Des jeunes pousses et des valeurs sûres pour montrer la vitalité du swing hexagonal.
Anne Paceo, Circles
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Très demandée (on l’a récemment vue auprès de Jeanne Added et Raphaël Imbert), Anne Paceo n’est pas seulement une batteuse (très) talentueuse. Compositrice innovante en recherche de nouveaux espaces sonores, c’est une musicienne au sens plein du terme dont les géométries rythmiques possèdent une nature “mélodique” envoûtante. Avec Emile Parisien (saxophone), Leila Martial (chant) et Tony Paeleman (claviers), elle invite à un voyage où le rock cosmique (Tzigane) rencontre la prière soul (Birth and Rebirth), où un funk en acier froid (Today) peut conduire à d’étranges dérives extra-terrestres (Circles), nous menant pas à pas vers un territoire autre, inconnu et fascinant.
Ligne Sud Trio, Lendemains prometteurs
En associant leurs trois CV, on obtient pas moins d’un demi-siècle de jazz français. Mais le compositeur, arrangeur et chef d’orchestre Christian Gaubert, ici au piano, le bassiste Jannick Top et le batteur André Ceccarelli sont aussi unis par une amitié qui va bien au-delà de la musique, et c’est le plaisir d’être ensemble, cette évidence toute simple du partage humain, qui paraît avoir déterminé l’enregistrement de Lendemains prometteurs. Epaulés par Chritophe Leloil à la trompette et Thomas Savy aux saxophones, le trio y déroule une musique solaire, volontiers impressionniste et suggestive, aux titres debussystes (Valse indansable, Humeur changeante, Mouvement obsédant) et à la malice accueillante.
Five in Orbit, Tribulus Terrestris
Commander à Marcel.lí Antúnez Roca une œuvre originale pour orner son album est en soi un geste fort : adepte de la mécatronique et de performances dérangeantes, l’artiste catalan est réputé pour ses créations délirantes, et celle-ci ne fait pas exception. Encore fallait-il, pour ne pas décevoir, une musique qui fasse montre d’une exubérance comparable. Mené par Ramón Fossati (trombone), Laurent Bronner (piano) et Olivier Brandily (sax, clarinette basse et flûte), Five in Orbit mène cette mission à bien en alignant des compositions pleines de viscères, de soupirs et de cris, où les chiens dansent (Dancing Dogs) et les chats crèvent (The Night of Dead Cats), comme des organismes tressautant, bondissant et s’exposant à ciel ouvert, les nerfs tendus à en craquer.
Benjamin Faugloire Project, Birth
L’ouverture est magistrale, imposante au point que l’on peine d’abord à réaliser que c’est bien un trio qui l’exécute : un tel volume, une telle ampleur, font croire à un grand orchestre. L’osmose est forte entre chacune des parties en action, Benjamin Faugloire au piano, Denis Frangulian à la contrebasse et Jérôme Mouriez à la batterie, et cette unité se retrouve dans Birth, totalité sonore mutilthématique enflant par vagues successives d’arpèges, de fracas binaires et de modulations cristallines. On navigue là entre composition écrite et improvisation, lents naufrages et explosions de vitalité, sans que l’émotion et l’attention, jamais ne se lassent. A paraître le 11 mars.
Cyrille Aimée, Let’s Get Lost
La voix est chaude comme la cire d’un vieux 78 tours et elle a ce vibrato discret qui ne s’acquiert qu’après avoir connu la caresse épaisse et humide d’une brise du Sud. Le blues est là, niché à son aise, Cyrille Aimée n’a pas besoin de surjouer ses interprétations pour le donner à sentir, pas besoin non plus de forcer le trait rétro. La jeune femme n’est pas une tragédienne, c’est dans le swing et la gaieté qu’elle distille tout son charme. Pour cela, on songe parfois à Dinah Washington (Three Little Words), mais le plus souvent, c’est à Cyrille elle-même qu’on en reste, à ses sensualités, ses paresses d’été (superbe Lazy Afternoon) et son inentamable fraîcheur.
