Du musette et du groove, de la mélancolie harmonique et de la furie électrique… le jazz français dans toute sa richesse.
Papanosh, A Chicken in the Bottle
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Après s’être livré à une relecture – heureuse car iconoclaste – de Charles Mingus avec l’album ¡ Oh Yeah Ho !, Papanosh revient à la composition sans pour autant rompre avec l’esthétique grotesque et le romantisme désespéré du génial contrebassiste. Le quintet alterne avec beaucoup d’enthousiasme les libérations collectives, les ruptures sèches et les solos arrachés sur le vif, il pratique également une forme d’humour tour à tour potache et inquiétant qui donne une dynamique très efficace à sa musique, aussi imprévisible et joyeuse que le suggère cette singulière image de poulet coincé dans une bouteille prise pour titre. A paraître le 3 février, concert le 24 janvier à la Dynamo de Banlieues Bleues.
https://soundcloud.com/banlieues-bleues-1/papanosh-bierbeek
Paul Lay, The Party & Alcazar Memories
Quand chaque jour paraît transformer en vérité plus profonde l’adage selon lequel rien n’est plus difficile, en art comme ailleurs, que de toucher à la légèreté, il est bon d’écouter le piano dandy de Paul Lay, ses mélodies sans soucis, sa pétillante musique d’alcôve, d’autant plus exquise qu’elle ne prétend à rien sinon à ravir. Aucune fatuité pourtant dans ces deux albums, le premier (The Party) en trio “classique” et le second (Alcazar Memories) avec Isabelle Sörling, chanteuse tout en grâce et Simon Tailleu à la contrebasse. Juste quelque chose comme une santé, admirable et contagieuse. Sortie le 17 février, concert au Café de la Danse le 15 mars.
Richard Galliano, New Jazz Musette
Au milieu des années 80, Richard Galliano, accompagnateur de Barbara et Nougaro, s’attelait à la réinvention du musette, genre désuet et, pour beaucoup, source d’horreur et de moquerie. Il en profitait pour rendre ses lettres de noblesse à l’accordéon et l’inscrire dans le paysage jazz à travers une série de disques marquants, comme l’impérissable New Musette. On l’a ensuite vu s’aventurer en classique, en tango ou en forró, tout en restant attaché à la musique qu’il avait si brillamment redéfinie. Il y revient dans New Jazz Musette, double album mêlant compositions nouvelles ou réinterprétées. De la valse en bourrasques et du blues à l’italienne, de la tristesse en demi-sourire et de la chaleur humaine généreusement distribuée, Galliano est chez lui, et il reçoit toujours aussi bien. Sortie le 17 février, concert le 1er mars au Studio 104 de la Maison de la Radio.
https://www.youtube.com/watch?v=0ehe-U-Ms3w
Pan-G, Futurlude
L’ambition de Pan-G, laboratoire d’expérimentation sonore regroupant 10 membres sous la direction d’Aloïs Benoit, se dévoile dès l’abord : trouver une vibration inédite, créée par l’instant, dans le chaos des timbres, l’effervescence des rythmes et la jouissance toute primitive d’un ébat sans règle ni retenue. Une telle démarche pourrait aboutir à un bazar laborieux, Futurlude apparaît au contraire comme remarquablement construit, grâce à une opposition captivante de tensions et de détentes, de paroxysmes et de fantaisie impromptue. A écouter le 27 janvier à la Dynamo de Banlieues Bleues avant la sortie de l’album, le 3 février.
Adrien Chicot, Playing in the Dark
A l’image de sa pochette, toute simple, sans fard, Playing in the Dark apparaît comme une évidence. Sensuel et nuancé, mais conservant un irrésistible grain de rusticité et de burlesque hérité du blues, le piano d’Adrien Chicot envoûte avec douceur grâce à la complicité bienveillante de Sylvain Romano (contrebasse) et Jean-Pierre Arnaud (batterie). Il règne ici comme une indolence, une séduction spirituelle figurée par des architectures harmonieuses et des thèmes éblouissants, qui nous gagne sans efforts, tout naturellement. Il faut chérir un disque si beau, si bien achevé.
https://soundcloud.com/adrien-chicot/3-under-the-tree/s-2oXwM?in=adrien-chicot/sets/playing-in-the-dark-1/s-cfCCY
Hugues Mayot, What If ?
