Une vie d’homme racontée par les siens pour construire un portrait de la jeunesse en Suède. Un subtil échafaudage monté par Jonas Hassen Khemiri.
Samuel s’est-il suicidé ? Un écrivain mène l’enquête auprès des proches du jeune homme. Se répondent ainsi les récits de Vandad, son colocataire, Panthère, sa copine de toujours, Laïde qui l’a aimé, ou encore sa mère.
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Le système narratif est efficace et remarquablement utilisé par le Suédois Jonas Hassen Khemiri, romancier mais aussi homme de théâtre, ce qui peut expliquer sa faculté à mettre en scène les différentes voix en donnant à chacune une tonalité, un rythme, une couleur.
Un échafaudage périlleux mais maîtrisé
En outre, l’auteur sait ménager des incertitudes liées au procédé littéraire lui-même. Les faits évoqués sont connus des protagonistes, mais pas du lecteur qui découvre, recoupe, émet des hypothèses, car certaines révélations sont contradictoires et des éléments ne sont pas entièrement dévoilés ; ce qui contribue à faire de ce texte un échafaudage périlleux mais maîtrisé.
Toute la vie de Samuel nous apparaît dans le désordre, de son amour récent pour Laïde jusqu’à son équipe de basket au lycée, de son étrange inadaptation sociale à ses problèmes familiaux. Au fil des pages, naît un personnage attachant et malheureux, qui dit beaucoup des problèmes complexes que rencontrent les jeunes adultes aujourd’hui.
L’auteur interroge la place accordée aux descendants d’immigrés
Comme l’auteur, Samuel a une mère suédoise et un père étranger ; Vandad et Panthère sont des enfants d’immigrés ; Laïde est traductrice de l’arabe et s’occupe de sans-papiers. C’est la Suède vue par leurs yeux que Khemiri nous montre. Comme dans J’appelle mes frères, traduit en français en 2014, il interroge la place accordée aux descendants d’immigrés dans la société suédoise et les problématiques d’appartenance, à une classe sociale ou à une communauté.
Mais dans ce livre, c’est aussi la simple vie d’un homme qui se déroule, dans sa banalité et sa singularité, ses non-dits, ses lâchetés et la tendresse désespérée que Samuel portait à sa grand-mère malade. L’écrivain, qui mène l’enquête, reste en retrait jusqu’aux toutes dernières pages du livre. Alors, le texte de Khemiri devient une réflexion originale sur la relation qu’un auteur entretient avec son sujet.
Tout ce dont je ne me souviens pas de Jonas Hassen Khemiri (Actes Sud), traduit du suédois par Marianne Ségol-Samoy, 336 pages, 22,50 €
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