Obtenir un diplôme d’assistante sociale lui a permis de quitter le Rwanda et d’échapper au génocide des Tutsis. Dans un récit autobiographique, drôle et émouvant, Scholastique Mukasonga raconte l’exil et le pays qui l’a vue naître.
A l’heure où des migrants africains meurent en nombre en Méditerranée, un livre vient rappeler concrètement ce que signifie s’enfuir de son pays natal. Scholastique Mukasonga, révélée au grand public en décrochant le Renaudot en 2012 avec Notre-Dame du Nil, publie un texte autobiographique où elle raconte les mille et un obstacles qu’elle a dû franchir pour passer, puis faire reconnaître son diplôme d’assistante sociale obtenu au Burundi où elle était réfugiée.
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Un document ardemment désiré, conquis et préservé comme une identité qu’elle a cherché à protéger dans la bousculade. Elle rend ici hommage à ses parents qui ont pensé très tôt qu’être diplômée lui permettrait d’échapper à une mort programmée.
Toute sa famille est assassinée lors du génocide des Tutsis
Ils ne s’étaient pas trompés. La romancière a perdu toute sa famille restée au Rwanda, lors du génocide des Tutsis, en 1994. Elle-même avait depuis longtemps quitté le pays. Aujourd’hui, elle se souvient du Burundi, qu’elle avait rejoint dans les années 1970 pour étudier, où elle a reçu son diplôme, mais pas de poste du fait de sa condition de réfugiée. A force d’opiniâtreté, elle a réussi à travailler pour l’Unicef.
Il lui a été impossible de faire reconnaître son titre à Djibouti où elle s’était installée avec son mari, puis en France où elle vit depuis le début des années 1990. Un diplôme burundais ne bénéficiant d’aucune équivalence, Scholastique Mukasonga est retournée à l’école pour pouvoir, enfin, exercer son métier.
Les crimes engendrés par la période coloniale
Le procédé littéraire est judicieux. En se focalisant sur un aspect de sa vie de réfugiée, la romancière nous permet d’approcher une réalité terrible sans s’appesantir, balayant les années dans un récit limpide, souvent drôle – par exemple, quand elle décrit la rigidité de l’institution religieuse où elle était interne –, puis de plus en plus émouvant, jusqu’au retour au Rwanda après le génocide.
Mais Scholastique Mukasonga ne se limite pas à son autobiographie. Elle décortique l’histoire de son pays, dénonce le rôle joué par les missionnaires catholiques et rappelle les crimes engendrés par la période coloniale. Elle trouve aussi les mots justes pour décrire la communauté rwandaise réfugiée au Burundi, les mères courage et les pères de famille réduits à la mendicité qui en viennent “à regretter d’avoir choisi l’exil plutôt que la mort”.
Un si beau diplôme ! (Gallimard), 192 p., 18 €
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