Avec son quatrième album en autant d’années, la surdouée américaine Tillie Walden emmène deux jeunes héroïnes dans un roadtrip onirique.
Tout va très vite avec Tillie Walden, jeune dessinatrice américaine de 23 ans qui ne veut pas perdre de temps. Un an à peine après Dans un rayon de soleil, envoûtante odyssée spatiale amoureuse, cette ennemie du surplace montre avec ce quatrième album traduit en langue française qu’elle n’a pas fini de nous épater.
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Loin des figures techniques et rigides de son remarqué coup d’essai, l’autobiographique Spinning (2017), racontant son adolescence consacrée au patinage artistique, Sur la route de West voit son style graphique gagner en nervosité et en relâchement, sans jamais perdre de vue l’intrigue originale qu’il sert fidèlement.
Même si, comme dans ses livres précédents, il s’agit avant tout d’un récit centré sur des femmes, Tillie Walden a une histoire unique à raconter. Elle établit ici l’itinéraire d’un roadtrip qui, de manière progressive et presque imperceptible, prend un virage fantastique jusqu’à provoquer un état de sidération mêlé à de l’enchantement. Sa narration hybride justifie d’ailleurs la présence, en préambule, de vers signés par la poétesse américaine Adrienne Rich – “(…) Toute carte est une fiction, tout voyageur arrive à une frontière distincte”.
Alors que la nuit est tombée, une jeune automobiliste croise dans une station-service une adolescente fugueuse et lui propose de l’accompagner. Lou et Béa se connaissent déjà un peu, n’ont pas le même âge mais, au fur et à mesure qu’elles se confient l’une à l’autre, découvrent qu’elles partagent un même besoin impérieux, celui de partir pour mieux oublier. Un chat perdu va leur fournir un prétexte bienvenu pour s’enfoncer plus loin dans un Texas biscornu, à la recherche de West, mystérieuse ville répertoriée sur aucune carte.
Jouant avec le noir nocturne, la lumière des phares ou les formes des nuages, Tillie Walden bâtit avec ses couleurs chaudes une ambiance imprévisible où, au fil des pages, la réalité semble avalée par un étrange vortex. Pour refléter l’irruption poétique de la magie dans la vie des deux héroïnes, la dessinatrice surdouée malmène les perspectives, utilise le découpage des cases comme une matière souple nécessaire à son art de prestidigitatrice.
Sur la route de West Tillie Walden (Gallimard Bande Dessinée), 312 p., 24,5 €, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Alice Marchand
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