Après le succès des deux premiers volumes de L’Arabe du futur, Sattouf a choisi Esther, une fillette de 10 ans, comme héroïne de son nouvel ouvrage. Pour nous, il a choisi les femmes qui ont compté dans sa vie.
Irène Jacob, actrice
“J’ai découvert Irène Jacob dans les films de Kieslowski quand j’étais étudiant. Je les regardais en boucle, j’étais obsédé par La Double Vie de Véronique. Irène Jacob possède une beauté qui n’a pas d’égale, je trouve. C’est la plus belle actrice du monde (oui, c’est définitif). Quand je faisais le casting des Beaux Gosses, j’ai suggéré son nom pour la mère d’Aurore, sans croire que cela soit possible qu’elle daigne y porter le moindre intérêt.
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Le lendemain, j’étais dans un bar, elle m’attendait au comptoir avec une bière, et j’avais les jambes qui tremblaient. Elle a dit oui tout de suite. Le tournage a commencé par une séance photo avec elle, pour le faux catalogue de La Redoute. Elle était allongée sur le canapé devant moi. C’est pas incroyable ? J’ai posé avec elle en couve. Je garde cet exemplaire précieusement et je le regarde quand j’ai le blues. J’aimerais bien refaire un film avec elle un jour.”
Kim Gordon, musicienne, membre de Sonic Youth
“A 14 ans, j’étais le cinquième membre rennais acnéique de Sonic Youth. J’avais découvert ce groupe par hasard et j’étais devenu ultra obsédé par cette blonde glacée qui chantait et jouait de la basse. J’essayais de trouver des photos d’elle. Je la dessinais au crayon papier sur mes pochettes en carton pour impressionner les autres, mais tout le monde s’en foutait. Les chansons de Sonic Youth que je préfère et où elle chante : Bull in the Heather, Tunic (Song for Karen), Drunken Butterfly.”
Kathryn Bigelow, réalisatrice et scénariste
“J’ai été traumatisé par Zero Dark Thirty. C’est un film d’une dureté et d’une beauté incroyable. Démineurs est hallucinant dans sa description périphérique des sociétés arabes. Elle assume complètement sa paranoïa, l’expression qu’elle a de celle-ci est sidérante. Quand les mecs essaient de déminer des trucs, et que les balcons à côté sont pleins de types qui les regardent, en silence, sans comprendre ce qu’ils veulent ou font… L’Occident face à son ignorance et à sa méconnaissance du monde musulman… C’est la reine de la mise en scène, elle est bien supérieure à tous ses collègues hollywoodiens. Je ne sais pas comment c’est possible de faire ce genre de mise en scène. Je me dis souvent pour rigoler que j’aimerais bien voir comment elle adapterait L’Arabe du futur en film ! Faut que je lui envoie, tiens, on sait jamais.”
Rumiko Takahashi, mangaka
“C’est l’une des mangakas japonaises les plus célèbres. J’idolâtre son manga Ranma ½, avec son héroïne qui se transforme successivement en homme ou en femme au contact de l’eau froide et chaude… Quand j’avais 10 ans, je regardais Juliette je t’aime à la télé, qui est l’adaptation francisée de Maison Ikkoku. Pendant des dizaines d’épisodes, Hugo, le jeune étudiant timide, se pâmait d’amour pour Juliette, la jeune veuve qui tenait la pension, et leur relation n’avançait pas.
J’étais réellement amoureux de Juliette, aussi. J’en rêvais la nuit. C’était intense. Hugo n’osait pas lui déclarer sa flamme. Elle semblait l’ignorer. Puis, un jour, il ose. Alors elle lui demande de se tourner et de fermer les yeux. Il le fait. Puis elle enlève ses tatanes japonaises en bois pour ne pas faire de bruit, fait le tour et l’embrasse. Je ne m’en suis toujours pas remis.”
Lisa Gerrard, chanteuse et musicienne
“Je n’avais pas le droit de prendre de drogue quand j’étais jeune. J’étais obéissant, alors j’écoutais Dead Can Dance au casque (je pense que c’était mieux). Lisa Gerrard était la chanteuse de ce groupe dément. J’imaginais des scènes de science-fiction avec de vastes navires intersidéraux dérivant près de trous noirs, en écoutant Yulunga dans mon lit à Rennes.
