Le jeune Max de Radiguès signe un polar nerveux et tendu sans jamais se perdre dans son décor, les Etats-Unis.
Alors qu’une jeune femme (May) commande des tacos, un homme croit la reconnaître ; elle l’éconduit pour rejoindre le motel où l’attend son fils (Eugene), et donne aussitôt le signal du départ. C’est presque par effraction qu’on entre dans ce récit, qui dose avec malice, tension, urgence et attente.
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Pour un auteur européen, situer l’action d’un polar en Amérique du Nord, ce gigantesque terreau de roman et cinéma noirs, se révèle souvent aussi casse-gueule que tenter d’attraper un taureau au lasso. De l’histoire créée, il peut se dégager une odeur de pastiche mielleux, de remake trop cuit ou cuisiné avec les mauvais ingrédients, ou d’exercice de style un peu artificiel.
Un hommage aux lectures qui l’ont inspiré
Ce n’est pas le cas ici. Comme certaines œuvres signées par d’autres fins connaisseurs des Etats-Unis (Ted Benoît et Loustal en tête), la musique à la fois entêtante et nerveuse de Bâtard sonne juste, de l’introduction jusqu’à la conclusion. Un tour de force !
En préambule, le jeune dessinateur belge Max de Radiguès rend hommage aux lectures qui l’ont inspiré (Jim Harrison, Richard Ford, etc.) et mentionne un road-trip dans le sud des USA. Ce voyage a sans doute constitué la meilleure des documentations, car jamais on ne le sent perdu dans un décor a priori trop vaste pour lui.
Vif et tourné vers la narration, son graphisme ligne claire rend crédible, avec peu de traits, les moindres enseignes, fusillades ou expressions du visage. Un sacré atout quand il s’agit de raconter une histoire aussi dense, riche en émotions et retournements.
Un film des frères Coen sans la neige
Publié à l’origine en fanzine (Radiguès participe à la maison d’édition L’Employé du Moi), Bâtard ne manque pas d’ambition, réservant autant de place aux affrontements entre gangsters, qui lui servent de moteur narratif, qu’aux rapports entre May et Eugene.
Si la référence à Tarantino paraît un peu facile, on rapprochera cet objet pensé avec soin – son format poche le fait ressembler à un roman policier – d’un film des frères Coen, sans la neige. Espérons que Radiguès – qui touche aussi à la BD jeunesse ou à la biographie (Weegee) – ait bientôt envie de repartir.
Bâtard (Casterman), 192 pages, 13 €
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