A la fin de l’ère victorienne dans Journal d’un homme sans importance, George et Weedon Grossmith métamorphose le quotidien spectaculairement dénué d’intérêt de petits-bourgeois bêtas en matériau comique réjouissant.
Heureuse nouvelle ! Un trésor méconnu de la littérature anglo-déconnante vient d’être traduit : Journal d’un homme sans importance de George et Weedon Grossmith, frères-amis qui furent fameux en Grande-Bretagne à la fin du XIXe siècle pour avoir collaboré à diverses facéties, du vaudeville à la comédie musicale.
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Aux commandes de ce vrai-faux journal intime, Charles Pooter, petit-bourgeois employé à la City et récent propriétaire des Lauriers, une maisonnette de la banlieue londonienne.
Un sensationnel imbécile ce Pooter, bien marié à Carrie, une formidable idiote, et fatalement père d’un passionnant crétin prénommé Lupin. Oui, Lupin ! Plus leur domestique, Sarah, qui elle n’a pas inventé l’eau chaude dont on fait les meilleures tasses de thé.
Hisser une absence totale d’intérêt
Comme une fanfare déglinguée, le clan Pooter, augmenté des quelques “chers amis”, va hisser son absence totale d’intérêt (le “sans importance” du titre) au sommet d’une opérette palpitante où la terrible obsession de repeindre la baignoire (en rouge) le dispute aux tourments d’un décrottoir à chaussures qui, à l’entrée de service (la porte principale étant définitivement coincée), s’ingénie à faire trébucher les visiteurs.
Autrement dit : “Il y a toujours quelque chose à faire dans un pavillon : un store à réparer, un tapis à reclouer, un éventail à accrocher – toutes choses que je peux faire la pipe à la bouche.” Que de soucis !
Sans parler du drame d’un impossible raccord de peinture (chocolat) sur les marches de l’escalier. En fait, c’est compliqué d’être simple.“La sonnette du salon ne fonctionne pas, et celle de la porte d’entrée sonne dans la chambre à coucher de la bonne, ce qui est ridicule.”
Des catastrophes mortifiantes
Pourtant, en date du 23 août, Charles Pooter jubile : “J’ai acheté une paire de têtes de cerf en plâtre marron qui iront très bien dans notre petit vestibule.”
Mais le 8 février, il est atterré : “Je n’arrive toujours pas à trouver de bonnes saucisses pour le petit déjeuner.” “Rien ne vaut son chez-soi !” c’est le slogan de Charles.
Il n’a pas tort quand chaque excursion hors du sweet home, notamment à un bal donné par le maire de Londres, se solde par des catastrophes mortifiantes.
Evelyn Waugh, expert s’il en est, déclara que Journal d’un homme sans importance était “le livre le plus drôle du monde”.
Peut-être pas du monde, mais pas loin. George Orwell, plus politique sans renoncer à l’humour, écrivit : “Charles Pooter est un véritable Anglais, autant par sa gentillesse innée que par sa stupidité impénétrable.”
Journal d’un homme sans importance (Les Editions Noir sur Blanc), traduit de l’anglais et préfacé par Gérard Joulié, 224 p., 22 €
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