Le journaliste argentin Miguel Prenz exhume les luttes d’ego et de pouvoir qui entourent la découverte du plus grand dinosaure carnivore du monde. Le T. Rex n’a qu’à bien se tenir.
Brisons l’omerta : oui, la taille, ça compte. Surtout en matière de paléontologie. En 1993, alors que le monde entier est frappé d’une dino-mania sans précédent avec la sortie de Jurassic Park, un jeune mécanicien argentin passe ses week-ends à explorer le désert de Patagonie à la recherche de fossiles. Il faut dire que la région, à l’extrême ouest du pays, est un véritable cimetière de dinosaures à ciel ouvert. La terre promise des wannabe Indiana Jones.
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Et le nôtre, qui s’appelle Rubén Carolini, va un jour tomber sur un os. Un tibia pour être précis. De 1,10 mètre de long. Soit 28 centimètres de plus que le tibia du plus grand carnivore du monde recensé jusqu’alors : le célèbre Tyrannosaurus rex, star tout en dents du film de Spielberg.
Objet de toutes les convoitises
La découverte du mécanicien va faire l’effet d’une bombe dans le petit monde de l’ossement. Car ce fossile va permettre de reconstituer le squelette du Giganotosaurus carolinii, le nouveau plus grand dinosaure carnivore de la planète. Un trésor vecteur de gloire et de richesse et donc objet de toutes les convoitises.
L’auteur qui a passé plusieurs mois sur place s’applique à en exhumer les enjeux et les acteurs
Au-delà de l’effet délicieusement régressif de nous replonger dans l’univers des dinosaures, héros de nos jeux d’enfant dont les seuls noms sonnent déjà comme des formules magiques mystérieuses (Argentinosaurus huinculensis, Patagonykus puertai) qui suffisent à stimuler l’imagination, La Guerre des dinosaures est une enquête bien ancrée dans son époque. Car cette « guerre » qu’évoque le titre de ce premier livre traduit du journaliste argentin Miguel Prenz n’a rien de fictif. Elle est commerciale et politique.
Perfidie et trahison
Dans cette région sinistrée de la Patagonie, frappée par une violente crise économique à l’aube des années 1990, la découverte des fossiles millénaires est d’abord un business lucratif. Et l’auteur qui a passé plusieurs mois sur place s’applique à en exhumer les enjeux et les acteurs. Scientifiques, politiques, directeurs de musée et acteurs du tourisme local : tous s’écharpent dans cette ruée vers l’os.
Les luttes de pouvoir, d’ego et de gros sous n’interdisent aucune ruse, perfidie et trahison. Et sous couvert de nous parler de gros lézards d’un autre temps, ce sont les rouages d’un capitalisme féroce que met au jour Miguel Prenz. Un autre genre de monstre prédateur, mais qui lui ne semble pas vraiment menacé d’extinction.
La Guerre des dinosaures de Miguel Prenz (Marchialy), traduit de l’espagnol (Argentine) par Cyril Gay, 224 p., 19 €
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