Dans leurs bandes dessinées, elles abordent le désir, la dépression, le corps ou la famille. Leurs voix sont inédites, il faut à tout prix les entendre.
Silki : Chocs de culture
Partie de la Corée, son pays natal, pour aller en école d’art en Inde avant de s’installer plus tard en France, la dessinatrice Silki a été confrontée aux malentendus et au racisme. Dans cette suite d’ “autofictions où le réel et l’imaginaire se mélangent sans complexe” (prévient-elle), elle se multiplie de manière impressionnante. Non seulement elle se représente sous forme d’humaine, d’alien ou d’animal mais elle bouleverse son graphisme d’une histoire à l’autre, minimaliste ici, impressionniste là, comme s’il y avait plusieurs autrices en elle. Ce qui, au final, n’est pas loin de la vérité.
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Malgré tout…je suis ici de Silki (l’Association), 168p., 22 €, traduction du coréen par Kette Amoruso, en librairie.
Zoe Thorogood : Autopsie in vivo
“Quel intérêt pour vous ? Absolument aucun. Fallait vous renseigner avant d’acheter !” Tout au long de It’s lonely at the centre of the Earth, Zoe Thorogood ne cesse de désamorcer avec humour tous les pièges – nombrilisme, complaisance – rencontrés dans l’exercice de l’autobiographie. Cette bande dessinée fulgurante et crève-cœur constitue le journal intime des six mois de 2021 où elle a été proche du gouffre. Personnalisant sa dépression en un monstre inquiétant, elle transcende ses idées noires et ses envies d’automutilation grâce à une inventivité bluffante. L’art lui sauve vraiment la vie.
It’s lonely at the centre of the Earth de Zoe Thorogood (Hi Comics), 200p., 27,95 €, traduction de l’anglais par Maxime Le Dain, en librairie
Marijpol : Une famille hors-norme
Petra, Ulla et Denise partagent plus qu’un appartement : ces colocataires revendiquent leur indépendance et un rapport singulier à leur corps. La première est bodybuildeuse, la deuxième, archéologue est littéralement une géante tandis que la dernière enseigne le yoga mais a aussi un bras-serpent. Pas tentées par la maternité, les trois amies viennent à s’occuper du sort de trois enfants abandonnés à leur sort… Avec son trait physique et ses magnifiques planches à l’effet pastel, l’autrice allemande Marijpol nous transporte dans une société à peine futuriste pour un récit tout en nuances et complexité. Un roman graphique étonnant.
La Harde de Marijpol (Atrabile), 360p., 29 €, traduction de l’allemand par Charlotte Fritsch, en librairie.
Dej JJ Lee : Un encouragement à la résilience
Deborah a peu d’ami·es au lycée, une mère qui se montre souvent violente à son égard et deux cultures – coréenne et américaine – qui s’entrechoquent. Elle apprend sans enthousiasme à jouer du violon alors que c’est dessiner qui la passionne. Conjuguant dans ses images douceur et crudité, poésie et rage, Deb JJ Lee revient sur son mal-être adolescent et ses tentatives de suicide. Dans ce premier livre déchirant et exutoire sur la quête d’identité et l’intégration, l’artiste américano-coréenne s’attaque au silence et aux non-dits, ces obstacles qui se présentent avant le passage à l’âge adulte.
In Limbo de Deb JJ Lee (Akileos), 352p., 35 €, traduction de l’anglais par Léana Félix, en librairie le 13 mars.
Marie Spénale : Remise en cause
C’est l’histoire d’un naufrage à l’origine d’une renaissance. Alors qu’elle était sur un bateau de croisière avec son mari, Annie se retrouve seule sur une île déserte. Enfin, pas totalement seule : au bout de quelques jours, elle aperçoit un mystérieux jeune homme, aussi beau que peu loquace. Avec son sens enchanteur des couleurs et ses compositions oniriques, Marie Spénale construit le décor parfait pour son drame sentimental. Loin de son couple, son héroïne fait le point sur sa vie tout en s’abandonnant à un désir nouveau et urgent. Très sensorielle et originale, cette BD est une révélation.
Il y a longtemps que je t’aime de Marie Spénale (Casterman), 128 p., 24 €, en librairie le 13 mars.
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