En pleine affaire Weinsten, Mathieu Deslandes découvre que son arrière-grand-mère a été violée en 1922. Ecrit avec Zineb Dryef, Soir de fête explore la notion de consentement et le poids du silence.
En octobre 2017, il se passe deux choses. A la suite de la publication des enquêtes dénonçant les agressions sexuelles ritualisées d’Harvey Weinstein, l’actrice Alyssa Milano lance sur Twitter le hashtag MeToo, encourageant les victimes de violences sexuelles et sexistes à témoigner en ligne, à poser des mots sur leurs traumatismes.
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Le poids des mots tus, le pouvoir des mots dits
Au même moment, en France, Mathieu Deslandes apprend de la bouche d’une grand-tante que son grand-père est né d’un viol. Jusque-là, il n’avait jamais entendu que l’expression “enfant naturel”. Curieux euphémisme…
Liant la grande histoire à la sienne, il comprend que la révolution qui s’esquisse sera aussi sémantique. Ancien journaliste à Libération et Rue89, il prend alors la plume pour dire le poids des mots tus, le pouvoir des mots dits.
Remontant le fil de ce secret de famille, Deslandes découvre que dans le petit village de Sougy dans le Loiret, où son aïeul vit le jour en 1923, trois autres enfants sont nés “de père inconnu”, à la même période. Soit exactement neuf mois après le bal musette de l’été 1922.
“On parle beaucoup de consentement en ce moment, ben je peux te dire qu’elles étaient pas consentantes” – grand-tante de Mathieu Deslandes
“Les gars avaient bu, ils s’en sont vantés, ils étaient tout fiers d’eux, se souvient la grand-tante. On parle beaucoup de consentement en ce moment, ben je peux te dire qu’elles étaient pas consentantes.” Cette fois, c’est dit. Il aura fallu près de cent ans.
Echos intimes et récit familial se mêlent
Texte hybride écrit à quatre mains par Deslandes et sa compagne et consœur Zineb Dryef, Soir de fête mêle échos intimes et récit familial pour retracer les destins frappés d’indignité d’Alice, de Marie et d’Olga, ces femmes dont on a étouffé les drames, dont on n’a jamais voulu dire qu’elles avaient été violées.
Déconstruisant les mécanismes de minimisation de ces traumatismes trop longtemps occultés par des formules hypocrites – “fille-mère”, “né de père inconnu”, “enfant naturel” –, le livre met en lumière un siècle de culture du viol en France et de domination sémantique masculiniste.
Car, en posant enfin les termes appropriés sur les crimes perpétrés cet été 1922 au son de l’accordéon, les auteurs font davantage que proposer une libération rétrospective de la parole. Ils offrent un nouveau récit à l’histoire. Un récit où la honte et la culpabilité ont changé de camp.
Soir de fête (Grasset), 240 p., 18 €
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