Avec son roman World War Z, adapté au cinéma, et un guide pratique, Max Brooks a offert une nouvelle jeunesse aux morts vivants.
Dès ses débuts new-yorkais aux côtés de Woody Allen, Mel Brooks prit le parti de faire de ses inquiétudes des parodies cultes. Une génération plus tard, son fils Max transcende ses névroses et son anxiété pathologique par l’écriture. Quand il commence à travailler sur World War Z,
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en 2005, sa mère, l’actrice Anne Bancroft, se meurt d’un cancer de l’utérus, sa femme est à l’hôpital où elle se remet d’un accouchement compliqué, leur nourrisson est sous surveillance pour des problèmes pulmonaires… La mort possible, la peur partout : en alchimiste vaguement dérangé, il fourreses phobies dans un récit postapocalyptique plus réaliste que bien des articles alarmistes sur le réchauffement climatique de quotidiens « sérieux ». Et même si Brooks rend hommage à « l’effrayant et génial » George A. Romero dans les remerciements, son roman, contrairement aux films à multiples lectures du maître du genre, est absolument dénué de dérision.
Premier degré de la première à la dernière page, le texte compile les témoignages de survivants à la « Guerre des zombies », qui ont vu, douze ans auparavant, un terrifiant virus ranimer les morts qui déferlèrent sur Terre, affamés et sans pitié. Obsessionnel, Brooks se refuse à soulager le lecteur d’un clin d’oeil entendu, genre « ne vous en faites pas, tout ça c’est pour de faux », et pousse au contraire l’expérience : depuis la parution de son Guide de survie en territoire zombie, en 2003 (lire encadré), il sillonne les Etats-Unis pour donner des conférences très sérieuses sur la meilleure manière de résister à l’invasion des goules. Son site internet propose même une application iPhone : le parfait « outil de détection des zombies », qui permet de « scanner vos amis et voisins pour évaluer le niveau d’infection ».
Tordant les codes d’un des sujets fétiches et un peu éculé de la série B (voire Z), Brooks réinvente le livre de zombies et relance ainsi le genre, actualisant le modèle avec un parti pris audacieux : l’absence de héros. Cassetête pour les scénaristes recrutés par la société de production de Brad Pitt, qui a racheté les droits du livre pour un million de dollars en 2010 : il leur a fallu créer de toutes pièces un personnage de sauveur, et surtout trouver la lumière au bout du tunnel (ou son équivalent hollywoodien : la fin ouverte sur une suite potentielle en cas de succès au box-office).
En effet, on ne déflore aucunement le roman en révélant qu’il ne s’achève pas par une victoire écrasante du Bien sur le Mal. Dans le monde de Max Brooks, on ne vainc pas ses morts, de la même manière que dans la vie on ne vainc pas ses peurs. On apprend à vivre avec. Et c’est déjà pas mal.
Clémentine Goldszal
World War Z (Le Livre de poche), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Patrick Imbert, 535 pages, 7,60 €
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