Je ne la remercierai jamais assez pour ces bons moments de réconfort de solitude adolescente. Je l’ai vue en concert il y a quelques années et j’ai eu de nouveau ces visions cosmiques. Elle était vêtue d’un drap sur scène, juste d’un drap, c’est pas trop bien ?”
Julie Doucet, auteur de BD
“Quand j’étais étudiant en arts appliqués, j’ai découvert dans mon coin la bande dessinée “indépendante”, par les livres de l’Association. Ils venaient de publier Ciboire de criss !, je crois. A cette époque, je n’étais jamais sorti avec une fille, et je me préparais à l’idée simple que cela n’arriverait jamais. Mais lire les histoire de Doucet me réconfortait et me donnait confiance dans le futur, c’est un peu idiot.
Elle décrivait un monde étrange, dur et drôle, de créateurs à la marge, qui me faisait totalement rêver et que j’aurais aimé intégrer. J’étais certain que Julie Doucet, elle, aurait bien aimé sortir avec un mec qui s’appelait SATTOUF. Ça l’aurait fait rire un moment, j’en suis sûr. C’est un grand maître de la bande dessinée, je vous conseille tous ses livres.”
Alice Miller, doctoresse en philosophie et psychologie
“C’est une docteur en psychologie très célèbre qui a travaillé sur la violence faite aux enfants et qui est morte il y a quelques années. Elle était farouchement opposée à toute forme de châtiments corporels et a écrit des livres hallucinants sur la façon dont les enfants sont traités par les adultes depuis l’aube de l’humanité.
Le premier que j’ai lu d’elle est son plus célèbre, Le Drame de l’enfant doué, puis j’ai lu tous les autres. J’ai été très marqué par ses théories sur la violence cachée qui se transmet de parents à enfants. Je mets au défi quiconque de ne pas être bouleversé à la lecture de ses livres !”
Claire Bretécher, auteur de BD
“Claire Bretécher est l’une des seules auteurs modernes que mon grand-père connaissait. Il essayait de me faire lire Les Frustrés, mais j’avais du mal à déchiffrer son écriture, son lettrage était trop compliqué. J’avais 10-11 ans, et un jour elle est passée à la télé et elle a parlé de son travail avec beaucoup de sérieux. J’avais été très impressionné.
Quand j’ai fait des études d’arts appliqués, je l’ai redécouverte, et je suis tombé amoureux de son style, de son art du rythme. C’est vertigineux de se dire qu’à son époque, elle était la seule au monde quasiment à faire ce genre de bande dessinée. J’étais très fier et impressionné d’intégrer L’Obs, magazine où elle a officié longtemps !”
Noémie Lvovsky, cinéaste, scénariste et actrice française
“J’ai rencontré Noémie chez une amie commune un soir et je l’ai trouvé ultra impressionnante d’intelligence et de classe. Une journaliste m’avait prêté la VHS de La vie ne me fait pas peur, son premier film sur l’adolescence, un chef-d’œuvre, et j’avais été libéré par sa façon de raconter et de montrer. C’est une grande réalisatrice et une grande auteur. Ses scénarios sont des textes magnifiques. A cette époque, je faisais le casting de mon film Les Beaux Gosses et je lui ai proposé le rôle de la mère d’Hervé. Je l’ai énormément enlaidie pour cela et j’ai un peu honte parce que ça l’avait rendue malheureuse à l’époque. C’est une immense actrice, qui ne fait jamais semblant de rien. J’aimerais bien écrire un film entier rien que pour elle un jour !”
Marguerite Yourcenar, écrivaine
“On avait étudié L’Œuvre au noir en terminale, et je ne l’avais pas lu, pour faire mon rebelle. Puis en fait, après le bac, je l’ai vraiment lu et je suis tombé amoureux des livres de Yourcenar. Nouvelles orientales, Le Labyrinthe du monde… Je me rappelle avoir entendu quelqu’un dire que Mémoires d’Hadrien était incompréhensible tellement il était plein de références. Moi je vous conseille de le lire en écoutant Dead Can Dance, ça va ultra bien ensemble.”
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