Echappée du duo hip-hop Orties, la primoromancière nous offre un texte moderne et dépouillé sur lequel plane l’ombre de Michel Houellebecq.
C’est un des trésors cachés de cette rentrée littéraire. Le premier roman d’Alexandra Dezzi, que vous avez connue sous un autre nom… Kincy. Ça, c’était l’époque où la très jeune Alexandra (elle a aujourd’hui 29 ans) officiait au sein du duo Orties avec sa sœur jumelle.
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Un duo qui, souvenez-vous, avait été convié par Michel Houellebecq himself à venir participer à son numéro red chef des Inrocks. C’était en 2016, et l’auteur des Particules élémentaires nous avait confié son admiration pour ces deux jeunes filles, qui ont tout simplement imaginé le titre de single le plus fulgurant des années 2010 : Plus putes que toutes les putes.
Alors que le projet Orties est en sommeil, Alexandra Dezzi, car elle a toujours été une grande lectrice, a décidé de se consacrer à l’écriture. Et coup de bol de la vie immobilière, son contact privilégié avec Houellebecq l’a conduite à occuper – pour cet exercice qui fut fort profitable, monsieur – le studio du XIIIe arrondissement de Paris dans lequel l’écrivain a écrit Soumission. Un endroit simple, fonctionnel, disposé pour l’écriture (une table qui surplombe Paris dans tous les sens du terme), duquel s’est donc échappé ce Silence, radieux.
L’histoire, c’est celle de Marie-Louise, jeune comédienne qui par ailleurs écrit, et ce dans l’appartement d’un grand écrivain français qui se nomme Michel Thomas. Le contexte : celui plutôt effrayant des attentats de 2015. Et bien sûr au milieu, comme toutes les histoires sont des histoires d’amour (c’est de Robert McLiam Wilson), une nouvelle rencontre avec Emmanuel, “un journaliste politique omniprésent dans les médias”, comme il y en a tant.
Une écriture aussi catchy que moderne et dépouillé
Ce premier livre d’Alexandra Dezzi est celui d’une jeune femme qui aurait découvert Duras en même temps que Booba, et qui ne cacherait pas son admiration pour le propriétaire de son appartement.
L’écriture est aussi catchy que moderne et dépouillée, et l’on s’engouffre avec allégresse dans les pas hésitants de Marie-Louise, personnage paumé et attachant, qui oscille entre une mère prénommée Biche, installée en proche banlieue, et une mamie sublime de 86 ans, Rose-Marie, dont le dernier mot sera “champagne”.
Ce qui transparaît aussi de Silence, radieux, c’est la joie avec laquelle la jeune auteure compose et traverse elle-même cette première tentative littéraire. A lire Dezzi, on a le sentiment de croiser le jeune Spiderman qui découvre ses superpouvoirs.
C’est enlevé, ludique, sexy et totalement réussi. On s’accroche à ce livre, et l’histoire compliquée qui le sous-tend se traverse de façon sereine. Ce n’est jamais trop, ce n’est jamais pas assez. Là où certains se regardent écrire, Alexandra Dezzi nous offre simplement sa jouissance de se voir devenir humblement écrivaine. Et puis, comme elle vient du rap, elle nous offre pour finir comme une sorte de featuring de celui qui lui aura prêté son antre, un sacré cadeau. Pierre Siankowski
Silence,radieux (Léo Scheer), 250 p., 18 €
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© Esteban Wautier
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