Des pom-pom girls garces et sexy, une coach manipulatrice et des rivalités sanglantes : le nouveau polar de l’Américaine Megan Abbott est d’une irrésistible perversité.
Leurs queues de cheval lustrées se balancent au rythme de leur démarche chaloupée. A chaque pas, les minijupes laissent entrevoir un peu plus de chair douce et ferme, le haut de leurs cuisses fuselées. Reines du lycée, les pom-pom girls promènent leur présence sexy dans les séries télé et les teen-movies. Un peu moins dans la littérature. La romancière américaine Megan Abbott, 42 ans, répare cette injustice. L’écrivaine, qui s’est imposée comme l’une des nouvelles voix du hardboiled avec des polars vénéneux tels Adieu Gloria ou Envoûtée, remet les cheerleaders au centre du jeu dans son dernier livre au titre alléchant, Vilaines filles. Sous les paillettes se cachent de vraies petites garces, des allumeuses dopées aux amphétamines et aux prémix. La plus redoutable d’entre elles se prénomme Beth, la capitaine de l’équipe, « alpha bitch » jusqu’au bout de ses ongles vernis. A ses côtés et toujours dans son ombre, sa lieutenante et « soeur de sang », Addy, la narratrice. Leur règne se trouve menacé par l’arrivée d’une nouvelle coach, la trop parfaite Colette French.
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Des chutes, du sang et des dents qui sautent
« A-t-elle vu qu’elle pouvait nous construire, en plongeant ses mains dans nos entrailles étincelantes et déterminées, pour faire de nous de magnifiques gladiateurs adolescents ? », s’interroge Addy. French veut pousser les pom-pom girls au-delà de leurs limites ; elle les exhorte à s’affamer, à exécuter des figures toujours plus risquées. Il y a des chutes, du sang et des dents qui sautent comme dans Fight Club. Mais les filles – Addy, la première – sont fascinées par leur nouvelle entraîneuse. Détrônée, Beth cherche à faire vaciller la coach en découvrant les failles de cette mère et épouse modèle. L’occasion lui est servie sur un plateau lorsqu’elle surprend Colette French dans les bras de son amant, le sergent Will, recruteur pour l’armée. Les petites rivalités mesquines vont bientôt prendre un tour sanglant.
L’intrigue s’échafaude comme une de ces pyramides humaines qui font la gloire des cheerleaders. Abbott empile les fausses pistes et les effets de surprise, de manière parfois un peu trop appuyée. Mais c’est son sens du détail qui fait toute la différence, sa façon de saisir les gestes et les pensées des jeunes filles, leur rapport ambivalent au corps et à la sexualité. Megan Abbott instille un trouble érotique à chaque page, avec quelques mots seulement : l’évocation d’une culotte zébrée qui dépasse du pantalon de yoga, la description d’une séance de massage entre Beth et Addy. « Il y a quelque chose de dangereux dans l’ennui des adolescentes », dit la coach. Quelque chose de mortifère aussi que Megan Abbott, dont les influences sont clairement à chercher du côté du Virgin Suicides de Jeffrey Eugenides, capte à la perfection. On succombe fatalement au charme vicieux de ces Vilaines filles.
Elisabeth Philippe
Vilaines filles (JC Lattès), traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean Esch, 350 pages, 20,90 €
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