Défoncé dans un loft de l’Upper East Side, hilare au bal de promo du lycée, néorévolutionnaire via les nouveaux médias : l’ado de 2010 squatte partout et dans tous les états. Suite de la série sur les mythologies contemporaines dans la littérature.
Comment se portent les kids d’aujourd’hui ? Omniprésents au cinéma et dans les séries depuis qu’ils ont été remis à l’honneur au début des années 2000 par des réalisateurs comme Gus Van Sant, Larry Clark ou Judd Apatow, les ados ont tardé à (re)devenir des créatures de papier.
{"type":"Pave-Haut2-Desktop"}
Très clairement, depuis Bret Easton Ellis et son tableau de la jeunesse viciée de L. A. dans Moins que zéro (dont la suite paraîtra en septembre dans un nouveau roman intitulé Suites impériales), les écrivains semblaient hésiter sur la méthode à employer pour cueillir cet animal sauvage. Car le teen ne se contente pas de changer “dans son corps”, de se voir pousser des poils et un cerveau, il se métamorphose aussi dans le temps – plus ou moins idéaliste, déprimé, solitaire, sexué, moderne.
Un roman sur la jeunesse riche et débauchée de Manhattan
Sans doute fallait-il donc qu’un kid lui-même prenne les choses en main : en 2002, Nick McDonell, 17 ans, le visage encore couvert d’acné, publie un roman stigmatisant la jeunesse riche et débauchée de Manhattan.
Les héros de Douze (l’adaptation ciné sortira en septembre, voir la bande annonce) ne dépareillent pas avec ceux, tout aussi vodkaïsés et stoned, mis en scène en 1986 par le “sale gosse” Ellis – même l’avènement du portable est relégué au statut d’attribut dérisoire. Ados sans rêves et sans idéaux, enfants d’un capitalisme gore, annihilés par la société de consommation : voilà à quoi ressemble peu ou prou l’adolescence postpunk type mise en scène par la littérature, et déclinée depuis peu par de jeunes auteurs de l’Hexagone (Alizé Meurisse, Sacha Sperling, etc.).
L’adolescence ultra rose de Carrie Bradshaw
Pas étonnant que cette veine très dépressive de la teen littérature ait eu besoin d’un expédient, d’un peu de strass et de sourires pour égayer “la vie des jeunes”. D’un univers ado ultra dark, on peut basculer dans un monde ultra rose, en ouvrant le dernier opus de Candace Bushnell : Le Journal de Carrie marche comme un prequel de Sex and the City, dans lequel la futur it-girl passe par tous les rites du lycée : maquillage, soirée pyjama, baiser avec la langue, marijuana, bal de promo, etc. Carrie et ses copines s’éclatent dans cette bonbonnière coupée du réel, où les petits chagrins ne peuvent rien contre le culte du loisir.
Entre une jeunesse certes cool, mais renvoyée à sa vacuité, et le retour en force du high school novel, saturé de caquetage hormonal, le kid pourrait bien être en passe d’avoir perdu sa langue. Ce serait sans compter l’émergence d’un nouveau profil ado, encore peu romancé : le cyber-geek. A l’inverse de son ancêtre (le geek puceau à lunettes traditionnel), ce nouveau spécimen est un animal hypersocial, pour lequel les nouvelles technologies permettent de renouer avec un discours sur le monde.
Gonflant, l’adolescent ?
Le teen redevient bavard, volubile et même un peu gonflant : voir le Kennedy junior de Pierre Mérot. Cette satire prend la forme du blog d’un ado de 13 ans cherchant à convertir ses parents altermondialistes au sarkozysme, quand il ne poste pas des vidéos de leurs ébats sur YouTube ou ne pratique pas le sexe virtuel sur Skype. Politisé, érudit, social, révolté, ce cyber-ado sait pourtant reconnaître d’où il vient : “Même si le fameux Holden Caulfield était un adolescent plus âgé que moi, à une époque préhistorique et non informatisée, j’avais vraiment l’impression de me retrouver là-dedans.”
{"type":"Banniere-Basse"}