Docteur en économie et membre des Economistes Atterrés, Thomas Porcher s’attaque dans son « Traité d’Economie Hérétique » au discours économique dominant instauré par les libéraux et dans lequel s’inscrit la politique d’Emmanuel Macron.
Dans un petit café à quelques mètres du campus de Tolbiac, occupé par les étudiants qui protestent contre la nouvelle forme de sélection mise en place à l’université par Emmanuel Macron, Thomas Porcher salue l’ensemble du personnel avec le sourire, un exemplaire de son livre sous le bras. L’économiste, professeur et membre des Économistes Atterrés, vient de publier un Traité d’économie hérétique dans lequel il souhaite combattre le discours dominant en économie. Un discours libéral, au service de la casse du service public, et qui tente de masquer les affres de la mondialisation, dénonce-t-il. Entretien.
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Qu’est-ce qu’un hérétique en économie ?
Thomas Porcher – Un hérétique, c’est quelqu’un qui soutient des opinions contraires à celles considérées comme vraies par un groupe déterminé. Un hérétique en économie est contre la pensée dominante qui est libérale. C’est Keynes qui a utilisé ce terme dans son livre La Pauvreté dans l’abondance. C’est pour ça que je cite une petite phrase de Keynes au début du livre, et que j’ai repris l’expression dans le titre comme un clin d’œil.
Dans votre livre, il y a une vraie traque des éléments de langage qu’on répète en boucle quand on parle d’économie, et qui sont présentés comme des vérités alors qu’elles n’en sont pas. C’est un peu une chasse à la fake news, non ?
C’est un peu vrai, oui. Le but, c’était de réarmer le citoyen, et de lui faire comprendre qu’il n’y a pas qu’une seule voie en économie. Aujourd’hui, on lui impose tout un tas d’épouvantails pour limiter le cadre autorisé de réflexion, pour réduire les termes du débat et ne laisser qu’une seule voie envisageable. Dans mon livre, j’ai voulu montrer que toutes ces limites sont des épouvantails, et qu’il faut en débattre pour ouvrir le champ des possibles. Dire par exemple que la dette est un poids pour les générations futures, et que par conséquent nous devons renoncer à investir dans nos services publics est parfaitement faux. La dette ne nous empêche pas d’investir et elle n’est d’ailleurs pas si problématique que cela, parce qu’on a un patrimoine public important et que les taux d’intérêt sont faibles.
Aujourd’hui, quel est le cadre de ce discours dominant duquel il ne faut pas déborder ?
On a eu des cadres différents dans l’histoire économique. L’économie d’aujourd’hui ne fonctionne pas du tout comme entre 1950 et 1970, ni comme au début du siècle. A un moment, vous avez des rapports de force qui arrivent à définir un mode de régulation de l’économie, puis les crises chamboulent les cartes et replacent les rapports de force. Dans les années 80, après les crises pétrolières, c’est le modèle Thatcher/Reagan libéral qui a gagné. Mais ce qui est inquiétant aujourd’hui, c’est qu’après la crise de 2008, qui est une crise de ce capitalisme libéral, il n’y a pas eu cette remise en cause du cadre. On a été encore plus loin dans la logique libérale.
Comment ça se fait ?
Si vous tentez de sortir de ce cadre et que vous proposez autre chose, comme une relance de l’investissement public dans les hôpitaux, les crèches ou la transition énergétique, donc des investissements utiles pour tous, on va vous dire « Ah non, ce n’est pas possible. Là vous êtes un utopiste« . Le problème aujourd’hui est qu’il y a eu un véritable coup de force de certains économistes orthodoxes pour écraser les hétérodoxes. L’an dernier, le livre de Cahuc et Zylberberg (Le Négationnisme économique. Et comment s’en débarrasser, ndlr) a franchi un cap en accusant certains économistes de négationnisme économique.
« En réalité, il faut challenger constamment la connaissance économique, et faire de même avec les réformes qu’on vous propose. Sur ce dernier point, c’est au citoyen de le faire. »
On ne peut pas sans cesse accepter de voir son niveau de vie diminuer, d’avoir moins de retraites, moins de vacances, tout en travaillant plus, parce qu’on considère qu’il n’y a pas d’autre avenir possible. Le citoyen doit refuser cette fatalité, et opposer des arguments alternatifs. Tenir le rapport de force est le meilleur moyen de faire bouger les lignes.
