Dans son premier roman, la nouvelliste irlandaise donne une voix aux petites mains oubliées de l’atelier d’artistes d’Andy Warhol, à New York.
En 1968, Andy Warhol publie a, A novel, roman-fleuve unique en son genre qui retranscrit vingt-quatre heures de conversations ininterrompues avec l’une des stars de la Factory, Ondine. Il y raconte la drogue, les orgies, les fêtes qui durent des journées entières. Le nom de Warhol est le seul à figurer sur la couverture. Pourtant, le livre est le fruit du travail de femmes anonymes qui ont passé des jours à retranscrire de longs enregistrements en indiquant chaque soupir, chaque bruit de fond, chaque monologue mégalomaniaque.
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Dans son premier roman, Nicole Flattery donne un nom et une histoire à l’une de ces petites mains du monde de l’art, Mae, une adolescente pauvre de 17 ans qui arrête le lycée pour devenir une dactylo sous-payée au sein de la Factory. L’autrice analyse avec humour et minutie les rapports de pouvoir et de domination qui se jouent dans ce petit microcosme fermé, et démonte pièce par pièce le système de classe qui se met en place entre les mannequins, les acteur·rices, les secrétaires et Andy Warhol.
Flattery évite le piège d’un roman trop didactique, qui ne viserait qu’à réhabiliter les oubliées de l’histoire. Son récit est beaucoup plus complexe, notamment grâce à sa capacité – déjà présente dans son recueil de nouvelles Dans la joie et la bonne humeur – à inventer des personnages peu aimables, mal ajustés. Rien de spécial questionne bien évidemment l’invisibilisation de ces femmes, mais explore surtout l’ambition, la rivalité imposée par un monde compétitif, l’illusion du pouvoir et de la célébrité.
Comme d’autres de ses contemporaines, Flattery raconte dans ses écrits une forme de désillusion symptomatique de notre époque. Désillusion envers la figure de l’artiste et plus largement envers une société qui ne fait briller que quelques privilégié·es. Le quart d’heure de gloire warholien, sous sa plume, dit beaucoup de la mélancolie de nos sociétés contemporaines.
Rien de spécial de Nicole Flattery (Éditions de L’Olivier), traduit de l’anglais (Irlande) par Charlène Busalli, 304 p., 22,50 €. En librairie.
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