Egaré dans sa propre vie, l’antihéros imaginé dans Sous le signe du corbeau par l’écrivain israélien Amir Gutfreund est hanté par son passé familial. Entre humour et tragédie.
“Qu’est-ce que tu fais de ta propre existence, hein ? De ton talent ? De toi ? Tu le fais exprès ou quoi ?” Elie s’énerve. Elie, à la vie parfaite, qui veille affectueusement sur son grand frère, perd parfois patience devant l’énigme qu’il représente : un homme brillant, inexplicablement cloué au sol par un désespoir diffus.
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Décédé prématurément en 2015, l’écrivain israélien Amir Gutfreund a souvent mis en scène des personnages en prise avec des secrets du passé. Notamment dans son premier roman, Les gens indispensables ne meurent jamais, qui avait obtenu le prix Sapir, l’équivalent du Goncourt en Israël.
Il racontait un jeune garçon qui, sondant les silences familiaux, faisait émerger des récits sur la Shoah. Sous le signe du corbeau, paru en 2013 et resté inédit en français, aborde de nouveau le thème des traumatismes qui hantent les personnages et ressurgissent inopinément. Grâce à une construction ingénieuse, ils font dans ce livre écho à la brutalité du monde actuel.
Car le roman empile époques, non-dits et épisodes violents qui immobilisent son héros anonyme. Sa compagne l’a quitté et il vient de se faire virer de la start-up qu’il avait fondée. Le jour où il apprend qu’une lycéenne a disparu, il se porte volontaire pour participer aux recherches, car la disparition d’êtres chers est une douleur qu’il connaît depuis toujours.
Au récit de ses souvenirs familiaux, Gutfreund juxtapose le portrait des différentes personnes qu’il croise et la description de son environnement professionnel, dressant une peinture politique de la société israélienne d’aujourd’hui.
Le personnage principal affronte, comme il peut, une avalanche de mystères et aggrave sa situation chaque fois qu’il cherche à en résoudre un. Des scènes angoissantes rythment ce livre qui pourrait être tragique. Pourtant, il est souvent farfelu, grâce aux conversations pleines d’autodérision entre cet antihéros et son jeune frère Elie, qui le connaît mieux que quiconque et qui tente jour après jour de le ramener à la vie.
Sous le signe du corbeau (Gallimard), traduit de l’hébreu par Katherine Werchowski, 304 p., 22 €
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