Les médias ont-ils une responsabilité dans l’installation de ce cadre de pensée ? Dans le choix de leurs intervenants pour parler d’économie ?
C’est très difficile à dire. Moi par exemple, je n’ai jamais de problème à défendre mes idées dans les médias. Je pense que pendant très longtemps, une partie des économistes hétérodoxes ont refusé de jouer le jeu des médias, notamment dans les formats courts ou les débats, mais ce n’est plus le cas maintenant. Par exemple, les Economistes atterrés sont souvent invités dans les médias et c’est une bonne nouvelle pour la pluralité des points de vue. Après, beaucoup de personnes font des chroniques d’économie sans jamais avoir étudié l’économie, ils ont souvent une vision déformée de la science économique et offre une caisse de résonance au discours mainstream. Vous pourrez leur expliquer par A plus B que la dette n’est pas un problème ou la flexibilité du marché du travail n’est pas la solution miracle, ils auront du mal à l’entendre. Mais c’est pareil avec un citoyen lambda. Parce que ça fait 30 ans qu’on lui bourre le crâne avec ça.
C’est même quelque chose qu’on enseigne dans les premiers cours d’économie, au lycée…
Exactement. Il y a même eu un très gros scandale en 2014, à cause d’un sujet du bac qui était « À quels risques économiques peuvent s’exposer les pays qui mènent une politique protectionniste ?« . D’un point de vue historique, ce sujet est scandaleux ! Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont été très protectionnistes, ils se sont développés. La Corée du Sud, la Chine, idem. Je l’explique dans le livre. Et avancer ça, c’est mentir sur l’histoire économique. Et ça prouve qu’en économie, en dehors de la sphère médiatique dont on vient de parler, vous avez d’abord une sphère d’économistes orthodoxes qui ont défendu un modèle et qui ont réussi à l’imposer.
« Quand Les Echos titre que les économistes découvrent les effets négatifs du libre-échange, c’est faux. Ce sont plutôt Les Echos qui découvre les effets négatifs du libre-échange. »
Par exemple, Les Echos publient la semaine dernière un article « Les économistes découvrent les dégâts du libre-échange« , comme quoi les effets du libre-échange ne seraient pas si positifs que ça. C’est vrai qu’il y a beaucoup d’économistes qui ont défendu le libre-échange, et qui ont eu des pages pleines dans Les Echos. Mais depuis le début, vous avez des tas d’économistes qui pointaient les effets pervers du libre-échange. Et ces économistes n’ont jamais eu de tribune pour débattre.
Donc ce contre-discours a quand même du mal à exister dans les médias…
Le débat existe depuis longtemps, mais il aurait en fait fallu que ce débat soit posé et traité de manière équitable entre les deux parties. Et c’est souvent ça le problème aujourd’hui. Vous avez dans la tête de beaucoup de personnes un discours qui est beaucoup plus sérieux que l’autre. C’est ça qui est dommage. Des sujets comme le libre-échange, la dette, la baisse de la dépense publique, mériteraient des débats équitables. Alors que souvent on catalogue d’un côté les rêveurs, et ceux qui détiennent un pouvoir soi-disant scientifique de l’autre. Ce qui est faux.
Le programme d’Emmanuel Macron s’inscrit complètement dans cette idéologie dominante, ce n’est pas près de changer non ?
Moi ce qui m’étonne surtout, avec le programme d’Emmanuel Macron, c’est que personne ne lui a posé les bonnes questions. Il savait que son programme était dur. C’est un programme libéral dans la lignée de la Commission européenne. C’est pour cela qu’Emmanuel Macron n’a proposé ce programme que fin février, dans une interview dans Les Echos. Avant, il n’avait pas de programme. Et il était déjà numéro 1 ou 2 dans les sondages. Quand il a présenté son programme, avec 60 milliards d’économies sur la dépense publique, 25 milliards sur la sphère sociale avec l’assurance maladie, personne ne lui a posé les vraies questions. On coupe où ? Qu’est-ce qu’on économise ? Quels médicaments, quelles prestations ne vont plus être remboursés ? Comment fait-on 15 milliards d’économies ? Alors les soutiens de Macron essayaient de dire « oui, on va mieux organiser« . Mais on peut prétendre qu’une meilleure organisation peut faire gagner 1 ou 2 milliards, pas 15 milliards !
