Toujours l’Afrique et sa luxuriante diversité, avec dix albums de la tradition la plus authentique aux grooves les plus actuels.
Seun Kuti & Egypt 80, Struggle Sounds
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“Struggle music, struggle sound / Struggle people, struggle now” : ce qui est bien, avec Seun Kuti, c’est qu’on sait toujours à peu près à quoi s’attendre – de la révolte et du funk, des slogans abrasifs et des polyrythmies à foison – sans pour autant se retrouver moins estomaqué, à chaque nouvelle écoute, par la démonstration de puissance et de savoir-faire. Struggle Sounds ne contient que trois morceaux (Fela n’alignait généralement qu’un titre par face d’album) mais ce sont autant de décharges d’énergie pure : de l’afro-beat intemporel, ultra efficace, auquel il serait vain de songer à résister.
https://www.youtube.com/watch?v=yLuo4lmrqLU
Abou Diarra, Koya
Abou Diarra est d’un autre temps que le nôtre. Tout jeune, il a longtemps marché, seul et ne possédant rien. A la recherche de son destin, il s’est choisi un instrument, le kamele n’goni, puis un maître, Vieux Kanté, génie subitement disparu à l’orée de sa carrière. Ce temps, celui des mythes, de la parole qu’on n’énonce pas en vain, sous-tend entièrement la musique de Koya, album arrangé par Nicolas Repac et qui bénéficie de la présence de Vincent Bucher et de Toumani Diabaté. Abou y explore une veine blues qui, loin de dénaturer sa musique, en souligne encore la beauté profonde et la suprême sérénité.
Erik Aliana & Picket, Just My Soul
La voix d’Erik Aliana distille une magie rare qu’on ne saurait tout à fait expliquer. Elle emporte et berce, élève et réconforte au gré de ses détimbrés, onomatopées rythmées et envolées en fausset, témoignant toujours d’une assurance fragile et d’un espoir fébrile en une transcendance possible des malheurs humains. Dans Just My Soul, elle est sobrement accompagnée par une guitare, une basse et quelques percussions, exactement ce qu’il fallait pour magnifier sa flamboyante richesse et l’intense spiritualité qui l’anime.
Dhafer Youssef, Diwan of Beauty and Odd
Confronter les 24 quarts de ton de la musique arabe aux 12 demi-tons de la musique occidentale n’est pas chose aisée et force est de reconnaître que l’expérience se solde souvent par un appauvrissement des deux parties. Dhafer Youssef, lui, non seulement n’y a rien perdu, mais même a su conquérir dans un cadre résolument jazz un espace d’entière liberté pour son oud. Ce jazz aérien, qui le lance dans de longues chevauchées exaltées et propulse sa voix jusqu’à d’étonnantes hauteurs n’a jamais paru aussi épanoui, naturel, limpide, que dans ce Diwan of Beauty and Odd aux enivrements raffinés.
Girma Bèyènè & Akalé Wubé, Mistakes on Purpose
Certaines conjonctions ne trompent pas : quand l’indispensable collection « Ethiopiques » du non moins indispensable label Buda Musique accueille Girma Bèyènè, chanteur, arrangeur et légende vivante de la pop éthiopienne, avec pour l’accompagner une des meilleures formations occidentales inspirées par l’éthio-jazz, on sent la très bonne affaire. A raison : sans doute galvanisés par l’émotion d’entrer à leur tour dans la collection mythique, les musiciens d’Akalé Wubé n’ont jamais groové avec autant de bonheur, jamais joué avec autant de jubilation. Quant au vétéran, sa voix n’a rien perdu de son velours ni de sa séduction, et son plaisir à revenir ainsi au devant de la scène est communicatif. Sortie le 13 janvier.
Kanazoé Orkestra, Miriya
Si le balafon est assez bien connu du public occidental, il est rare, hors de la sphère traditionnelle, de le voir pris comme support principal d’un répertoire. C’est le premier attrait de cet album : on y entend les sonorités douces de l’idiophone mandingue savamment distribuées en galops rythmiques par un prodige burkinabé, le griot Seydou « Kanazoé » Diabaté. Mais l’orchestration elle-même, teintée de jazz et d’afro rock, ainsi que les compositions inspirées et entraînantes attachent plus solidement encore à ce premier enregistrement du Kanazoé Orkestra, décidément enthousiasmant.
Fred Soul, La Comédie des silences
Il est parfois surnommé le « Viking de Dakar » et ça lui va bien : peau blanche et chevelure blonde, Fred Soul a longtemps vécu en Afrique où il s’est initié aux percussions et ingénié à transposer au piano les techniques de la kora, les rythmes ternaires et les grooves irrésistibles qui, là-bas, entraînent les corps et fondent, à égalité avec la parole, les relations de l’homme à son semblable, à la nature ou à l’invisible. C’est donc un album très africain que La Comédie des silences, non pas tant par son contenu même, poétique, jazz, toujours élégant, ou par ses musiciens invités (Julia Sarr est là parmi une foule d’amis où l’on retrouve aussi Sekouba Bambino et Jasser Haj Youssef), que par son esprit, sa tournure, sa nécessité.
Ali Boulo Santo Cissoko, Nunto
Né à Dakar dans une famille de griots (il a notamment pour frère Ablaye Cissoko), Ali Boulo Santo Cissoko a toujours oscillé entre la tradition (ainsi dans le superbe Manding-ko, où il accompagnait la chanteuse Hadja Kouyaté) et des courants modernes comme l’afrobeat, le rock ou l’electro. Pour Nunto, il a débranché ses pédales d’effets et a choisi de revenir à une acoustique cristalline et à un répertoire purement mandingue. Privilégiant le solo – lorsqu’un accompagnement se glisse en soutien, c’est toujours avec discrétion – Cissoko semble retrouver avec bonheur la voie royale : pas de cascades d’arpèges et de gammes ici, aucun artifice, juste une musique noble, menant à la plus grande plénitude.
Le Tout-Puissant Orchestre Poly-Rythmo, Madjafalao
Le T.P. Orchestre Poly-Rythmo représente à lui seul toute une part de l’histoire des musiques d’Afrique de l’Ouest. Institution de l’afro-funk, il n’a cessé, depuis la fin des années 60, de publier des albums, de faire danser et de jouer dans le monde entier, son line-up changeant au gré des défections et des décès sans que son existence soit jamais vraiment remise en cause. Un nouvel album de l’orchestre béninois ne saurait donc rien promettre de nouveau : on ne révolutionne plus rien passé 50 ans. Mais le secret des combinaisons, lui, demeure, comme la science vénérable de ces musiciens impeccables, celle qui ne s’apprend pas dans les studios sophistiqués mais seulement en vivant par et pour la musique.
Yishak Banjaw, Love Songs Vol. 2
Du Ndigal de Karatamba au Aw Sa Yone du Dieuf-Dieul de Thiès en passant par le Hallelo N’Dakarou de Guelewar, les lumineuses rééditions de Teranga Beat semblent toutes vouées à embellir nos vies. Enregistré en 1986, sorti en cassette uniquement, Love Songs Vol. 2, de Yishak Banjaw, constitue la première incursion du label athénien dans le territoire étrange des musiques éthiopiennes. Etrange, car c’est souvent avec presque rien que les musiciens éthiopiens tissent leurs envoûtements. Ici, il s’agit d’un petit synthétiseur Casio, le genre de bricole en plastique qu’on laisse d’habitude aux enfants et dont seul un magicien comme Banjaw pouvait sortir pareilles inventions. Cheap par le son, mais hautement psychédélique dans ses effets, cet OVNI cool vaut plus que le détour.
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