Russell Banks a exploré les contrées du porno US pour pénétrer la zone du cybersex et des délinquants sexuels dans Lost Memory of Skin, un roman à paraître en 2012 en France.
Votre nouveau livre est présenté comme une réflexion sur la pornographie, et plus encore sur la nouvelle pornographie se développant sur internet. Pourquoi ce choix au départ ?
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Russell Banks – L’image et l’utilisation de la pornographie n’ont pas beaucoup changé depuis des millénaires, et ce malgré l’invention de la photographie et du cinéma. C’est essentiellement la représentation d’organes génitaux interférant avec des orifices, destinée à éveiller l’imagination masculine, concentrée autour de la puissance et de l’érotisme. Mais parce qu’internet est un système de distribution rapide, accessible, moins coûteux qu’aucun autre, la pornographie est devenue aussi accessible qu’un chewing-gum.
Je voulais examiner et dépeindre les effets de ce phénomène sur des personnes à la fois ordinaires et sexuellement paumées, et comprendre comment la pornographie dépersonnalise, marchandise et fétichise le corps humain, tant et si bien qu’à une image réelle se substitue l’image d’un produit que l’on peut conditionner, débiter de votre carte de crédit et consommer immédiatement.
L’univers actuel de la pornographie est-il profondément différent de ce qu’il était avant internet ?
Définitivement, oui. Il a été conçu pour une consommation instantanée à domicile. Le passage sur le net a rationalisé le contenu du porno, l’a intensifié et l’a rendu plus vulgaire et sans nuances. C’est du fast-food sexuel.
Etiez-vous un connaisseur de l’âge d’or du film porno ?
Je ne dirais pas connaisseur mais, bien sûr, je connaissais ces films et en ai vu certains. De manière générale, j’y voyais un intérêt sociologique bien plus qu’érotique. Après cette première vague grisante, la pornographie compta sur son caractère répétitif et prévisible – comme pour n’importe quelle autre drogue.
Considérez-vous la pornographie sur internet comme quelque chose d’addictif ?
C’est seulement dangereux pour les plus enclins d’entre nous à devenir dépendants. Et il est aussi facile de devenir accro à la pornographie que de devenir accro au jeu, pour à peu près les mêmes raisons. Les addictions sont dangereuses. Jouer aux cartes, à la roulette ou aux dés ne détruisent pas des vies mais elles en sont capables.
recueilli par Philippe Azoury
Lost Memory of Skin sortira en septembre 2011 aux Etats-Unis et au printemps 2012 en France, chez Actes Sud, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Margaux Opinel.
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