« Même si le programme d’Emmanuel Macron était soutenu par des économistes très brillants, il aurait mérité un vrai débat avec d’autres programmes. »
Quand il parle de 10 milliards d’économies sur l’assurance chômage alors qu’il veut étendre l’assurance chômage aux auto-entrepreneurs et aux démissionnaires, ça veut dire quoi ? Que les prestations seront moins longues ? Moins élevées ? Comme au Royaume-Uni, ou les prestations sont de 300/400 euros ? Personne ne lui a posé ces questions. C’est hallucinant. Vous avez vu le traitement qui a été fait ? Il y avait le programme sérieux, Macron, le programme sérieux mais trop dur, Fillon, et les programmes utopistes, Mélenchon et Hamon. Alors que Hamon avait Piketty, Mélenchon une centaine d’économistes d’institutions internationales qui l’ont soutenu. Tous les programmes étaient crédibles, en réalité. Et auraient mérité qu’on en discute sur un pied d’égalité, encore une fois.
Si ce discours et les actes profitent aux grands groupes et pas aux peuples et aux Etats, pourquoi les dirigeants continuent de les mettre en place ?
Mais moi aussi je me pose cette question. Vous savez, Emmanuel Macron a fait de très hautes études. Il a travaillé chez Rothschild. Dans sa vie, il a probablement rencontré plus de grands chefs d’entreprise que d’ouvriers. Comment a-t-il fait financer sa campagne ? S’il avait été voir des gens fortunés en annonçant qu’il allait augmenter les impôts sur les sociétés et taxer les hauts revenus, aurait-il eu des financements ?
« Vous avez à un moment une convergence d’intérêt, entre des gens qui se connaissent, ont fait les mêmes écoles, et se ressemblent. Ils sont donc beaucoup plus sensibles à discuter entre eux qu’avec les autres. »
Ces 30 dernières années, les 1% les plus riches ont vu leurs revenus moyens augmenter de 100%, alors que le reste de la population a vu son revenu augmenter seulement de 25%. C’est bien que grâce à des réglementations fiscales intéressantes, des exonérations, une petite partie de la population a réussi à capter la majorité des richesses. Et si les politiques ont permis ça, c’est qu’il y a, quelque part, une forme de connivence entre les politiques et les grands groupes.
Et les gens qui font ça ne se rendent pas compte des vies qu’ils détruisent ?
Il y a un peu de ça, sauf que maintenant tout est dit d’une autre façon. On dit qu’on va « flexibiliser le travail« . Mais on ne va jamais parler de la souffrance au travail. On a remplacé l’humain par un vocabulaire technique. On va dire aux gens « avec la mondialisation, nous devons augmenter notre compétitivité« , et derrière ces mots, il y a la compression des salaires, l’augmentation de la cadence et la souffrance au travail. Tout est caché derrière un langage technique, mais au final il y a une classe sociale qui en écrase une autre. La réalité c’est qu’il y a encore dans notre société des rapports de force très durs, et ces dernières années, ceux qui ont le plus profité de la mondialisation et de la redistribution, c’est cette petite frange de gens les plus riches.
https://www.youtube.com/watch?v=0Kb0veHvCRU
Ce discours dominant est composé de plusieurs blocs tous liés entre eux, mais qui sont plus ou moins contestés à différents niveaux. Quel est le point sur lequel il est le plus difficile de faire changer les gens d’avis ?
Je pense vraiment que c’est la dette publique. Ces dernières semaines, de Benjamin Griveaux à Bruno Le Maire, tous ont répété en boucle que la dette était de 2 200 milliards. Un chiffre énorme. Et donc que c’est un problème pour les générations futures. Alors tout le monde vous dit que c’est vrai. Sauf qu’on a déjà eu des dettes à 200% du PIB. La dette privée, des entreprises et des ménages, est beaucoup plus élevée que celle du public. 120% du PIB. Et personne ne s’en inquiète. Alors même que la crise de 2008 a été provoquée par un excès de cette dette privée.
