Des traditions les plus pures aux combinaisons les plus inattendues, un périple musical qui nous emmène des rives de la Méditerranée au Pacifique.
Damir Imamović’s Sevdah Takht (Bosnie)
Dvojka
De la sevdah, mot qui signifie “extase amoureuse” et désigne un genre traditionnel développé en Bosnie durant la domination ottomane (XV-XIXe siècles), Damir Imamović propose une définition dynamique et ouverte aux sonorités modernes de la basse électrique, de la guitare et de la batterie. Pour autant, il n’entache jamais de kitsch son répertoire et se garde bien d’en atténuer le baroque oriental et le doux-amer balkanique. A la fois rude et langoureux, son chant émeut même lorsque les parties instrumentales demeurent volontairement frustes.
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Fanfare Ciocărlia (Roumanie)
Onwards to Mars !
Ce n’est pas à la Fanfare Ciocărlia qu’il faudra demander de conjurer le pittoresque associé à la gitanité roumaine. Un clin d’œil, une dent en or qui étincelle, et c’est toute la gamme de sa truculence mêlée de ruse et de virtuosité clinquante qui soudain prend nos oreilles d’assaut. Mais n’est-ce pas justement cette folie et ce jeu d’apparences et d’éclats de rire qui, toujours, nous ramènent aux orchestres tziganes ? Alors on embarque, et bien volontiers, avec ces douze Roumains-Martiens déjantés, au son de leurs cuivres rutilants et de leur groove givré, meilleur talisman connu pour se protéger du mauvais œil et des humeurs noires.
Kayhan Kalhor & Aynur (Turquie-Iran)
Hawniyaz
Ces deux-là avaient bien des choses à se dire, des drames, des récits spirituels, des amours aussi. Leur première rencontre a eu lieu en dehors des studios et elle fut si intense que le projet d’enregistrer un album apparut comme une évidence. En cinq longues plages, voici donc le dialogue rare, précieux, établi entre Kayhan Kalhor, extraordinaire vielliste iranien qui, d’un trait de son kamancheh, sait peindre les plus infimes mouvements de l’âme, et la chanteuse kurde Aynur Doğan, si poignante dans ses inflexions brutes, digne et douloureuse comme une cantaora flamenca. Ils sont soutenus par Salman Gambarov au piano et Cemîl Qoçgirî au tanbûr, et les écouter est comme un privilège, une offrande qui nous est accordée. Sortie le 24 juin.
Talip Özkan (Turquie)
L’Art du tanbûr
Dédié à la collecte des traditions musicales les plus authentiques, Ocora Radio France possède un catalogue qui déborde d’enregistrements inestimables, depuis les concerts mythiques de Nusrat Fateh Ali Khan au Théâtre de la Ville jusqu’aux ragas de Ravi Shankar, Lakshmi Shankar et Balaram Pathak en passant par le mugham d’Alim Qasimov et les épopées de Kinshi Tsuruta. Le label réédite aujourd’hui L’Art du tanbûr, enregistré en 1993 par Talip Özkan, maître de ce luth à long manche décédé en 2010. L’art intimiste et finement enluminé du barde turc s’y concentre dans une suite de taqsîms (développements libres et semi improvisés) dépouillés, chantés avec recueillement et d’où émane le sentiment d’une beauté intemporelle.
Basel Rajoub (Syrie)
The Queen of Turquoise
Plutôt que de dépeindre le chagrin et le sentiment d’horreur inspirés par le saccage de la Syrie, le saxophoniste et joueur de duclar (instrument aux sonorités proches du duduk et de la flûte) Basel Rajoub a souhaité offrir à sa terre ce qu’il avait reçu d’elle : “Nous sommes partis en pensant que nous étions sans bagage, déclare-t-il, complètement inconscients du plus grand cadeau que notre pays nous a accordé : la connaissance musicale.” Ni traditionnel ni jazz, même si l’improvisation y tient une place importante, le répertoire de The Queen of Turtoise tient surtout de la méditation poétique et rend un bel hommage à la culture musicale syrienne, intarissable source d’émerveillements.
Ensemble Marani (Géorgie)
Ertad
L’immersion dans les polyphonies de l’Ensemble Marani procure un ravissement bien supérieur au plaisir pris lors d’une écoute habituelle. C’est une expérience de dépaysement salutaire, voyage dans un autre espace, à la fois spirituel et fortement rattaché à la terre géorgienne. En entendant cette langue superbe et ces vertigineux tournoiements mélodiques, ces voix masculines ardentes, lumineuses, on est saisi par une émotion quasi solennelle. Comme toujours, le travail d’édition de Buda Musique se révèle impeccable, prise de son parfaite, livret didactique en trois langues, tout est fait au mieux pour mettre en valeur cette parfaite splendeur.
Abaji (Arménie)
Route & Roots
Né de géographies multiples (Arménie, Grèce, Syrie, Liban…), Abaji trace depuis quelques décennies une route à part, complètement libre, sans se soucier du moindre partage entre Orient et Occident. A la manière d’un shaman, il lui importe d’abord de convoquer les forces invisibles et pénétrantes d’un lieu, d’une culture. Pour y arriver, il chante dans plusieurs langues, façonne ses propres instruments (guitare-oud, clarinettes bambou, lap-harpe…) et n’enregistre qu’en prises directes et uniques. Conçu avec le renfort de Vardan Grigoryan au duduk et Mahmut Demir au kémané, Route & Roots est un disque plein de risques, de brefs équilibres et d’apaisements partagés.
Jean-Luc Thomas & Ravichandra Kulur (Inde)
Magic Flutes
Musicien nomade, Jean-Luc Thomas conçoit le souffle comme échappant aux individualités, en attestent ses perpétuels partages, avec Michel Godard, Yacouba Moumouni ou David Hopkins. En voltigeant de concert avec celle de Ravichandra Kulur, sa flûte rencontre cette fois la tradition carnatique du Sud de l’Inde, ses figures rythmiques d’une complexité à faire tourner la tête et sa vigueur spirituelle. L’union fraternelle s’accomplit dès lors dans le choc des percussions, mais aussi en marge de séquences harmoniques restreintes garantissant l’interpénétration des champs orientaux et occidentaux.
Yuan Deng (Chine)
The Mountain & the River
Les arts traditionnels chinois ne séparent pas poésie et philosophie, contemplation de la nature et réflexion sur l’impermanence de toute chose : la matière à peine esquissée, elle s’évanouit déjà tant il est vrai que, dans le Tao, le plein ne s’accouple qu’au rien. De là l’importance du geste unique, du coup de pinceau sur la page vierge, de la note grêlée sur le silence. On retrouve cette approche dans l’art méticuleusement évanescent de Yuan Deng. De son guzheng (cithare à 21 cordes), la jeune femme tire des visions cristallines et nimbées de mystères, la suggestion restant toujours pudique, la délicatesse exempte de coquetterie.
Chiemi Eri (Japon)
Chiemi Eri
De la pop latine exécutée par d’improbables Tokyo Cuban Boys et roucoulée par une actrice japonaise permanentée ? Oui, et autant vous prévenir, cet album valant plus que le détour, il ne doit pas être abandonné au rayon des curiosités. Aussi connue au Japon pour la cinquantaine de films qu’elle a tournée que pour ses chansons de variété (allant du jazz au disco) Chiemi Eri mariait magistralement le mascara au kimono, les déhanchés latins aux scansions et ornementations populaires japonaises. En témoigne cette admirable compilation de titres datant de 1958 et 1962, aussi frais et piquants que s’ils venaient d’être enregistrés.
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