Avec “Tunnels”, l’Israélienne Rutu Modan investit l’archéologie pour un récit d’aventure où l’humour sert d’arme de réconciliation.
L’Arche de l’alliance – selon la Bible, un coffre abritant les tables de la Loi – était au centre de l’intrigue du premier film de Steven Spielberg autour d’Indiana Jones. Quarante ans plus tard, ce mythe exerce toujours le même pouvoir de fascination, en partie aussi parce que l’on a perdu sa trace depuis très longtemps. Rutu Modan, elle, imagine l’Arche enfouie quelque part sous la frontière entre Israël et la Palestine, ce qui va, forcément, occasionner des frictions…
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Son héroïne, Nili, fille d’un célèbre archéologue, poursuit la quête paternelle et se lance à sa recherche. Elle s’entoure alors de colons illuminés et finit par croiser lors de ses fouilles deux Palestiniens… également en train de creuser. Les coups de théâtre donnent lieu à des quiproquos et des échanges musclés mais, jamais, ça ne dégénère vraiment.
Servi par la ligne claire élastique de Rutu Modan, cette héritière de Joost Swarte, Tunnels a les allures et le souffle de l’aventure. Mais le véritable but de la dessinatrice israélienne semble être, en investissant le domaine de l’archéologie, de raconter une farce politique contemporaine.
Travaillant littéralement comme une metteuse en scène, elle parvient à rendre toute cette troupe d’hurluberlus la plus expressive possible
Les inimitiés séculaires entre les peuples, les guerres de religion, le fanatisme ? Elle dédramatise tout avec son goût pour le burlesque et les gags loufoques. On assiste ainsi à des discussions théologiques qui feront même rire les athées comme celle, hilarante, sur l’interdiction ou non du trempage de vaisselle en plein shabbat.
Pour habiter cette tragicomédie rythmée, Modan dispose d’une galerie étendue de personnages bien campés – de Doc, l’enfant de Nili, obsédé par les jeux sur smartphone, à Ringo et Zingo, deux clowns prétendument adeptes de Daesh. Travaillant littéralement comme une metteuse en scène, elle parvient à rendre toute cette troupe d’hurluberlus la plus expressive possible. Elle a, en effet, fait répéter de vrai·es acteur·trices afin qu’il·elles prennent la pose pour elle (voir sur son compte Instagram des posts de février 2019), ce qui donne à Tunnels une réjouissante dimension de théâtre de papier.
Tunnels (Actes Sud BD), traduit de l’hébreu par Rosie Pinhas-Delpuech, 288p., 25 €
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