Attendus depuis des années, “Vivre la nuit, rêver le jour – Souvenir de Christophe” est désormais disponible, un an après la disparition de l’artiste au printemps 2020. Fidèle à sa réputation de conteur noctambule, le chanteur des “Mots bleus” pose les siens sur sa trajectoire improbable, enrichis d’un portfolio où il apparaît en sosie flagrant de James Dean.
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Un an déjà après la disparition de Christophe, ses mémoires paraissent enfin sous le beau titre de Vivre la nuit, rêver le jour. “Les mots simples sont si compliqués à dire. La pensée va souvent beaucoup trop vite pour être écrite. Les petits détails se lient dans ma tête et je ne ressens que les moments forts. J’ai eu l’impression d’écrire des souvenirs rares, magiques. Je voulais que cette autobiographie soit une correspondance avec moi-même”, écrit en avant-propos le chanteur noctambule aux “trous de mémoire”. Avant de confesser, dès le second chapitre : “Dans mes mémoires, il y a du vécu, du réel, du vrai, avec quelques mensonges pour le côté romancé. Le mensonge, c’est un peu ma vérité.”
“Tu peux écrire que Christophe ne prend jamais de vacances. Je travaille tous les jours de 18 h 30 jusqu’au petit matin, car le lever du soleil m’inspire autant que la nuit »
La lecture magnétique de Vivre la nuit, rêver le jour nous plonge dans les souvenirs elliptiques du “beau bizarre” de la chanson française, qui a laissé une œuvre majeure et sa voix, reconnaissable entre mille. Dans ce livre, on retrouve le ton et le phrasé de Christophe qui, un soir d’avril 2019 depuis son appartement du boulevard du Montparnasse, s’épanchait nuitamment : “Tu peux écrire que Christophe ne prend jamais de vacances. Je travaille tous les jours de 18 h 30 jusqu’au petit matin, car le lever du soleil m’inspire autant que la nuit. »
“La célébrité m’est tombée dessus, c’est peut-être pour cela que je la vis bien, mais elle n’a pas fait bouger ma route”
En une cinquantaine de courts chapitres chronologiquement désordonnés, écrits entre 2011 et 2012 et dont la parution était depuis sans cesse reportée, le natif de Juvisy-sur-Orge jette ses mots bleus sur sa trajectoire, son “identité musicale”, la célébrité, les tubes, les “paradis artificiels”, Elvis, Bashung, Motors (son label historique), Alan Vega, les voitures, la mer, le poker, son “âme collectionneuse”, sa fille Lucie et même ses “nuits au poste”. “La célébrité m’est tombée dessus, c’est peut-être pour cela que je la vis bien, mais elle n’a pas fait bouger ma route”, reconnaît l’ancien pilote et collectionneur d’une Ferrari Daytona, qui lui avait coûté définitivement son permis de conduire en 2000.
“Quand on est créateur, artiste, écrivain, il y a souvent plusieurs personnalités qui cohabitent en nous : chez moi, il y a Christophe et il y a Bevilacqua”
En évoquant quelques albums cultes, Christophe révèle qu’Aimer ce que nous sommes devait paraître sous son patronyme civil de Bevilacqua, qui lui avait déjà servi de titre pour son comeback discographique en 1996 : “Je m’appelle toujours Christophe. Tout le monde me connaît sous ce nom et ça fait gagner du temps. Quand on est créateur, artiste, écrivain, il y a souvent plusieurs personnalités qui cohabitent en nous : chez moi, il y a Christophe et il y a Bevilacqua. Christophe, c’est un dédoublement.”
“L’influence du cinéma et des émotions qu’il provoque sur mon écriture est miraculeuse, inexplicable”
Les références cinématographiques peuplent le récit de celui qui se voyait réalisateur plutôt que chanteur et qui possédait sa propre salle de projection, invitant notamment Patrick Dewaere et Patrick Bouchitey à regarder La Meilleure Façon de marcher (Claude Miller, 1976). “Chaque chanson pour moi est un court métrage. Je ne me considère pas comme un chanteur et, quand je fais un album, c’est un peu comme si je réalisais un film. […] L’influence du cinéma et des émotions qu’il provoque sur mon écriture est miraculeuse, inexplicable.” Ce n’est pas un hasard s’il cite Jean-Luc Godard dans son épigraphe : “Il faut confronter des images vagues avec des idées claires.” Au centre de l’ouvrage – à lire de nuit, évidemment –, un portfolio rassemble des photos de la collection personnelle de l’artiste, des “clichés d’amour” de Daniel Bevilacqua et quelques portraits mémorables de son double artistique Christophe rassemblés ici en avant-première.
“J’ai vécu dans deux maisons. Deux maisons séparées de quelques centaines de mètres. (…) J’aillais, mon Teppaz vert d’eau et beige et mes 45 tours sous le bras, du 30, avenue de la République, où vivaient mes parents, au 10, Grand-Rue, chez mes grands-parents.” Ici dans la cour de ses grands-parents, à Juvisy-sur-Orge, au début des années 1950
“C’est grâce à l’argent d’Aline que j’ai pu m’offrir ma première voiture, cette Austin Cooper S : jantes larges, arceau de sécurité, sièges-baquets. Mais un jour, au petit matin, je me rappelle avoir pris trop large dans le dernier virage et j’ai foncé dans le mur d’une maison.” Paris, 1965
“La fameuse Aline, elle s’appelait Aline Natanovitch et était apprentie assistante dentaire dans un cabinet à Montparnasse. Elle travaillait aussi au vestiaire de l’Orphéon Club, une boîte de Saint-Germain-des-Prés où je chantais. Nous nous sommes aimés pendant deux ans.” Septembre 1965, sur la plage de Juan-les-Pins
“Je possède des milliers de disques. J’ai à peu près tout Elvis, même si j’en ai planqué dans mes tiroirs pour pas qu’on m’les tire… Aujourd’hui, je cherche encore et toujours des 78 tours d’origine édités par Sun Records, mais c’est très rare.”
“En 1971, je suis parti en Angleterre avec mon premier synthétiseur, un ARP Odyssey, une machine biphonique assez magique dont je me sers toujours aujourd’hui. C’est comme ça que je me suis retrouvé aux studios Trident d’Elton John à enregistrer le titre Belle.”
“À sept ans, j’ai commencé l’équitation. J’ai immédiatement aimé les chevaux. (…) Je n’ai plus jamais quitté l’univers équestre.” Ici à Marrakech, à la fin des années 1970
“Y a plus de parties au compteur du flipper/Je regarde l’heure, j’ai peur/Juste un peu menteur.” Christophe chez lui à Paris, 26 juin 1980
Chez lui, en 2016
Vivre la nuit, rêver le jour – Souvenirs de Christophe (Denoël), 272 p., 21,90 €
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