Avec “La Malédiction du pétrole”, Jean-Pierre Pécau et Fred Blanchard rappellent le rôle dramatique joué par le pétrole, depuis sa découverte, dans les grandes crises internationales.
En 1872, à Bakou, le Suédois Robert Nobel – frère d’Alfred, l’inventeur de la dynamite – tombe sur une substance noire encore peu connue, le pétrole. Très vite, lui et sa fratrie voient les bénéfices qu’ils peuvent en tirer et passent à l’action. Ils font construire un pipeline et un navire pour le transporter, embauchent des cosaques et des mercenaires qui “vident leurs querelles dans des duels d’honneur… pas si éloignés de ceux du Far West américain”. L’analogie avec le western pourrait laisser penser que tout ceci est de la fiction, d’autant qu’ici les aventuriers, chanceux ou illuminés, se bousculent.
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Le récit précis de Jean-Pierre Pécau et Fred Blanchard a pourtant une valeur documentaire. Sur un ton légèrement cynique, il montre comment, depuis le XIXe siècle, le pétrole écrit en sous-main l’histoire de l’humanité à l’encre rouge sang.
“Toute la Seconde Guerre mondiale peut être expliquée par le pétrole”, écrit Pécau en légende d’une case représentant un amas de têtes de mort, motif graphique utilisé plusieurs fois pour ponctuer d’une mélodie lugubre cette sombre ruée vers l’or noir.
Hydre à sept têtes
Plutôt que d’accompagner platement les récitatifs au risque d’être redondant, Blanchard a pris le parti de livrer des images choquantes et épurées, parfois à la limite de l’abstraction. S’inspirant entre autres de Tomi Ungerer, Hans Ruedi Giger ou Jean Giraud – au début du livre, il présente ses “excuses” pour ces emprunts à une liste de peintres et dessinateurs –, il apporte à la démonstration du scénariste une dimension fantasmatique et symbolique.
Une monstrueuse hydre à sept têtes incarne ainsi les Sept Sœurs, ces compagnies pétrolières qui ont longtemps dominé le marché mondial. Un troll géant coiffé d’un casque à pointe et des créatures hybrides peuplent cette Malédiction au même titre que John Davison Rockefeller – le “Méphistophélès de Cleveland” –, Joseph Staline, Winston Churchill ou Richard Nixon. Alors que le pétrole demeure la première source d’énergie dans le monde, cette BD passionnante et glaçante remet tout en perspective.
La Malédiction du pétrole (Delcourt), 112p., 17,50€. Disponible en version numérique
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