Grant Morrison, la superstar écossaise sort chez DC Comics, maison de Batman et Superman, une nouvelle aventure de Wonder Woman, dessinée par le canadien Yannick Paquette. Une équipe talentueuse, un projet plein de promesses…
On l’a vue dans le dernier Batman V Superman. Wonder Woman, jouée par Gal Gadot a littéralement déchiré l’écran, rehaussant par sa seule présence et son charisme le niveau d’un film à bout de souffle dès le départ. L’héroïne aura dû attendre de très longues années avant de pouvoir prétendre à une apparition sur grand écran. Pourtant le personnage a colonisé les esprits avec l’apparition de la série télé dans les années 70. Une version iconique, haute en couleur, punchy et explosive interprétée par l’extraordinaire Lynda Carter, qui a façonné notre façon de voir l’héroïne pendant de très nombreuses années.
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Un auteur habitué à revisiter les personnages connus
Dans Wonder Woman : Earth One, Grant Morrison s’est attaché à délivrer sa version de la princesse guerrière. Star de DC Comics, Morrison a notamment redonné vie à Animal Man, contant des histoires aussi tordues qu’excitantes. Plus récemment, on l’a vu prendre en main l’univers de Batman, remettant à jour toute la mythologie du protecteur de Gotham City, en ajoutant des éléments mystiques et psychologiques, opérant un vrai travail de conservateur pour remettre au goût du jour d’anciens arcs narratifs de ces 70 dernières années.
Il a voulu appliquer le même traitement à Wonder Woman, accompagné de Yannick Paquette, dessinateur de la maison qui s’est entre autres occupé de Swamp Thing et de ses marécages. Ils opèrent à la fois un retour en arrière, et une réactualisation du personnage de Wonder Woman. « Earth One » est en effet un label de DC Comics dans lequel les héros se montrent sous des versions plus jeunes, plus dynamiques mais aussi plus sombres. Dans ces aventures, leurs origines, si elles sont semblables en surface à ce que l’on a connu par le passé, diffèrent en certains points.
J’ai enfin fini Wonder Woman Earth One et c’était incroyablement bien, et beau. pic.twitter.com/QGe4bFXZyZ
— Emmanuel Peudon (@EmmanuelPeudon) April 23, 2016
Une société matriarcale misandre
Wonder Woman est ainsi placée dans un contexte moderne, avec une origin story différente. Il est toujours question de l’isolation des Amazones suite à la confrontation entre Hercule et leur reine, mais avec un détail qui change tout: Hyppolita, la monarque, a décapité le demi-dieu. La nouvelle société amazone ne sera donc pas dans une position défensive, presque craintive vis-à-vis de la société patriarcale, mais dans un isolationnisme agressif. Il n’est plus question de sauver l’humanité. L’homme ayant perverti le monde, mieux vaut s’en tenir le plus loin possible.
On se retrouve donc face à une nouvelle nation, une nouvelle Amazonie, extrêmement misandre, queer et adepte du bondage. On retrouve en fait là une des racines du personnage de Wonder Woman. Son créateur, le psychologue William Moulton Marston estimait que les femmes étaient supérieures aux hommes et devaient donc mener la vie sexuelle et amoureuse du couple, ce qui transparaissait dans les premières apparitions de l’héroïne. Dans cette nouvelle aventure, on retrouve tout un tas d’éléments allant dans ce sens, comme les chaînes qui entravent les mouvements de la protagoniste ou le collier en cuir qu’elle offre à l’un de ses compagnons.
Wonder Woman: Earth One is a tone deaf, throwback written like a telenovela. And pretty damn misogynistic. pic.twitter.com/VfEBr6P8lr
— Charles (@oscharles) April 16, 2016
Grant Morrison joue avec des objets apparus à de très nombreuses reprises dans les aventures de Wonder Woman, comme le rayon violet qui permet de tout soigner ou l’avion invisible de l’héroïne, qui, ici, ressemble à un sexe féminin. L’élément perturbateur qui amène Wonder Woman à s’aventurer sur Terre reste Steve Trevor, mais elle ne tombe pas amoureuse de lui, et se sert de cette opportunité pour fuir une société qui l’étouffe.
https://twitter.com/Xeutrope/status/721037497791311873
Des corps trop difformes pour les amazones ?
Globalement, ce Wonder Woman Earth One laisse une drôle d’impression, pas nécessairement très positive. L’idée de faire des amazones un peuple lesbien détestant les hommes est un choix intéressant parfaitement défendable. Cependant, au fur et à mesure du livre, une sorte de malaise se dégage de certains comportements ou réflexions qu’ont les femmes-guerrières, principalement à destination des femmes humaines dont le corps serait « difforme« . L’un des personnages désamorce la chose, mais on peut se demander ce qui a poussé Grant Morrison à écrire ces dialogues.
Cette impression est renforcée par le dessin de Yannick Paquette, superbe, mais qui joue à plein avec les codes classiques du dessin de super-héros. Toutes les amazones sont dessinées selon des canons de beauté très classiques: grandes, belles, élancées et dotées de formes avantageuses. Grant Morrison dédie cette histoire à toutes les Wonder Women, mais il y a ici une certaine contradiction entre la volonté manifeste de faire une aventure féministe avec une représentation de la féminité qui n’est pas forcément très inclusive, réaliste ou diverse.
Wonder Woman: Earth One feels otherworldly. Doesn’t resemble any recent versions of the character. Art is amazing. pic.twitter.com/o9XAlvgvdE
— Samuel Roberts (@SamuelWRoberts) April 12, 2016
Finalement décevante
Pour réinventer Wonder Woman, Grant Morrison s’empare d’idées prometteuses mais n’en fait, au final, pas grand chose. Tout semble trop artificiel, les enchaînements dans les séquences sont trop maladroits. L’attente était grande pour cette aventure de Wonder Woman, et le casting laissait présager le meilleur, mais cette aventure de Wonder Woman est en définitive une bande dessinée assez bancale. Dommage.
Disponible pour l’instant uniquement en anglais, il sera traduit et publié par Urban Comics en 2017, peu avant la sortie du film dédié à l’héroïne.
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