Christine Montalbetti reconstitue la dernière mission de la navette Atlantis de l’intérieur. L’espace mode d’emploi, comme si vous y étiez : épatant.
D’octobre 1985 à juillet 2011, la navette spatiale américaine Atlantis fit très bien son boulot de navette : 33 missions, 307 jours dans l’espace et 202 673 974 kilomètres parcourus ! Ce n’est pas comme ces saloperies de Challenger ou Columbia qui, pour l’une, explosa au décollage (janvier 1986), pour l’autre, se désintégra lors de son retour sur la Terre (février 2003).
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Cela étant, ces deux tragédies pyrotechniques eurentla vertu de rappeler le prodige de ce qui était devenu, croyait-on, une banalité : la conquête de l’espace dans des conditions alliant souvent la très haute technologie et le franc bidouillage.
L’écho de Sandra Bullock dans Gravity
Instruisant par le menu détail le dernier vol de la navette Atlantis, Christine Montalbetti relance elle aussi la part de suspense, bien que l’on sache à part soi, comme un flingage de l’incertain, que tout s’est très bien terminé pour Atlantis et ses quatre astronautes, qui, après leurs treize jours de mission, revinrent gentiment sur la terre ferme.
L’organisation fictionnelle de l’intranquillité tient à la qualité organique du récit, mené du point de vue des astronautes, que bientôt on n’appelle plus que Rex, Doug, Fergie et, tiens, une femme, Sandra, qui, astronaute oblige, fait songer à une autre Sandra, Sandra Bullock, incarnation mémorable d’une paumée de l’espace dans le film Gravity d’Alfonso Cuarón.
Soucis psychologiques, ravissements existentiels, “comportements secrets, difficilement justifiables et vaguement honteux”, du décollage qui plaque les intestins dans la boîte crânienne jusqu’aux effets comiques de l’impesanteur, tout est dit de cet étonnant métier consistant à s’envoyer en l’air à bord d’un suppositoire de 77 tonnes et 17 mètres de hauteur, propulsé en quelques minutes jusqu’à la vitesse de 28 000 kilomètres/heure.
Des moins que rien qui informent de l’origine de la vie
“Comme si on y était” est la formule de circonstance. Mais pas que. Le récit très documenté gagne ses galons de roman quand il diverge de son gros sujet apparent, semble même s’égarer, telle la boule d’un flipper déréglé qui finirait par jouer seule sa partie. Ce ne sont pas tant des digressions que des échappées belles.
Il est ainsi question du temps où les heures sont tantôt “de gentilles choses molles”, tantôt “des arêtes aiguës” ; de la gestation de la narratrice dans le ventre de sa mère ; de palmiers “qui ont l’air de hérons mouillés” ; de galet à faire ricocher “sur ses petites fesses de galet” ; ou des premières photographies de rue “où la durée d’exposition était si longue que les silhouettes en mouvement ne s’y imprimaient pas”. Et aussi, avec une insistance particulière, d’ultrasensibilité aux couleurs (corail, caramel, mimosa…).
Nous voilà criblés d’informations microscopiques comme nous traversent à chaque nanoseconde des trillions de neutrinos, ces particules produites par certains cataclysmes cosmiques. Chacune de ces particules infimes serait un messager potentiel transportant des informations sur son origine. En somme des moins que rien qui, telles “les petites choses” de Montalbetti, nous informent de l’origine de la vie.
La vie est faite de ces toutes petites choses (P.O.L), 336 pages, 17,50 €
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