Donc il y a bien une volonté de s’attaquer au service public. On peut expliquer et réexpliquer que la dette n’est pas un problème, mais quelque chose de normal dans toute économie, qu’un Etat, ce n’est pas un ménage, que ma dette personnelle par exemple est plus élevée que celle de l’Etat Français, que c’est idiot de comparer une dette qu’on peut rembourser sur plusieurs siècles avec un produit annuel… Malgré toutes ces explications, c’est difficile de convaincre.
Est-ce que c’est plus dur de porter ce discours sur la mondialisation, et la façon dont fonctionne l’Europe, depuis que le FN s’en est emparé ?
Ce qui s’est passé, ce n’est pas que le FN s’est emparé de ça. C’est qu’une grande partie de la gauche a laissé tomber ces thèmes. Les thèmes de la lutte contre la mondialisation, avec ses oubliés, du protectionnisme, des inégalités territoriales. Dès les années 80, avec le tournant de la rigueur, le PS a épousé l’économie de marché, le libre-échange et l’Europe libérale. On a été de plus en plus dans ce sens, avec Fabius, Delors ou Strauss-Khan, et Macron est en fait la suite logique de ce processus. Et donc au final, le FN a fait un score impressionnant à la dernière élection parce qu’il s’est emparé de ces thèmes-là, qu’une partie de la gauche a abandonnés.
« C’est en partie la faute d’une certaine gauche, qui aurait dû rester une gauche de combat, mais qui s’est fourvoyé dans l’acceptation du monde tel qu’il va et ne va pas. »
A un tel point qu’économiquement, Parti socialiste et UMP n’étaient plus si éloignés. Il n’y avait qu’une seule logique, le libéralisme. La différence était seulement dans l’ampleur des réformes. Tout ce beau monde a fini par communier dans un gigantesque parti qui est En Marche.
Aujourd’hui, on peut être un parti de gauche, et proposer des actions sans remettre ce cadre en cause ?
Non, je pense que maintenant, il faut arrêter. C’est le discours que les gens avaient il y a 10 ans. C’est ce qui a tué le PS. Parce que le gagnant, Emmanuel Macron, vient du PS, et il a été l’ultime preuve, en tant que ministre de l’Economie d’un gouvernement socialiste, que l’UMP et le PS pensaient finalement la même chose sur le plan économique. Entre un Bruno Le Maire, un Juppé ou un Macron, il n’y a pas de grosse différence. Et au final, je pense qu’avec ce qui se joue aujourd’hui, on va très loin dans la casse des services publics et la flexibilisation, on est obligé d’être une gauche dure. Si on est une gauche molle, on est foutu. Une gauche contre l’Europe telle qu’elle est aujourd’hui, contre la mondialisation comme elle fonctionne aujourd’hui, contre les traités de libre-échange, contre la casse des services publics. Une gauche molle, Macron fera un pas supplémentaire à gauche et l’absorbera.
Comment les économistes du discours dominant justifient-ils l’échec du modèle qu’ils défendent ?
Ce sont des gens qui vont vous dire « regardez, la pauvreté dans le monde a baissé« . Et c’est vrai, la pauvreté dans le monde a baissé, il y a moins de personnes qui vivent avec 1 dollar par jour, ils vivent maintenant avec deux ou trois dollars. Mais comparé à la richesse qui a été produite, on se rend compte qu’en la redistribuant plus équitablement, on aurait pu éradiquer la pauvreté.
« Pour éradiquer la pauvreté dans le monde, il faut 100 dollars par personne et par an d’investissements sociaux dans les pays pauvres. »
Comparé à la richesse qui a été créée, on aurait pu éradiquer très facilement la pauvreté si on le voulait. Et ça n’a pas été fait.
Qu’est-ce qui a fait bouger le cadre par le passé ? Et qu’est-ce qui fera bouger celui d’aujourd’hui ?
