A l’occasion de la parution de “Will”, récit autobiographique sur ses années de toxicomanie, nous avons donné rendez-vous à Will Self, écrivain culte britannique, sur Zoom pour un entretien long et libre.
A 59 ans, Will Self s’est replongé dans ses années de toxico dans un récit autobiographie, Will. Nous lui avons donc donné rendez-vous sur Zoom pour ce qui, au départ, devait être un court entretien sur ses références littéraires, musicales et cinématographiques cultes, et qui est finalement devenu un entretien long et libre sur ça, mais aussi sur plein d’autres choses : ses trips sous acides, comment la drogue permet de gérer l’anxiété de la vie, ce qui le réconforte, sa vision de la littérature contemporaine, son admiration pour Dostoïevski, et l’incapacité du cinéma – selon lui – à retranscrire les effets des drogues. Extraits :
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“Les hallucinations que j’ai eues avec des drogues psychédéliques étaient extrêmes. Des trucs comme l’intérieur de la flèche d’une église striée de bouches hurlantes. Ou une vision d’une procession que j’ai eue un jour à New-York, terrifiante. Une sorte de fanfare, descendant Broadway, avant que je ne réalise que ce sont des squelettes, avec la peau pourrissant sur eux, jouant des instruments faits d’os, avec des bouts de viscères, de chair humaine. Un truc plutôt perturbant qui te fait te questionner sur ta santé mentale.”
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“Il y a d’extraordinaires morceaux de musique sur la drogue. Tout le champ musical est en accord avec l’expérience, la sous-culture, avec l’idée d’un langage secret que d’autres ne comprennent pas. C’est la jeunesse contre la vieillesse, une rébellion contre la conformité. Il y a des morceaux qui capturent individuellement l’expérience de drogues mieux que des livres ou des films… Waiting for the man du Velvet Underground par exemple est parfait. C’est exactement ça. Tu sais, comme nous lisions Junky, nous sommes devenus des junkies, nous écoutions Waiting for the man et nous attendions le dealer.”
“Mon problème c’est que j’ai expérimenté mais je suis devenu accro donc j’ai continué à expérimenter. Je ne peux pas prétendre le contraire. Je suis un écrivain de la drogue, pas de doute. Ça a eu un effet profond sur moi. J’étais accro à l’héroïne à 17 ans. Je prenais toutes ces drogues dans ma jeunesse et ça a continué jusqu’à la fin de ma trentaine. Ça a duré 20 ans. Il n’y avait pas de limites. Mais c’est partiellement un choix. C’est comme ces cours d’écriture créative aux États-Unis : je pense que tu dois écrire sur ce que tu connais. Au-delà d’un certain point, quand quelque chose t’a philosophiquement influencé, a émotionnellement determiné la structure de ta vie, a socialement altéré ta vie – car j’ai eu des problèmes avec la police quand jetais jeune, ce qui a fait que je ne pouvais pas avoir de carrière professionnelle. J’étais déjà en dehors de la loi. Bien sûr que ça m’a affecté, mais je n’ai pas voulu en tirer un récit de rémission embrasser l’idée de devenir ‘straight’… Je ne pouvais pas faire ce genre de merde.”
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