Des individus tentent d’exister dans un futur aseptisé, mais les écrans les emprisonnent. Une nouvelle réussite pour Elsa Boyer.
Aux Etats-Unis, Walla Walla est une ville située à 500 km à l’est de Seattle, connue pour son vin et ses oignons doux. En France, “wallah” est une expression familière issue de l’arabe – qu’on pourrait traduire par “sur ma foi” ou “grands dieux” –, et “walla”, le passé simple à la troisième personne du singulier du verbe “waller”, de l’anglais “wall”, qui dans certains jeux vidéo signifie “construire un mur”. En Israël, Walla ! est un fournisseur d’accès à internet installé à Tel Aviv.
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On pourrait sans nul doute chercher ainsi à l’infini de nouvelles significations à travers le monde, et chacune rajouterait une épaisseur à ce curieux titre, Walla Walla. Et c’est bien ainsi que le travail d’Elsa Boyer fonctionne, comme une accumulation d’images qui, entre virtuel et réel, se superposent pour donner naissance à toujours plus de sens.
L’auteure a imaginé quelques personnages – Lauren, Matt, Janet, Gail – et, comme dans un jeu vidéo, les a plongés dans des scènes déstabilisantes. Ils évoluent dans un monde légèrement différent du nôtre où la technologie a tout avalé. Pourtant, rien n’a vraiment changé. A Walla Walla, Lauren s’ennuie avec son mari, Matt, dans une maison que Gail, la mère de Matt, a construite pour eux sur ses terres. Janet présente le journal télévisé sur une chaîne locale alors qu’un prêtre prend le pouvoir dans la ville.
Le talent de l’auteure de l’ouvrage Neko Café (2016) est d’avoir su poser des problématiques intemporelles dans le monde aseptisé qu’elle a construit et de les conjuguer avec la grande angoisse d’aujourd’hui : le devenir de l’individu dans un monde ultra connecté. Comme dans ses précédents romans, elle ne donne pas dans la psychologie, préférant décrire de façon factuelle les réactions et les pensées de ses personnages, dans une narration au présent qui se pare des artifices d’un récit objectif. Boyer se garde aussi de se laisser emporter par son imagination, et crée un univers très stylisé, minimaliste, dont elle ne livre que quelques détails. Glaçants.
Walla Walla (P.O.L), 192 p., 16 €
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