https://www.youtube.com/watch?v=qgI6m76TI6E
Stéphane Tsapis Trio, Border Lines
Parce qu’il tient du saut dans le vide et que l’anticipation du temps d’après est la condition de son émergence – sans quoi l’improvisation deviendrait hasard –, nulle musique n’est plus assimilable à un sillage que le jazz. Sillage, frontière, là se tient Stéphane Tsapis, qui ne s’est jamais senti pleinement français ni grec, et qui cherche sa musique dans la ligne de brisure entre l’Occident et l’Asie mineure sans se soucier des vues superficielles du touriste (ici moquées dans un bref interlude). A la tête de son trio, le pianiste retrouve d’anciens trilles, des modes qu’on ne joue plus, passe à l’orgue pour un jazz rock grec sans attaches, tend le majeur aux banques qui ont torpillé la Grèce (Goldman Sucks), affirme enfin, entre lumière lointaine et colère contemporaine, sa richesse propre. Border Lines paraît le 18 mars.
Médéric Collignon, Moovies
Le bouillonnant Médéric Collignon aime à revenir aux 70s, cette époque où Miles tâtait de la wah-wah, où King Crimson professait son progressisme et où les polars étaient hantés par de vrais durs comme Clint Eastwood, Warren Beatty ou Steve McQueen. Dans Moovies, le cornettiste s’attaque aux thèmes que Lalo Schiffrin, David Shire et Quincy Jones composèrent pour suivre les déambulations violentes de ces héros sans idéaux. Une bande-son dans laquelle Collignon et son Jus de Bocse se trouvent comme chez eux, au point que, à la fameuse question de Dirty Harry : « Do I feel lucky ? Well, do you, punk ? », l’auditeur de ces jazz funks au groove crade, parano, sexuel et très urbain, ne peut que répondre par l’affirmative.
https://vimeo.com/140517766
Lou Tavano, For You
Dans la voix grave, abyssale et comme voilée de givre de Lou Tavano passent des inflexions qui sont folk autant que jazz (on pense, pour le timbre comme pour ces influences mêlées, à Mia Doi Todd). Bien assumée, cette double empreinte se retrouve dans les compositions de For You, premier album élaboré avec le pianiste Alexey Asantcheeff. Au lieu d’étaler une séduction opportuniste, Lou a eu l’intuition de laisser l’auditeur venir à elle. Excellente idée : très vite, on ne demande qu’à traquer cette belle voix un peu lointaine et auréolée de mystère, pour succomber quand Lou, chantant en français, nous touche soudain de si près. Sortie le 4 mars.
Baptiste Herbin, Interférences
Être cool, en jazz, cela peut s’entendre de mille façons, renvoyer à Miles Davis, à la West Coast, à une attitude, à une esthétique et aussi, pourquoi pas, à une sonorité, à un groove. Le mot vient immédiatement à l’esprit à l’écoute d’Interférences. Non que Baptiste Herbin joue avec nonchalance, au contraire, mais une certaine décontraction, aimable, souriante, nous invite ici à goûter aux suavités rouge et or de solistes inspirés, Renaud Gensane à la trompette et Maxime Fougères à la guitare encadrant Herbin aux saxophones. Il faut du tempérament et de la sagesse pour jouer avec autant de moelleux, de classe discrète et d’à-propos mélodique tout en donnant l’impression de rester à la coule. A même pas 30 ans, Baptiste Herbin possède déjà tout cela.
Perrine Mansuy, Rainbow Shell
Rêveries sous-marines, dîners célestes, floraisons inattendues et ballets aériens, Perrine Mansuy cultive l’onirisme des éléments naturels, cherchant dans un lyrisme sans retenue sa libération des pesanteurs ordinaires. On frôle un instant la complaisance new age (le peu heureux Fly On), mais partout ailleurs, la combinaison du piano limpide, du violoncelle plaintif d’Eric Longsworth, de la guitare écorchée de Rémi Décrouy et des percussions de Jean-Luc Difraya suscite un imaginaire heureux, rêveur, une délicate insouciance.
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