Portrait d’une anticonformiste fêtarde dans le New York arty des années 20 : un petit bijou vintage des fifties, signé Patrick Dennis, enfin réédité.
Dans la famille “personnages mythiques”, je demande Tante Mame. Elle a l’excentricité et le fume-cigarette de Holly Golightly, le compte en banque de Gatsby le Magnifique et le même penchant pour les frasques et l’alcool que Patsy, la blonde déjantée d’Ab Fab. En un mot, elle est irrésistible.
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Pourtant, les éditeurs n’étaient pas immédiatement tombés sous son charme. Le roman de l’Américain Patrick Dennis – – Everett Tanner III de son vrai nom – fut refusé une quinzaine de fois avant de devenir un best-seller en 1955. Livre culte des fifties, adapté au cinéma avec Rosalind Russell dans le rôle titre, et dans des comédies musicales à Broadway, Tante Mame a fini par tomber dans un relatif oubli, tout comme son auteur, reconverti en majordome à la fin de sa vie et disparu en 1976.
Aujourd’hui, ce petit bijou chic et vintage connaît de nouveau le succès, notamment en Italie. Réédité l’an dernier, le roman n’a pas quitté la liste des meilleures ventes pendant trois mois. Pour l’écrivain et critique italien Pietro Citati, une seule explication à cette “Mamemania” : le livre est à mourir de rire. D’une superficialité totalement assumée, Tante Mame s’inscrit dans la veine comique anglo-saxonne : situations invraisemblables, dialogues hilarants et un sens du rythme digne de Lubitsch.
L’héroïne fantasque, très largement inspirée par la propre tante de l’auteur, pourrait être une cousine éloignée de Bertie Wooster, l’aristocrate désoeuvré des romans de P. G.Wodehouse, toujours fourré dans des aventures impossibles. Mame évolue dans le New York intello et arty des années 20. Célibataire émancipée et noceuse (pour elle, “tôt le matin” signifie 11 heures), elle se voit confier la charge de son neveu Patrick, orphelin d’une dizaine d’années. S’ensuit une série d’épisodes désopilants, catastrophes en chaîne dont Mame se tire toujours avec panache.
Elle se met ainsi en tête de placer Patrick “chou chéri” dans une “nouvelle école divine, absolument mixte et complètement révolutionnaire” où tous les cours sont donnés nus, sous des rayons ultraviolets. L’expérience tourne au scandale.
“Ruinée” par la crise de 29, elle tient à trouver un travail alors que son CV se résume à quelques semaines comme effeuilleuse dans une revue. Elle s’essaie au journalisme, au théâtre, à la décoration d’intérieur et finit par vendre des patins à roulettes chez Macy’s. Chaque tentative se solde par un échec flamboyant.
Exubérante, sa vie est une perpétuelle représentation. Lorsqu’elle épouse un riche “Sudiste”, Mame se transforme en clone de Scarlett O’Hara. Plus tard, ses velléités littéraires lui font arborer le total look de l’écrivain maudit. Cougar avant l’heure, elle drague les amis d’université de Patrick et, pendant la Seconde Guerre mondiale, recueille six insupportables petits Anglais “qui auraient suffi à rendre Winston Churchill hitlérien”. Splendeurs et misères d’une anticonformiste délirante, Tante Mame n’a pas pris une ride et on rit de la première à la dernière page.
Tante Mame (Flammarion) de Patrick Dennis, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Alain Defossé, 350 pages, 21€
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