De la Tunisie au Congo, du funk à la tradition mandingue, du n’goni au synthé, l’Afrique chante et joue comme jamais.
Jupiter, Kin Sonic
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Déterminé comme jamais à précipiter les musiques congolaises dans un cocktail Molotov moderniste, voire futuriste, l’indestructible “Général” au profil tout en longueur revient avec l’intention ferme d’instaurer le règne intergalactique de son trépidant “bofenia rock”. En faisant quelques tours du monde, son groupe a gagné en efficacité et dépense sans compter une énergie un peu braque que la production se garde bien d’aseptiser. Plus funk, plus rock que son prédécesseur, Kin Sonic, à paraître le 3 mars, inscrit définitivement Jupiter parmi les leaders musicaux d’Afrique centrale.
Orchestra Baobab, Tribute to Ndiouga Dieng
Ce n’est pas à l’Orchestra Baobab que l’on apprendra à faire se déhancher une rumba, comment l’entremêler de kora indolente et la sous-tendre d’une dignité toute mandingue. La science de cette légende de la musique sénégalaise est telle que tout ici paraît moelleux, suave, inspiré par une sagesse non dogmatique, un laissez-vivre heureux. La formation n’a plus d’âge et elle a subi de nombreux changements de line-up, mais la voix de Balla Sidibé n’a rien perdu de sa splendeur et son entourage sait lui offrir l’écrin qu’elle mérite. Si ce disque ne bouscule donc rien, il n’a pour nous que tendresse – et c’est réciproque. Sortie le 31 mars, en concert le 16 mai au Cabaret Sauvage.
King Ayisoba, 1000 Can Die
Entre revendication et communion, rire et fureur, colère et exultation, la musique de King Ayisoba se déploie depuis les deux cordes rêches violemment fouettées de son luth kologo, son inséparable corne dont il souffle tel un chasseur appelant à la curée, et sa voix, rocailleuse et comme possédée par un démon trop lucide. Les prestations du punk d’Accra tiennent ainsi du happening musical et politique à la démence non feinte. 1000 Can Die en restitue toute l’urgence, même quand il accueille d’autres dingos comme Lee Perry ou Orlando Julius. Sortie le 31 mars.
Awa Poulo, Poulo Warali
Awa Poulo compte parmi les rares chanteuses peules du Mali, ce qui fait toute la curiosité de ce disque, traditionnel par la forme et l’essentiel de l’instrumentation (flûte peule, n’goni et calebasse, relevés de quelques traits de guitare électrique) comme par sa progression en brèves séquences mélodico-rythmiques répétées indéfiniment jusqu’au jaillissement d’un chant humble et gracieux.
Bargou 08, Front Musical Populaire
Avant de la recevoir de plein fouet le 31 mars à Aubervilliers, lors du concert programmé par Banlieues Bleues, on peut déjà se confronter à la bourrasque soulevée par Bargou 08 en écoutant son album-manifeste, Front Musical Populaire. Menée par son chanteur, le charismatique Nidhal Yahyaoui, la formation restitue les traditions d’une région pauvre du nord-ouest de la Tunisie en accentuant la brutalité des rythmes et en teintant son répertoire de rock. Le résultat est nu, sec, exaltant, porté à incandescence par d’enivrantes volutes de ney et de superbes saillies vocales.
Serendou, Zinder
Serendou scelle la rencontre étincelante entre deux flûtistes venus d’horizons apparemment éloignés, la Bretagne pour Jean-Luc Thomas, le Niger pour Yacouba Moumouni, leader de Mamar Kassey. Soutenus par le chant et la calebasse de Boubacar Souleymane, les deux hommes privilégient le dialogue fraternel et l’ouverture, au jazz avec une invitation à Michel Godard, au Brésil avec des interventions de Carlos Malta et Bernardo Aguiar. Plus richement produit que le précédent, ce deuxième album se déroule en transes libératrices, euphories douces, plaisir constant du rythme et de l’imagination en ébullition. Un bonheur. A retrouver le 16 mars au Studio de l’Ermitage.
Tamikrest, Kidal
La situation au Nord Mali est sans doute difficile à déchiffrer mais inutile de se voiler la face : les grands médias français s’y intéressent peu. Les tensions ne sont pourtant pas apaisées, et Ousmane Ag Mossa entend bien le faire savoir à travers sa musique. Oscillant entre envols bercés de murmures gutturaux, rock fouettés d’électricité orageuse et syncopes reggae brisées de wah-wah, Tamikrest ne change rien à son message de paix, de fierté et d’indignation, mais le pare d’harmonies nouvelles. Le groupe touareg témoigne ainsi d’une capacité à évoluer et à se renouveler, tout en inspirant le même respect pour son engagement. Sortie le 17 mars.
Janka Nabay, Build Music
En cherchant à unir une voix nasillarde et un phrasé lent évoquant les prophètes rastas à des sonorités rétrofuturistes que les synthés actuels se refusent normalement à produire, Janka Nabay a pris un risque : celui de la ringardise. Et pourtant, ça tourne, et même davantage. Miracle des grooves, distillés avec une science toute africaine, miracle aussi des attaches traditionnelles, cette « bubu music » que le Sierra-Léonais a emportée avec lui dans son exil américain et qu’il a su mettre à la portée d’un nouveau public. A paraître le 24 mars, Build Music apparaît finalement comme un album d’afro-electro tout à fait jubilatoire.
Black Flower, Artifacts
Le phénomène est désormais bien identifié : en exhumant dans leurs « Ethiopiques » les trésors du Swingin’ Addis, Francis Falceto et Gilles Fruchaux ont poussé des formations européennes à cultiver leurs propres floraisons dans les étranges jardins nubiens. Black Flower en a tiré un jazz baraqué, baignant dans des nocturnes hantés de menaces qui tantôt ricanent à travers le clavinet et la wah-wah, tantôt s’ébrouent au son du baryton et de la trompette. Ajoutez à cela des tambours de guerre et des sinuosités flûtées, des dorures passées et des flamboyances toutes contemporaines et vous obtenez un second disque passionnant. A retrouver les 9 et 10 mars, au Duc des Lombards.
The Original Sound of Mali
Comme les voies du Seigneur, les profondeurs de la musique malienne sont insondables : au moment où, soit orgueil, soit inconscience, on pense avoir réussi à cerner à peu près le sujet, il survient toujours de nouvelles productions, de nouvelles rééditions, pour nous émerveiller encore. Ainsi The Original Sound of Mali, dernière compilation de Mr. Bongo, explore-t-elle un versant psychédélique plutôt inhabituel, quand le balafon et le n’goni enfumaient les esprits, que les tambours vrillaient les tempes et que la kora chevauchait les astres. Une fois de plus, d’Idrissa Soumaoro au Super Djata Band, de Sorry Bamba au Rail Band, l’extraordinaire valeur des musiciens maliens s’impose à nous. Sortie le 10 mars.
https://www.youtube.com/watch?v=A-Ud-sAy77A
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