Il avait révolutionné les règles du journalisme, autant que celles de la littérature. Certains le considéraient l’un des plus grands auteurs américains du XXe siècle. Tom Wolfe est mort ce lundi, à New York. Il avait 87 ans.
Considéré comme l’un des inventeurs du « nouveau journalisme », l’auteur du Bûcher des Vanités n’était pas destiné à devenir écrivain. Né à Richmond, Virginie, en 1930, d’un père agronome et d’une mère paysagiste, c’est le base-ball plus que les livres qui le passionne dès l’enfance. Véritable star locale du lancer de balle dans sa région, il fera même un bref séjour dans la grande équipe des New York Giants, pour en être viré au bout de trois jours. Un échec qui explique en partie sa décision de se lancer dans une carrière de journaliste, en tant que responsable des pages sport du journal de l’université de Washington dans un premier temps. Sur les conseils de son professeur d’anthropologie, il décide de se lancer dans une thèse à Yale. Son thème de recherche, les organisations communistes chez les écrivains américains des années trente, est à l’image de son œuvre à venir : provocateur, génial, à contre-courant. Des auteurs comme Malcom Cowley, James T.Farrell, qu’il héroïse comme les superhéros d’une ligue. Jugée bien trop subjective, loufoque, la thèse sera, dans un premier temps, rejetée par son université, avant qu’il ne la réécrive avec la rigueur scientifique requise.
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C’est vers le journalisme politique qu’il se tourne après l’université, entrant en 1959 au Washington Post. Son rédac’ chef se dit sidéré par son désintérêt total pour les affaires de la capitale, auxquelles il préfère les petites histoires des bleds de l’Americana profonde. Son style s’affirme comme un mélange de subjectivisme revendiqué, d’humour provocateur et de je m’en foutisme vis à vis de toutes les règles et convention du métier. Néanmoins brillants, ses articles se font vite remarquer et le jeune Wolfe gagne au bout de deux ans le prix de la Newspaper guild pour un reportage aussi profond qu’hilarant à Cuba (1961). Il écrit alors pas mal sur ce qu’on appellera bientôt la contre-culture : courses de bagnoles, surfeurs californiens, casinos de Vegas. C’est ainsi qu’il invente peu à peu, sans s’en rendre vraiment compte, les principes de ce Nouveau Journalisme qui fera bientôt école. Souvent rapproché du gonzo journalisme d’Hunther Thompson, qui se devait de toujours vivre, expérimenter ce sur quoi il écrivait ou encore de Truman Capote, le style Wolfe est surtout saccadé, bariolé, bigarré. « Hyperréaliste« , aimait-il dire. Il écrivait ses articles scène par scène, comme un roman, toujours à la première personne, « pour que tout soit vu par les yeux des protagonistes et non celui du journaliste ». Et affirmait à tous les littéraires qu’il rencontrait que le reportage avait remplacé la littérature…jusqu’à ce qu’il se mette à écrire des romans.
Un « écrivain de style… néo-prétentieux«
Si son chef d’œuvre le plus connu reste le Bucher des Vanités, porté à l’écran par Brian de Palma, on citera aussi, parmi ses quinze livres au succès planétaire, Acid Test, et bien sûr L’étoffe des héros, sur la conquête spatiale. Tom Wolfe surfait avec insolence de succès en succès, chaque publication d’un nouveau roman constituant un petit événement. Les derniers en date penchaient plutôt vers la satire sociale, exercice auquel il excellait, moquant avec truculence ses concitoyens, des riches collectionneurs d’art de Miami (Bloody Miami) aux bien-pensants intellectuels de l’université (Moi, Charlotte Simmons). Il avait aussi développé ce don particulier pour repérer des tendances et leur donner des noms. Certaines d’entre elles, comme « radical chic » ou la « décennie du moi » (« the me Decade« ) sont devenues des idiomes de la langue américaine.
Dans l’un de ces déclarations fracassantes dont il était friand, Tom Wolfe se définit un jour comme un « écrivain de style… néo-prétentieux« . Un pur dandy à l’américaine, qui aimait comme Oscar Wilde que la vie copie l’art, et mettait autant d’efforts dans ses textes que dans son apparence, ce costume trois pièces d’un blanc impeccable, ce chapeau et ces chaussures parfaitement cirées qu’il portait chaque jour de la semaine. « Il est probablement le plus doué des écrivains américains », écrivit à son sujet William F. Buckley, Jr. dans la National Review, « Je veux dire par là qu’il peut faire plus de choses avec les mots que qui que ce soit ».
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