs d’ange est empreint d’une nostalgie plus malicieuse que douloureuse. Porté par un velours de cuivres et le chant perlé de la guitare portugaise, Zambujo transcende le chromo fané d’un fado éternel avec une classe décomplexée (on pense souvent à Caetano Veloso) et beaucoup de tendresse.
Oquestrada, Atlantic Beat Mad’ in Portugal
Difficile d’abord de rattacher Oquestrada à un continent particulier. L’émotion si vive, presque violente, qui palpite dès les premières notes de ce disque produit une résonance trop intime et trop universelle à la fois. On reconnaît ensuite la langue et la guitare portugaises, mais là n’est déjà plus la question : l’embarquement a eu lieu, à la poursuite de la voix de Marta Miranda, fuyante, écorchée et libre comme une brise océane.
Tarek Abdallah, Wasla
La wasla est une forme importante de la tradition savante arabe, la suite, telle que la concevaient les musiciens égyptiens de la Nahda (Âge d’or qui s’éteignit au cours des années 40). Joueur de oud et musicologue originaire d’Alexandrie, Tarek Abdallah restitue cette forme dans l’espace contemporain et l’utilise pour développer un dialogue avec le virtuose du riqq Adel Shams El-Din. Un cadre qui convient parfaitement à son jeu sobre et raffiné, à sa mélodie nue, très pure, indifférente à la frivolité, et d’une éthique musicale irréprochable. A écouter le 27 janvier au Studio de l’Ermitage et le 30 à la Cité de la Musique de Marseille.
https://soundcloud.com/buda-musique/wasla
Rocío Márquez, El Niño
Les puristes du cante jondo ont longtemps banni la manière de Pepe Marchena « El Niño ». Trop mélangé, trop ornementé, trop « joli » pour exprimer la profonde douleur censée constituer l’essence du flamenco, son art semblait indissociable d’une époque jugée décadente (les années 30 à 50). Aujourd’hui, Rocío Márquez lui rend hommage à travers un album où le cante est parfois proche de la chanson et où les palmas et la guitare traditionnelles cèdent à l’occasion la place à une orchestration pop. La jeune cantaora réussit ainsi à restaurer les audaces vocales de Marchena dans toute leur vigueur sans pour autant renoncer à une modernité iconoclaste inspirée par l’exemple de l’immense Enrique Morente. Pour fêter la sortie de l’album ce même jour, Rocío Márquez se produira le 2 février au Café de la Danse.
Samba Touré, Gandadiko
On imagine peu évidente la tâche de donner suite à Albala, album sombre et engagé qui souleva un enthousiasme unanime en 2013. Mais Samba Touré possède l’humilité, l’intuition et l’assurance artistique des grands musiciens. Plus varié mais non moins passionnant que son prédécesseur, Gandadiko (“pays de feu” en langue songhaï), à paraître le 30 janvier, fait passer le souffle envoûtant du Nord Mali dans une suite de blues, rocks et ballades imprégnés aussi bien de la tradition que du jeu de John Lee Hooker et Jimi Hendrix. Une nouvelle espérance, peut-être une certaine quiétude enfin retrouvée, palpite ici dans une joie communicative.
Nzimbu, Nzimbu
Si Ray Lema s’est fait connaître dans les années 80 grâce à ses expérimentations musicales très diverses et à sa volonté de collaborer avec des musiciens venus de tous les horizons, il ne s’est jamais détourné des riches traditions congolaises qu’il avait découvertes et étudiées durant sa jeunesse, lorsqu’il était le directeur musical du Ballet national du Zaïre. Dans Nzimbu, sa voix s’unit à celles de Fredy Massamba (artiste soul né au Congo Brazzaville) et Ballou Canta (grand chanteur de rumba congolaise) pour évoquer avec douceur et gravité un Congo douloureux, souffrant, mais aussi multiple, polyphonique et fascinant de beauté. A retrouver le 22 janvier à Paris, sur la scène du New Morning.
Taraf de Haïdouks, Of Lovers, Gamblers ans Parachute Skirts
Au Taraf de Haïdouks, orchestre tzigane originaire de Clejani en Roumanie que l’on voit depuis si longtemps, irrationnel, virtuose et un peu fêlé, trottiner à travers le monde au son curieusement claudicant de ses cymbalums, accordéons et violons, on ne peut demander de changer. Dans ce sixième album, le voici qui revient justement aux danses et chansons d’amour et de peine exploitées aux premières heures de son succès international. Fidèle à lui-même et différent (les plus anciens ne sont plus, mais leurs disciples ont dignement pris leur succession), le Taraf offre ici, vingt-cinq ans après son premier disque, un visage buriné et juvénile qui n’a pas pris une ride. A paraître le 26 janvier, ce nouvel album sera présenté le 11 février au New Morning à Paris.
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