L’auteur retrace son enfance et son adolescence en familles d’accueil d’un trait vif dans un récit où perce l’humour.
Contributeur de nombreux fanzines, Siris est une figure de la bande dessinée québécoise. Il a mis une dizaine d’années à réaliser ce copieux roman graphique, Vogue la valise, récit de son enfance-adolescence, dont La Pastèque publie aujourd’hui l’intégrale. On y découvre La Poule, petit dernier d’une famille de cinq enfants.
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Son père, alcoolique, est incapable de garder un travail. Sa mère est complètement dépassée. Les services sociaux ne tardent pas à placer les enfants un par un dans des foyers d’accueil, malgré les efforts de leur mère pour les garder.
Siris se décrit avec honnêteté et montre toute sa fragilité
La Poule est balloté de familles en orphelinat, avant d’atterrir chez les Troublant, un couple avec un garçon de son âge, chez qui il passera une bonne dizaine d’années, jusqu’à ses 18 ans. La Poule, enfant gentil et perdu, va devoir s’adapter à cette famille antipathique qui le traite en larbin et en souffre-douleur.
Siris raconte ces terribles années de façon extrêmement pudique. Avec candeur, simplicité et des mises en scène sobres, il dépeint les brimades infligées par ses camarades d’école, les incessantes corvées à la maison, l’insensibilité de la famille d’accueil (qu’il dessine avec un loup noir sur les yeux, soulignant leur côté malfaisant) et les décès de proches.
Siris ne cherche pas à apitoyer. Il se décrit avec honnêteté, sans essayer de se montrer sous un jour positif. On le voit ainsi soumis, résigné, jamais rebelle (il ne partira d’ailleurs pas de lui-même de chez les Troublant, mais sera mis à la porte pour avoir enfin osé élever la voix) et doté d’une grande résilience. La façon dont il se dessine, avec une tête de poussin, montre toute sa fragilité d’alors, à la fois vilain petit canard et oisillon égaré.
Echapper au quotidien grâce au dessin
Vogue la valise, malgré la dureté du propos, n’est jamais triste ou larmoyant, encore moins revanchard. Car ce passé, Siris le relate avec humour et vivacité, d’un trait alerte, proche des comix underground US des seventies. Il ne fait jamais preuve d’aigreur, souligne les moments de joie comme les retrouvailles épisodiques avec sa mère et ses frère et sœurs.
Il montre comment il arrive à s’échapper de l’horrible quotidien, grâce au dessin qu’il pratique depuis toujours, grâce à la lecture de BD, grâce à ses amis qui, une fois ado, lui feront découvrir la musique et l’initieront aux techniques de la bande dessinée – deux passions salvatrices qui lui permettront de se construire dans cet environnement hostile. Exercice cathartique et témoignage poignant mais plein de recul, Vogue la valise bouleverse mais rassure : Siris a fait la paix avec ce passé douloureux.
Vogue la valise (La Pastèque), 352 p., 25 €
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