Après plus de dix ans d’absence, l’Américaine Jamaica Kincaid revient avec un roman rageur sur les déchirements d’un couple. Inégal.
Voyons voir la chère Mrs. Sweet, qui habitait avec son mari Mr. Sweet et leurs deux enfants (…), dans un petit village de Nouvelle-Angleterre.” Telle est la première phrase du nouveau roman de Jamaica Kincaid.
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Plus de dix ans que l’écrivaine américaine née à Antigua n’avait pas écrit de livre. Seize ans depuis que Mon frère a été couronné du prix Fémina étranger, vingt depuis la parution d’Autobiographie de ma mère (que les Editions de l’Olivier ressortent ce mois-ci dans leur collection Replay).
Un mari mesquin et pathétique
Tout ce temps pour finalement livrer un roman de deux cents pages qui aurait sans doute gagné en force s’il avait été amputé de moitié. Voyons voir est donc l’histoire d’un couple, la “chère Mrs.”, ”l’affreux Mr.”, et leurs deux rejetons, “le jeune Heracles” et “la belle Perséphone”.
Mrs. Sweet (l’avatar évident de Kincaid) est une mère dévouée et une épouse aimante, délaissée par un mari mesquin et pathétique, prof libidineux, compositeur raté, snob déclassé. Cela vous semble schématique ?
Digressions surréalistes
C’est hélas tout le problème de ce roman en forme de litanie, où la détestation de soi le dispute à la haine de l’autre. Sans dialogues, au fil de phrases qui se déroulent et s’enroulent souvent sur plus d’une page, Jamaica Kincaid s’égare en digressions surréalistes et passe étrangement à côté du fiel de son sujet.
Ce serait simplement dommage si certains passages puissamment lucides ne laissaient entrevoir ce que ce roman aurait pu être : l’autopsie d’un mariage mais surtout la réécriture des jours heureux à la lumière d’une fin sordide.
Le temps qui passe
Car comme le laisse deviner le titre anglais (See Now Then), Voyons voir se veut une réflexion sur le temps qui passe. “Le présent immédiat est toujours incomplet (…) car il transforme le passé en ce qui adviendra”, écrit Kincaid à l’avant-dernière page du livre, laissant entrevoir toutes les potentialités de ce récit.
On enrage alors contre cette pauvre Mrs. (trop) Sweet qui n’a pas su éveiller notre compassion.
Voyons voir (Editions de l’Olivier), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso, 208 pages, 21 €
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