Dans Sanction, son nouveau recueil de nouvelles, l’écrivain et avocat allemand Ferdinand von Schirach poursuit ses enquêtes littéraires sur la culpabilité, le pardon et la peine.
Ferdinand von Schirach est un écrivain allemand renommé. Il est aussi un avocat en droit criminel reconnu. Ses livres, ne serait-ce que par leurs titres, illustrent la porosité d’une sphère à l’autre : Crimes (2009), Coupables (2010) et Sanction (2018), aujourd’hui traduit. Dans la psyché historique, le patronyme de von Schirach évoque aussi, tragiquement, celui de Baldur von Schirach, dirigeant des Jeunesses hitlériennes dans l’Allemagne nazie.
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Ferdinand est son petit-fils. Il ne parle pas de culpabilité en héritage mais de responsabilité liée à son nom, qui l’a amené, entre autres, à financer des recherches sur les œuvres d’art spoliées par les nazis. Ses romans, la plupart recueils de nouvelles, sont à la croisée de la justice et de la littérature, comme si la littérature était pour lui une manière de rendre justice.
Les phrases brèves, les mots clairs
Chaque récit de Sanction est écrit comme les minutes d’un procès où figurent les habituels personnages : victimes, accusés, témoins, avocats, policiers, juges. La dramaturgie est propre à chaque cas : un petit homme ordinaire qui va conjurer son insignifiance en participant à un trafic de cocaïne ; une femme qui a défenestré son mari ; des adolescents qui ont lapidé un clochard. Les phrases sont brèves, les mots clairs et nets. Ainsi du dénouement de la nouvelle La Jurée : “On leva le mandat de dépôt contre l’accusé. Il fut libre. Quatre mois plus tard il frappa sa femme à la tête avec un marteau, elle mourut sur le trajet de l’hôpital.”
Cette limpidité de façade est ce qui trouble et inquiète le plus. Le style est celui d’un arrière-monde, proche de celui de certains films de Michael Haneke (Benny’s Video, Funny Games) que von Schirach admire : images de glace, histoires de feu. Sous le couvert d’une innocence présumée pour tous, rôde le tourment d’une angoisse transcendante : la peur d’exister. “Qu’importe que nous soyons pharmacien, menuisier ou écrivain. Les règles ne sont jamais tout à fait les mêmes, mais l’étrangeté demeure et la solitude, et tout le reste.” Qu’importe, dit-il ? Von Schirach est à coup sûr un écrivain important.
Sanction de Ferdinand von Schirach (Gallimard), traduit de l’allemand par Rose Labourie, 176 p., 16 €
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