Fracas métallique d’une lourde machine comme il s’en concevait dans la SF d’antan, ostinato bourdonnant qui s’insinue au creux de l’oreille, flashs d’électricité semblables à ceux d’un néon moribond, c’est de ce paysage chaotique, inhospitalier, traversé de tensions souterraines et crevé d’éruptions soudaines que le saxophone de Hugues Mayot tente de s’arracher pour gagner l’apesanteur. Un travail d’une grande rigueur conceptuelle, qui impressionne par son ampleur – tant de métamorphoses sonores feraient croire à un orchestre plus large qu’un simple quartet comprenant basse, batterie et claviers – et, plus encore, par la profusion d’images qu’il parvient à faire naître. Sortie le 3 février, concert le 15 à la Dynamo de Banlieues Bleues.
https://soundcloud.com/hugues-mayot/abyssal
Claude Tchamitchian Tentet, Need Eden
Ecrire pour neuf instruments et une voix est tout sauf une mince affaire, même lorsqu’on dispose d’interprètes aussi brillants que Stéphan Oliva (piano), Edward Perraud (batterie) ou Régis Huby (violon). Il faut maîtriser parfaitement le contrepoint, les reliefs et les contrastes, savoir donner à ses idées une dynamique, des couleurs, toute une vie surprenante. A cette exigence, Claude Tchamitchian répond avec superbe dans Need Eden, labyrinthe en trois volets (Eveil, Lumières et Passage) eux-mêmes divisés en trois parties. Ample, varié, en quête d’un merveilleux qu’il atteint souvent, cet album ouvre sur une contrée rêvée que l’on ne quitte jamais qu’à regret.
David Eskenazy Trio, Longing for Gravity
La formation en trio est en vogue : pas une semaine ne passe sans que paraisse le nouvel album d’un soliste accompagné par un batteur et un contrebassiste. Cette formule a pour avantage de permettre une imbrication au millimètre des forces en présence, l’alliance de la confidence et de l’extraversion, du minimalisme et du lyrisme. Le contrebassiste David Eskenazy a ainsi composé un monde clos et multiple à la fois, comme cette belle Tectonique intérieure où se chevauchent en un canevas serré des réminiscences romantiques. Pour son premier album en leader, il réussit à conjuguer fougue et méditation dans une même poésie des profondeurs.
Alexis Avakian, Hi Dream
Une mélancolie à demi voilée, comme un parfum de tristesse pudique ou le vague d’un sentiment qui préférera se retrancher sur quelques notes plutôt que de s’épancher en longues explications, c’est entre le dit et ce qui restera tu que se déploie la musique du saxophoniste Alexis Avakian. Par instants, la trame laisse entrevoir un lointain, celui d’une Arménie de songe et de mémoire qui s’insinue dans les sanglots du doudouk ou tel thème traditionnel, mais cela même reste passager, à peine esquissé, comme pour ne pas bouleverser la délicatesse de l’ensemble. A découvrir, le 2 février au Sunset.
Antoine Karacostas Trio, Trails
S’il fallait chercher des preuves – hélas, il semble qu’on en soit là – de l’enrichissement que constituent les identités multiples, on pourrait toujours se fier au jazz pour nous en fournir, les origines lointaines de ceux qui le pratiquent formant souvent une part importante de leur ADN musical. Ainsi la Grèce inspire Antoine Karacostas, elle le mène vers ses gammes ambigües et insuffle à sa musique sa lumière à nulle autre pareille. En trio ou aux côtés de Cybèle Castoriadis (chant) et Pierre Bernier (ténor), reprenant des airs de rebétiko ou proposant ses propres compositions, le pianiste trouve là une voie qui pare son premier album de singulières scintillances.
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