Ça s’est fait par différents moyens. Il y a eu les élections, comme Reagan et Thatcher, qui sont ceux qui ont impulsé ce capitalisme libéral. Et derrière ça, il y avait quand même des intérêts financiers très forts, qui n’arrivaient plus à faire de profits. Après la guerre en France, il y avait quand même un parti communiste très puissant, donc il fallait faire un capitalisme de la séduction face à l’URSS. Donc on a mis en place un capitalisme plus sympathique, redistributif, et les salaires ont augmenté. Je pensais que cette crise financière de 2008 allait rebattre les cartes.
« Les politiques font subir l’ajustement sur le citoyen en coupant dans les dépenses sociales… C’est révoltant.… Il faut donc que les citoyens reprennent la main, en exigeant et en pesant dans le rapport de force. »
Mais les politiques ont été très faibles, ils ont renfloué les banques et les grandes entreprises sans contreparties; les banques qui ont reçu de l’argent ont plus spéculé qu’investi dans l’économie réelle, le chômage a augmenté, 1,5 million de chômeurs en plus depuis 2008… Et aujourd’hui, on nous fait croire que le problème de la dette publique est dû à un excès de dépenses comme si la crise n’avait pas existé, que le chômage est dû à un manque de recherche des demandeurs d’emploi, et qu’il faudrait donc mieux contrôler les chômeurs.
Que faudrait-il faire selon vous ?
Ce qu’il faudrait faire, je le dis dans le livre, c’est de l’investissement public dans les crèches. Les hôpitaux. Dans une police qui pourrait nous protéger. Dans la transition énergétique. Prenons l’exemple de la rénovation des bâtiments. On s’est contenté de faire de l’incitation là-dessus, aujourd’hui ça coûte 10 000 euros pour rénover des fenêtres. Un montant trop élevé pour les ménages modestes malgré le crédit d’impôt. Et pourtant, le bâtiment représente 44% de la consommation d’énergie en France, donc si la lutte contre le réchauffement climatique est primordiale, si les aides ne sont pas suffisantes pour que les ménages réalisent ces travaux, pourquoi la force publique ne le fait pas ? Ces secteurs représentent des emplois qui ne sont pas délocalisables, et qui sont utiles pour tout le monde.
« Oui, l’investissement public, ça rapporte de l’argent et non, la dette ne nous empêche pas de le faire. C’est le but du livre. »
Moi j’ai eu la chance de trouver une crèche pour mes enfants. Mais tout le monde n’a pas cette chance. Comment on fait alors, un membre du couple ne travaille pas ? On commence à faire ce genre de calculs ? Souvent, c’est la femme qui se sacrifie. On empêche donc une femme de travailler ? Il faut remettre à niveau le modèle social, c’est utile, ça profite à tous et ce ne sont pas des emplois délocalisables. Et pour le faire, il faut casser des dogmes économiques.
On voit que le Portugal a réussi à relancer sa croissance en faisant tout l’inverse de ce que lui demandait Bruxelles. Est-ce qu’on doit s’inspirer du Portugal ?
Oui… Après, le modèle portugais, le modèle allemand… Ça m’énerve un peu parfois. Quand je suis né, il fallait être américain. Ensuite, tout le monde regardait le Royaume-Uni avec des yeux remplis d’étoiles entre 1990 et 2000. Puis le modèle allemand, puis maintenant avec Macron le modèle suédois un petit peu, puis on me parle du modèle portugais. Jamais la France n’a voulu être le modèle. Elle a toujours voulu s’inspirer des autres.
« En termes d’intelligence, il y a une forte défaillance de nos élites. Parce qu’ils regardent toujours ailleurs avant de voir les atouts de la France et de faire de la France un modèle à suivre. »
Alors là le Portugal a réussi à faire une alliance de la gauche, à casser la spirale de l’austérité, réinvestir dans leurs services publics, et ça a plutôt bien fonctionné alors qu’ils étaient en difficulté auparavant. Il y a des choses à prendre. Mais globalement, la France n’est pas le Portugal non plus. Plutôt que de s’inspirer du Portugal, la France qui est la deuxième puissance de la zone euro devrait entamer un bras de fer avec l’Allemagne pour réorienter la politique économique européenne.
Traité d’Economie Hérétique, de Thomas Porcher, paru chez Fayard le 14 mars 2018.
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